Dr Mamadi Sissoko, constitutionnaliste ; Dr Ali Tounkara, sociologue et Me Cheick Oumar Konaré, avocat, étaient les invités de l’émission « Le grand dialogue » de Studio Tamani, le lundi dernier. Contrairement à ce que beaucoup font croire, ces deux éminents juristes laissent entendre que le président de la République peut dissoudre la Cour constitutionnelle en mettant en marche l’article 50 de la constitution de 1992.
Les revendications du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) continuent à susciter des débats partout au Mali. Même si certains citoyens trouvent trop la demande de démission du président de la République, ils se reconnaissent dans le combat de ce mouvement. C’est en tout cas ce que pense Dr Ali Tounkara, sociologue, lors de l’émission « Le grand dialogue » du Studio Tamani. « Beaucoup de Maliens se retrouvent dans les revendications du mouvement du 5 juin même si la démarche ne fait pas l’unanimité. Nombreux sont ces citoyens qui ne sont pas satisfaits de la gouvernance du régime IBK dans les secteurs de la santé, de la sécurité, de l’éducation. Certains trouvent que les auteurs de la corruption n’ont pas été punis comme il le faut. Ce qui a aggravé la colère, ce sont les dernières élections législatives », a-t-il laissé entendre.
Selon Dr Tounkara, le M5-RFP doit être pris au sérieux vu le nombre élevé des personnes qui adhèrent à son combat. « Ils doivent être écoutés et pris au sérieux. Les reproches qu’ils ont faits au Président sont fondés. Même ceux qui sont du côté du chef de l’État savent qu’il y a des difficultés sur la sécurité, la santé, l’autosuffisance alimentaire… », argumente le sociologue.
Les autres invités, Dr Mamadi Sissoko et Me Cheick Oumar Konaré, ont reconnu les difficultés de l’heure et le bien-fondé des reproches faits au président IBK.
La démission d’IBK conduit au chaos
Selon le sociologue Ali Tounkara, la démission du Président n’est pas la solution pour le Mali malgré ces énormes difficultés. Il estime que les élections peuvent être transparentes, la corruption peut être combattue, les citoyens peuvent se reconnaitre dans le gouvernement et à l’Assemblée nationale si le chef de l’État et les acteurs du M5-RFP acceptent de se parler, de s’écouter et prendre des décisions même si elles vont en défaveur de certains.
Pour le constitutionnaliste Mamadi Sissoko, la demande de démission du président de la République est un coup d’État. « Le président de la République est politiquement irresponsable. La demande de démission d’IBK est un coup d’État », a-t-il déclaré.
Me Cheick Oumar Konaré trouve que le combat du M5-RFP est plutôt politique que juridique. Il estime que le mouvement, à travers la demande de démission, fait pression sur le président de la République afin qu’il change sa façon de gouverner. « La politique est différente du droit. Selon le droit, si le président est proclamé élu par la Cour constitutionnelle, il ne peut quitter qu’après le vote. Ce que veut le M5-RFP est le changement de la gouvernance. Ils veulent la sécurité, l’éducation, la santé. De leur analyse, quand tu ne demandes pas le départ du président, il ne change pas le mauvais système », justifie Me Konaré.
Article 50 de la constitution pour dissoudre la Cour constitutionnelle
La présidente de la Cour constitutionnelle a fait savoir, aux Maliens, dans une vidéo que même le président de la République ne peut pas les faire quitter de leur fonction. Mais il y a exception, selon des juristes, Dr Mamadi Sissoko et Me Cheick Oumar Konaré. Selon eux, le président de la République peut bel et bien dissoudre la Cour constitutionnelle quand il met en marche l’article 50 de la constitution. « Le président peut mettre en marche l’article 50 et peut faire tout ce qu’il veut, car, dans ce cas, il n’y a pas de constitution », a laissé entendre Dr Sissoko. Que dit l’article 50 de la constitution malienne ? Il stipule : « Lorsque les Institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national, l’exécution de ses engagements internationaux sont menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exceptionnelles exigées par ces circonstances, après consultation du Premier ministre, des Présidents de l’Assemblée nationale et du Haut Conseil des Collectivités ainsi que de la Cour Constitutionnelle. Il en informe la nation par un message. L’application de ces pouvoirs exceptionnels par le Président de la République ne doit en aucun cas compromettre la souveraineté nationale ni l’intégrité territoriale. Les pouvoirs exceptionnels doivent viser à assurer la continuité de l’Etat et le rétablissement dans les brefs délais du fonctionnement régulier des institutions conformément à la Constitution. L’Assemblée nationale se réunit de plein droit et ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels ».
Pour ces deux juristes, IBK peut donc faire usage de cet article pour « chasser » les autres membres de la Cour constitutionnelle qui n’ont pas encore démissionné.
Les propositions de solutions
Les trois invités du « grand dialogue » ont, en plus de leur analyse de la situation, fait des propositions de sortie de crise.
Selon Dr Tounkara, il faut dissoudre l’Assemblée nationale, la cour constitutionnelle, abroger le décret de la nomination du nouveau premier ministre Boubou Cissé, envoyer des officiers sur le front et résoudre les autres problèmes d’ordre social.
Pour le constitutionnaliste Mamadi Sissoko, il faut respecter la loi. Il trouve qu’on ne peut pas et ne doit pas imposer un Premier ministre au président de la République.
Me Konaré propose de revoir le système de gouvernance au Mali. Il trouve qu’il faut une gestion de consensus, un gouvernement de consensus.
Boureima Guindo