Election de juillet 2013 : Un jeu de dupes

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La tenue de l’élection présidentielle en juillet 2013 permettra-t- elle au Mali de sortir durablement de la crise multiforme qu’il traverse depuis le coup d’Etat militaire intervenu le 22 mars 2012 ? Au-delà du politiquement correcte qui voudrait faire preuve d’un optimisme à la limite du rêve, il y a des signaux à décrypter pour se rendre compte que des grains de sable sont en train de s’introduire dans l’engrenage.   
 electionQuoique paraissant politiquement incorrecte tant l’unanimité semble acquise autour de la réponse affirmative qu’elle appellerait nécessairement, la question mérite pourtant qu’on s’y arrête. En effet, plusieurs facteurs incitent fortement à se démarquer de l’optimisme ambiant et à s’interroger sur la pertinence du postulat qui voudrait que la tenue des élections à la période indiquée signifierait ipso – facto la fin de la crise actuelle.
En premier lieu, on peut se demander si les conditions techniques préalables à l’organisation répondant aux normes généralement admises en la matière sont réunies. A cet égard, force est de constater que des retards considérables ont été déjà accusés par le Gouvernement. En effet, l’on ne sait toujours pas quel sera le fichier devant servir de support à la tenue des scrutins à venir ni avec quelle loi électorale lesdits scrutins se tiendront; les cartes d’électeur ne sont toujours pas confectionnées et le processus de sélection de l’opérateur qui en aura la charge n’est toujours pas déclenché.
L’on ne sait rien non plus sur les dispositions envisagées pour que les Maliens réfugiés à l’extérieur du fait de la crise sécuritaire puissent prendre part au vote, tandis qu’au Mali même l’Administration tarde à opérer son retour effectif et complet dans les zones libérées de l’occupation jihadiste. On pourrait pointer encore du doigt, sans risque d’être sérieusement contredit, d’autres insuffisances, retards et/ou faiblesses tangibles sur le plan de la préparation technique de la tenue de l’élection prévue en juillet.
En deuxième lieu, de nombreuses incertitudes pèsent toujours sur la possibilité de tenir présentement au Mali des élections véritablement libres et transparentes parce que répondant aux normes internationales, lorsqu’on se penche sur la problématique de la sécurisation des institutions.
Cette problématique intègre des questions aussi importantes que l’absence d’interférences et d’immixtions sur le terrain politique de la part des acteurs non politiques, la liberté pour les acteurs politiques – et pour tous les citoyens intéressés – de battre campagne et de se présenter aux élections. Avec une junte omniprésente, interventionniste et déterminée à tout mettre en œuvre pour «barrer la route» aux  forces et leaders politiques considérés comme étant des partisans du régime déchu, qui peut donner la garantie que les libertés de vote et de candidature seront préservées dans le cadre des scrutins à venir ?  Quel sens aurait demain une élection présidentielle au Mali en terme de légitimité si des candidats issus de forces politiques aussi  représentatives que l’Adema, l’Urd ou le Pdes ne peuvent y prendre part ?
Contrairement aux dispositions prises en 2011 pour garantir la liberté de candidature en Côte d’Ivoire voisine, aucune mesure n’a encore été prise au Mali pour assurer la sécurité des leaders politiques, des candidats et des membres de la société civile qui participeront à l’élection envisagée en juillet 2013 ou qui seront impliqués dans son organisation. Le plus inquiétant est que personne, au sein de la classe politique comme au sein de la communauté internationale, n’évoque cette question cruciale alors qu’elle touche en définitive à l’exercice d’un droit constitutionnel par les Maliens en mars 1991: celui de choisir librement leurs dirigeants politiques. Tout se passe comme si tout le monde préférait pudiquement fermer les yeux sur ce facteur d’insécurité qui pourrait considérablement affecter la stabilité politique du Mali et compromettre durablement ses chances de renouer avec le développement économique et social. La classe politique malienne elle-même, et notamment le Fdr qui regroupe pourtant des forces hostiles au putsch, manifeste sur cette question, comme sur bien d’autres, une indigence qui n’a d’égale que son incapacité à poser les vraies questions.
Le troisième obstacle majeur à la tenue de l’élection présidentielle en juillet 2012 au Mali, c’est la présence hégémonique des partisans du coup d’Etat au sein du Gouvernement de Transition. Ces derniers y détiennent les postes ayant le plus de liens avec l’organisation des élections. En effet, les ministres directement proposés par les membres de l’ex-junte,  à travers le capitaine Sanogo, y détiennent des départements-clés tels que le Ministère de la Défense, ceux de l’Administration Territoriale, organisatrice des élections ; de la Sécurité intérieure, de la Justice. Avec un tel rapport des forces, peut-on parier sur la neutralité du gouvernement actuel par rapport aux joutes électorales à venir, et en particulier en ce qui concerne l’élection présidentielle ? On peut sérieusement en douter d’autant que de nombreux mouvements ont  récemment affecté et continuent d’affecter l’Administration Territoriale, notamment, les gouvernorats et les préfectures, qui sont directement impliqués dans l’organisation matérielle des élections ?  Cet autre facteur limitant, qui pourrait représenter un péril mortel pour l’avenir immédiat de la démocratie au Mali et pour le retour effectif à l’ordre constitutionnel, ne semble émouvoir personne. Ni au sein d’une classe politique aphone et comme tétanisée, ni au sein d’une communauté internationale qui semble plus pressée d’organiser des élections formelles dans le pays que d’y favoriser l’émergence d’institutions véritablement légitimes.
En attendant le réveil, le Mali s’achemine, dans l’indifférence quasi- générale, vers la tenue d’élections bâclées, au cours desquelles des auteurs d’un putsch militaire joueront très vraisemblablement un rôle majeur, pour installer à la tête de l’Etat, des dirigeants sensés garantir leurs arrières.
Birama FALL

