Promoteur de la Clinique médicale « DEFI » et président de l’URP (Union des Patriotes pour la République) Dr Modibo Soumaré, ancien leader de l’AEEM, est un de ces acteurs principaux, de la lutte pour la démocratie au Mali. A l’occasion du 23ème anniversaire de la célébration des évènements du 26 mars, nous l’avons rencontré. Dans cet entretien exclusif, Dr Soumaré dénonce la défaillance de la classe politique malienne et des leaders politiques dans la gestion des affaires de l’Etat.
Le Pouce : Il y a de cela 23 ans que le peuple malien vivait sa première révolution. Vous avez été acteur actif dans la chute du Général Moussa Traoré. Que dire à la génération montante ?
Dr Modibo Soumaré : Vingt trois ans après, avec un recul, on peut se dire que le peuple a vécu, en mars 1991, l’une des périodes historiques de l’évolution de son histoire et de la République. Le passage de la dictature du parti unique à un régime démocratique avec multipartisme intégral, est le fruit de haute lutte et de beaucoup de sacrifice. Il faut que la génération montante sache que se sont des jeunes femmes et hommes maliens qui ont sacrifié leur vie pour qu’aujourd’hui, les uns et les autres puissent avoir la liberté de parler à des journalistes, de s’associer librement autour des thèmes souhaités et de choisir démocratiquement le président de la République, les députés et les élus. Bien que nous n’avons pas la possibilité de tout apprécier à sa juste valeur, mais pour nous qui avons vécu ces périodes du parti unique avec la seule UNJM comme alternative et militantisme politique, c’est un grand ouf que nous avons exprimé avec les évènements du 26 mars 1991.
Le Pouce : Avez –vous des regrets par rapport à la finalisation de cette révolution ?
Dr Modibo Soumaré : Après toute entreprise, il y a des ratés. Par rapport à la révolution de 1991, il y a des regrets à formuler. D’abord, du côté des élèves et étudiants. Il y a cette mauvaise image des responsables de l’AEEM, présentés comme des fainéants. Ce n’est pas vrai. C’était des étudiants brillants qui ont pris l’initiative de la création de l’AEEM. C’était des jeunes sérieux qui se sont battus. Aujourd’hui, le leader de l’AEEM doit briller par son exemplarité. C’est ce regret que j’ai aujourd’hui. On ne peut défendre les intérêts de l’école malienne qu’en étant en classe. On peut lutter pour la défense des élèves et étudiants, mais en préservant l’école dans sa totalité. Malheureusement, les enseignants se sont mis dans la danse. Il y a un ou deux ans, j’ai été outré de voir un secrétaire général de l’AEEM supplier les enseignants pour qu’ils donnent des cours. L’autre regret, c’est du côté des gouvernants. Il faut que les uns et les autres comprennent que l’Etat est un tout. Les gens de l’AEEM ne peuvent pas endosser toutes les critiques. Il est important de préciser que ce soit le président Alpha Oumar Konaré, ATT, IBK, ils sont tous issus du mouvement démocratique. Ils ont tous bénéficié de la révolution de mars 1991. Ils sont tous autant responsables que les leaders de l’AEEM, du fait qu’ils ont assumé le pouvoir au plus haut niveau. C’est trop facile de dire que l’AEEM est seule responsable de la situation actuelle de notre école. Des politiques ont été testées sans l’avis de personne. Nous avons connu la nouvelle école malienne, une nouvelle école fondamentale, la pédagogie convergente. Chaque bailleur qui vient, nous impose sa politique et son idéologie. Sans chercher loin, nous l’insérons dans nos politiques scolaires. L’éducation malienne est devenue un laboratoire pour importe quel philosophe ou libre penseur qui a un peu de pognon et qui veut du Mali son site laborantin. Il est impérieux de préserver le modèle de l’école malienne en se référant à des illustres personnalités telles que Seydou Badian Kouyaté, l’imminent chirurgien Koumaré. Tous ceux-ci ont étudié sur la base du syllaber. Si l’école est déboussolée aujourd’hui, c’est dû aux différentes politiques éducatives qui ont été testées sans tenir compte de l’intérêt des enfants. On sait que la plupart des fonds destinés pour cette école, n’arrivent à destination.
Le Pouce : Quelle explication donnez-vous à l’évolution inquiétante de la corruption, de la délinquance financière, du chômage, de l’indiscipline au sein de nos forces armées et de sécurité, de la transhumance politique ?
