Dans son discours à la Nation, le dimanche dernier, le Président de la République a de fait écarté le Premier ministre dans la gestion de la transition en réduisant ses attributions et en créant de nouveaux organes pour gérer la crise du Nord occupé par des rebelles, C’est donc « la réponse du berger à la bergère » car au cours de son point de presse, le Premier ministre a fait savoir à qui veut l’entendre que personne ne peut le relever de son poste et que c’est à lui que revenaient les tractations en vue à entreprendre pour la formation du gouvernement d’union nationale.
En annonçant la mise en place d’un Haut conseil d’Etat (HCE) dirigé par le Président intérimaire et assisté de deux vice-présidents, la formation d’un gouvernement d’union nationale, avec des consultations qu’il mènera lui-même, et d’une « Commission aux négociations » avec les rebelles du Nord, Dioncounda Traoré vient enfin de sonner « la fin de la récréation » au sommet de l’Etat car en plus du HCE, il a également annoncé un gouvernement d’union pour la formation duquel les consultations seront menées par lui-même et non par le Premier ministre à qui une grande partie des partis politiques et syndicats du FDR reprochent « de n’avoir aucune stratégie » pour libérer le Nord, surtout quand on sait que la mise sur pied d’un gouvernement d’union nationale est une exigence des voisins ouest-africains qui avaient donné le 31 juillet comme dernier délai pour le former. Au Premier ministre, qui a affirmé le samedi dernier qu’il ne démissionnera pas, il est également reproché de n’avoir rien fait pour mettre ce gouvernement sur pied. Un gouvernement d’union qui doit avoir la légitimité suffisante pour pouvoir lancer, avec le soutien de la CEDEAO, une contre-offensive dans le Nord pour mettre fin à la crise institutionnelle que traverse le pays.
Pendant longtemps critiqué pour sa nonchalance et son manque de charisme, Dioncounda Traoré vient de démontrer une fois pour toutes aux yeux des Maliens et de la communauté internationale que ce n’est pas par de beaux discours qu’on change le cours de l’histoire, mais par des actes concrets et visibles. Grandeur d’esprit oblige : l’acte que vient de poser le Président intérimaire est lourd d’entendement car en premier lieu, il veut afficher son autorité en tant que Président de la République du Mali. En secundo lieu, il veut « clouer le bec aux griots de tout acabit » qui ont assez terni son image et celle du pays à l’extérieur. Ce discours du Président sonne ainsi le glas du renouveau du pays. Et tous ceux qui avaient porté la main sur lui lors de l’agression se poseront enfin la question : pourquoi avaient-ils agi de la sorte ? En décidant de créer des institutions qui devront accompagner la transition et de prendre en main les pourparlers pour la formation d’un gouvernement d’union nationale, le Président vient de signifier au Premier ministre qu’il n’y a pas deux capitaines dans un bateau. C’est dire « qu’au terminus du bus, tout le monde doit descendre ».
Paul N’guessan