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2 COMMENTAIRES

  1. Vraiment mon frere Kassin, t’as tout resume. Je piur le monent pessimiste car tous les ingredients sont la pour un ka-booommm. Esperons un petit changenent et amelioration d’ici la.

  2. Écharpes et bâton , les artifices d’une transition politique inutile.

    Au risque de me répéter je cherche et recherche encore le moindre avantage pour le Mali de cette transition politique incrédule, mais que dalle, je ne vois rien de plausible non seulement sur la sécurité du pays, mais également sur sa construction démocratique sans oublier sa situation économique et sociale.

    Délestage de courant électrique, coupure d’eau potable, prix du gaz et des transports impossibles, les bamakois découvrent peu à peu l’inutilité mais aussi et surtout la dangerosité d’un régime d’exception qui n’a réglé depuis une année aucun aspect de leur quotidien déjà très dur.

    Les politiques agressés et menacés de mort, les journalistes au pas et séquestrés, la Misma dans le Gourma, le Tchad au combat dans le Tigharghar, les français à la traque jihadistes à Tessalit, le Mnla au beurre à Kidal, la sécurité d’état à Kati, l’armée malienne réduite à défendre Gao et Tombouctou avec l’aide de jeunes civils à mains nues, mon pays ressemble de plus en plus au quartier rouge d’Amsterdam qui fait le bonheur des touristes.

    La pantalonnade de Cheick Modibo Diarra, l’homme qui voulait mettre un accord-cadre au dessus de notre constitution, s’est terminée comme un jeu d’enfants.

    Le flirt dangereux d’un Dioncounda en écharpes blanches avec un Sanogo en bâton façon Bokassa qui rêve d’être De Gaulle sans pourtant faire l’appel du 18 juin, ni bouger d’un iota vers le front nord de notre pays, au moment où le Mnla nomme un gouverneur, se fait au prix d’un
    recul dangereux de la liberté de la presse et des manquements grave au droit pénal et au droit des procédures pénales du pays.

    On aurait voulu voir participer ce capitaine matamore à bâton rompu dans les batailles que livrent les braves tchadiens dans le nord de notre de pays contre les envahisseurs, mais hélas!

    Diango Cissoko, l’autre matamore de la gouvernance éternelle depuis Moussa Traoré, se laisse aller comme son prédécesseur dans une aimable négligence du piétinement des droits fondamentaux des citoyens maliens par une politique néo stalinienne menée par une sécurité d’état de salon.

    Dans les autres pays les services de renseignement traquent les menaces sur la sécurité du pays, notre SE nationale ou katoise si vous le voulez bien , n’a jamais vu venir la menace Iyad Ag Ghali, ni celle du Mnla, encore moins les contre coups de la crise libyenne sur le Mali.

    Non c’est trop lui demander, la SE de salon est préoccupée à attraper journalistes et politiques pour perpétuer un climat de terreur à Bamako dans la pure lâcheté.

    Et la ménagère dans tout cela, eh bien elle désole entre hausses des prix et baisses des revenus, et regarde impuissante, un état démissionnaire octroyer des salaires à 7 chiffres, à ceux-la mêmes qui ont violé la constitution du pays, pillé les administrations et les commerces, fermer les frontières et occasionner embargo et suspension de coopération internationale pour le Mali.

    Vous avez donc compris, que ceux qui ont enfanté la crise institutionnelle et économique dans notre pays sont au beurre de la gouvernance “Écharpes et bâton” alors que les populations tirent le diable par la queue.

    Jeunes du Mali, n’attaquez pas les Sotramas et leurs chauffeurs, ils ne sont pour rien dans votre misère, ils sont comme vous, c’est à dire pris au piège de l’irresponsabilité des nouveaux Ayatollah de la vaudeville.

    Quand on est malade de bronchite, on tousse, les hausses des prix sont des quintes de toux d’une économie malade, il faut très vite un Plan de Sauvetage général pour l’économie malienne d’au moins 3000 milliards de francs CFA pour réactiver tous les secteurs porteurs de croissance et relancer l’emploi et la consommation.

    Visiblement la gouvernance “Écharpes et bâton” est incapable de le faire malgré la reprise de la coopération internationale.

    Il nous faut à tout prix des élections en juillet 2013, pour avoir un pouvoir légal et légitime issu des urnes, pour mettre de l’ordre partout au Mali et relancer l’économie pour soulager les populations des conséquences désastreuses de cette transition politique inutile.

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