Dr Modibo Soumaré : D’abord, par rapport à l’Armée, dès lors qu’un Général se met en garde-à-vous devant un Colonel, un capitaine ou un caporal, il faut se dire qu’il n’y a d’armée. L’armée doit être le premier garant de la démocratie. Le premier magistrat, le chef des armées, donne lui-même l’occasion à des caporaux ou à des sergents de prendre le pouvoir en plein exercice démocratique, qui en est le coupable ? Il faut mettre fin à tout prix à cela au sein de nos forces de défense et de sécurité. La situation dans laquelle se trouve notre armée, est due à la mauvaise gestion de la hiérarchie politique et militaire. Quand on doit recruter les militaires sur la base des listes données par x ou y sans tenir compte des critères de motivation de patriotisme, il est évident qu’on passe à côté. Il faut que l’armée revienne à ses premiers amours. Il faut que le chef soit le chef. Il ne doit pas trembler devant ses subordonnés, le pays ne saura plus où aller. Notre armée n’a pas à trembler devant quelques bandits qui prennent, avec leurs complices, les trois régions du pays en 48 heures. Cela est inadmissible. Il faut que lorsque les gens décident d’intégrer les corps armés, qu’ils s’engagent à mourir pour le drapeau malien, pour l’honneur du Mali. En ce qui concerne la transhumance politique, il faut se dire que l’exercice démocratique n’est pas respecté au sein des partis politiques. Dans la plupart du temps, on se rend compte que le jeu est faussé au sein de nos forces politiques. C’est ce qui amène les dissidents et l’éclatement du parti. Quand on voit l’ADEMA, duquel sont sortis le Miria, le RPM, l’URD, il faut se dire que cela n’est pas tombé du ciel. C’est dû à des frustrations objectives. Si les uns et les autres acceptent le jeu démocratique, il n’y aura pas de division. Mais, il faut reconnaitre que les transhumances politiques sont dues au fait que n’importe qui est homme politique. N’importe qui peut s’investir dans la politique. On a vu des commerçants qui se sont infiltrés dans la politique en se disant que c’est du business. La politique n’est pas un business. La politique est exercée par des gens qui aiment leur pays, qui sont prêts à tout pour la cause de l’intérêt du pays et qui ont l’expérience de s’engager pour les autres. Malheureusement, cela pose problème. C’est pourquoi on se retrouve avec des députés qui se basent sur le néant. Ces hommes ne disposent ni de programme et n’ont aucune expertise. Aujourd’hui, il est indispensable que les politiques soient exemplaires. Quand les leaders montrent qu’ils n’ont pas de conviction, alors, il faut s’attendre à ce que rien ne marche. Aujourd’hui, la corruption, la gabegie, le manque de patriotisme, sont des maux que nous devons combattre pour redresser le Mali. Pour y parvenir, il faut mettre les Maliens au travail. Que le Malien cesse d’être riche sur la base de la facilité. Il n’est pas bon de devenir très riche sans vouloir travailler. Les gens doivent redoubler d’efforts et travailler beaucoup plus que quotidiennement. D’abord, il faut que les uns et les autres pensent à changer les modes de travail au sein des services. Il s’agit de consacrer plus de temps au travail qu’ailleurs. De même, il faut revaloriser les salaires. Que l’Etat revoit certaines dispositions pratiques. Le cas du SMIG. En faisant un rapport sur la situation de solde de mes professeurs, cela n’encourage pas du tout. Il est regrettable qu’après plus de 20 ans de service que les professeurs n’atteignent même pas 250 000 FCFA comme salaire mensuel. Au même moment, c’est un détenteur du CAP, évoluant dans le domaine de la douane qui se retrouve dans de gros véhicules et dans de gros bâtiments construits par ci par là. Cette inégalité mérite d’être corrigée. Aussi, faut- il le préciser que ce n’est pas la fonction publique qui va créer de l’emploi. C’est le secteur privé qui va créer de l’emploi. L’Etat doit, à cet effet, créer les conditions optimales pour que le secteur privé puisse s’épanouir. Le nombre de fonctionnaires est très peu par rapport au nombre de bras valides. Tous ces bras valides vivent du secteur privé. Dans chaque zone, il faut tirer le maximum de profit. Par exemple, à Tombouctou, on peut réaliser de grands projets agricoles aux côtés d’entreprises qui exploitent les minerais, mais aussi, d’entreprises qui puissent revaloriser les techniques artisanales à savoir les selles, les chaussures etc. L’expertise locale étant déjà acquise. Dans la même idée, il faut moderniser le cheptel qui est une source renouvelable contrairement aux mines d’or. Il s’agira d’orienter les aides et les fonds vers les secteurs porteurs. En mettant en place des mécanismes d’exploitations réfléchies de l’énergie salaire, on pourra faire face aux effets de délestages électriques et alléger les factures exorbitantes de l’Energie du Mali. Le Ministère de la Promotion des investissements, doit être renforcé par des experts qui travaillent avec le secteur privé. Au lieu que l’avion du président soit, à chaque tournée à l’extérieur, rempli de n’importe qui, il faut des entrepreneurs du secteur privé y participent pour permettre au Mali de profiter de l’expérience mondiale. C’est ça un Etat stratège.
Le Pouce : Selon vous, que reste t-il à faire pour peaufiner cette révolution de mars 1991 ?
Dr Modibo Soumaré : Il revient aux acteurs de mars 1991 qui sont devenus des médecins, chefs d’entreprises, Ministres et, même, présidents de la République, de montrer que la révolution de mars 1991 n’était pas une erreur, mais plutôt une occasion inouïe pour faire avancer ce pays. Si jamais on rate se coach, ça veut dire que nous avons tous échoué, et nous devons donner raison à la dictature. Il faut alors mettre fin à la corruption électorale pour ne pas enlever de la démocratie sa valeur. Tout le monde sait que cette situation prend du volume. Cela doit être arrêté et sanctionné. Surtout, il faudra éviter de faire une prime à la rébellion. Ce sont les fonds qui ont encouragé la répétition de ces invasions internes. Aujourd’hui, toutes les régions du Mali, ont leur raison de faire une rébellion. La criminalisation des rébellions doit être une réalité. Seule la démocratie doit être une réalité. Seule la démocratie doit être le recours pour les citoyens. Il faut que les partenaires suisses et français, arrêtent de tendre une oreille attentive à ces bandits armés. La France a sa Corse chez elle, chacun à sa petite zone rebelle chez lui. Dès qu’il y a la démocratie, il n’y a pas de place pour la rébellion. Ce discours doit être très clair et compris de tous. En somme, les responsables politiques doivent être exemplaires. C’est de cette seule manière qu’on pourra donner du crédit à la démocratie.
Entretien réalisé par Jean GOÏTA
Le quotidien français “Le Monde” daté de vendredi fait état d’une enquête lancée par la justice française contre Michel Tomi, homme d’affaires corse à la tête d’un empire industriel en Afrique. L’affaire inquiète les milieux diplomatiques et pourrait impliquer plusieurs chefs d’État du continent, dont Ibrahim Boubacar Keïta et Ali Bongo Ondimba.
D’après Le Monde daté du vendredi 28 mars, les juges Serge Tournaire et Hervé Robert enquêtent depuis plusieurs mois sur l’homme d’affaires corse Michel Tomi, 66 ans. Au bout des ramifications de son empire industriel : l’Afrique et certains chefs d’État notamment, dont il serait très proche.
Selon le quotidien, la justice française, qui a ouvert une information judiciaire pour “blanchiment aggravé en bande organisée”, “abus de biens sociaux” et “faux en écriture privée”, soupçonne Tomi de blanchir en France une partie de l’argent gagné en Afrique. Et d’avoir impliqué dans son système quelques dirigeants locaux aujourd’hui au pouvoir.
Le Monde rapporte en particulier plusieurs scènes accablantes pour le chef de l’État malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). La première remonte à avril 2012. Le futur président sort alors du restaurant parisien huppé “La Maison de la truffe” avec Michel Tomi avant de le serrer dans ses bras, le tout sous l’oeil de policiers en planque qui commencent à enquêter sur les liens entre les deux hommes. Dans les mois qui suivent, le “parrain” corse aurait “fournit des vêtements de marque” et payé à IBK “ses séjours à l’hôtel parisien La Réserve”, le tout en mettant “à sa disposition des avions pour sa campagne présidentielle”.
Déplacements et hébergement tous frais payés
Début septembre 2013, Michel Tomi aurait également assisté en toute discrétion à la cérémonie d’investiture d’Ibrahim Boubacar Keïta à Bamako. Les liens entre les deux hommes ne s’arrêtent pas là. Quelques mois plus tard, en décembre 2013, en marge du sommet Afrique-France à Paris, le président malien aurait effectué “un déplacement privé à Marseille”, où il aurait été “pris en main par les hommes de M. Tomi”. Et Le Monde de poursuivre : “plus récemment, du 8 au 10 février, M. Tomi héberge son ami, tous frais payés, dans une suite du palace parisien le Royal Monceau. Il lui procure aussi des véhicules haut de gamme”.
L’industriel corse aurait par ailleurs sollicité Bernard Squarcini, ancien patron de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, les services de sécurité intérieure français), désormais consultant en sécurité dans le privé, pour organiser la protection d’IBK. Enfin, selon Le Monde, le chef de l’État malien aurait aussi des parts dans la salle de jeu bamakoise du Fortune’s club, propriété de Michel Tomi.
Lire l’article sur Jeuneafrique.com
Brillant ce Monsieur. On a besoin de cadre de ce genre pour nous sortir de la galère.
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