Dr Badié Hima, directeur exécutif du NDI « La légitimité de l’institution parlementaire dépendra demain du taux de participation »

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Pour mieux éclairer la lanterne des Maliens sur l’apport du NDI   au processus électoral au Mali, notamment les élections législatives, le Directeur exécutif du NDI au Mali, Badié Hima, s’est  exprimé au micro de notre reporter. Dans cet entretien exclusif, il donne des explications sur l’intervention de son Institution, sa vision du changement.  Ainsi que son point de vue sur les attentes légitimes de la population sur le régime d’IBK et sur le nouveau parlement en gestation et globalement sur l’évolution de la pratique démocratique dans notre pays.

Tjikan : Quelles sont les missions du NDI au Mali ?
Dr Badié Hima : Le NDI est une organisation non partisane et non gouvernementale qui œuvre  dans 130 pays à travers le monde  avec comme objectifs, le renforcement des institutions démocratiques sur le long terme, le renforcement des partis politiques, le  renforcement des organisations de la société civile, la  participation politique et publique de la femme, la régularité et la transparence des élections, la participation des citoyens, entre autres.

Le NDI a travaillé au Mali dans l’ensemble de ces domaines. Le NDI a mis en place un important programme d’accompagnement des élections depuis 2012 en vue de contribuer, auprès de l’ensemble des autres acteurs, à un scrutin crédible, apaisé et inclusif au Mali. Ce programme a permis de renforcer les capacités du réseau national d’observation nationale des élections (APEM), l’appui au parlement, la participation politique de la femme, le renforcement des partis politiques, etc. Notre intervention est appelée à s’intensifier, nous voulons aider le Mali à faire face à l’ensemble des défis post crise, dont la réconciliation et la paix sociale, à améliorer la qualité de la gouvernance, en l’aidant à être plus près des citoyens et de leurs préoccupations. La crise politique et institutionnelle au Mali est avant tout une crise de la gouvernance, crise de confiance entre les citoyens et les institutions. Il faut rétablir cette confiance.

Comment avez-vous vécu les récents événements au Mali, la mutinerie de mars 2012 et l’insécurité au nord ?
L’insécurité, la crise politique et institutionnelle ont eu des conséquences énormes sur le tissu social et économique et tous les maliens en ont durement souffert.  Des relations conflictuelles entres les acteurs sociaux et  politiques, l’intolérance entre les communautés, les violations graves des droits de l’homme.

Du putsch de Mars 2012, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une interruption du processus démocratique, et ce quel que soit, l’appréciation que l’on peut se faire de la qualité de la gouvernance passée au Mali. Et je sais que les maliens n’ont pas la même analyse sur  la qualité de la gouvernance démocratique passée. Les efforts des maliens et de la communauté internationale pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel montrent bien que l’ordre  démocratique a été rompu.

Vous connaissez la suite,  les maliens et les amis du Mali, ont travaillé très dur pour le retour de la démocratie, à travers l’organisation et la tenue de l’élection présidentielle et du premier tour des élections législatives. La leçon à tirer, c’est l’attachement du Mali à la démocratie.

L’insécurité au Nord Mali a rendu très difficile le rétablissement des institutions démocratiques élues parce qu’il fallait libérer et pacifier le Nord pour créer les conditions d’une élection au suffrage universel, c’est-à-dire sur toute l’étendue du territoire.
Tout le monde doit se féliciter aujourd’hui du retour progressif de la paix et du rétablissement des institutions élues sans lesquels, on ne peut parler de cadre démocratique à proprement parler.

Par rapport aux élections présidentielles du 29 juillet et 11 août 2013, couronnées de succès quel a été l’apport du NDI ?
Sous financement de l’USAID, du PNUD, de l’Ambassade Royale du Danemark, de l’ONUFEMMES, sur des cibles différentes mais interdépendants,  le NDI a mis en œuvre un important programme d’accompagnement de l’élection présidentielle.

Il y a eu d’abord la Rencontre de Haut Niveau entre les acteurs du processus électoral à un moment où le pessimisme était très fort quand la possibilité de tenir l’élection présidentielle en Juillet 2013. Cette rencontre a servi de déclic et a rétabli  l’optimisme chez les parties prenantes du processus électoral. Nous l’avions organisé en partenariat avec notre institution sœur, IFES sous financement de l’USAID. Je retiens que cette rencontre a été une étape importante qui a montré que la libération du Nord et la préparation des élections doivent être  lié et concomitante, les deux doivent procéder d’un même objectif qui est le rétablissement des institutions démocratiques rompues parce que les maliens appellent eux-mêmes les évènements de Mars 2012.

L’appui aux partis politiques a permis l’élaboration d’un Code de Bonne Conduite, toujours sous financement USAID, qui a eu une large adhésion au sein de la classe politique. L’organisation d’une élection dans un contexte de crise, nécessite l’apaisement. Nous avons travaillé très dur, c’est-à-dire de manière ininterrompue, de jour comme de nuit,  avec les partis politiques pour qu’une crise ne succède pas à une crise. C’est cela le sens du Code de Bonne Conduite que les leaders, les candidats les partis politiques, les militants et les citoyens ont tous respecté au cours de ce processus. Le mérite leur revient. De même, nous avons formé les partis politiques dans les stratégies de campagne, sur les stratégies de communication interactive avec les citoyens, afin de résorber la méfiance entre eux, sur l’observation partisane, je veux dire ici la formation de leurs délégués dans les bureaux de vote, sur les stratégies de mobilisation des électeurs.
La société civile notamment APEM a reçu l’appui du NDI pour mieux se structurer, recruter, former et déployer des observateurs sur toute l’étendue du territoire malien et permettre à travers un pôle d’observation de suivre en temps réel tout ce qui se passait dans les bureaux de vote. Grace à la synergie que nous avons contribué à créer entre les partenaires financiers et techniques, l’APEM a pu déployer 2700 observateurs dans toutes les régions. Elle a pu contribuer en relation avec les organes de gestion des élections, à corriger en temps réel, plusieurs dysfonctionnements matériels ou procéduraux constatées par les observateurs au fur et à mesure du déroulement du scrutin. L’apport du Réseau APEM a été reconnu par le MAT, la CENI, la DGE et l’observation internationale comme une contribution incommensurable dans la réussite de l’élection présidentielle.
Durant la transition, un accent important a porté sur la participation politique des femmes, à travers un accompagnement du Cadre de concertation des femmes des partis politiques, des réseaux féminins comme le Groupe GPDC, le Réseau des femmes parlementaires (REFEP) et des partis politiques, etc.

Pouvez-vous nous rappeler les actions de votre organisme dans les préparatifs et la bonne tenue du scrutin du 24 novembre dernier?
Les mêmes actions mises en œuvre pour l’élection présidentielle ont été poursuivies : la formation des délégués des partis politiques, le renforcement des partis politiques dans la mobilisation des électeurs, la vulgarisation du Code de Bonne Conduite dans toutes les régions du Mali, y compris Kidal, Tombouctou et Gao, la formation des femmes candidates, la conception et l’édition du manuel de mobilisation des électeurs à l’intention des partis politiques, le renforcement des partis politiques dans les stratégies de campagne.

Quelles explications donnez-vous au faible taux de participation des Maliens à cette élection?
Les résultats provisoires ont été proclamés hier soir par le MAT, le taux est de l’ordre de 38%, ce qui est très faible au niveau global. Mais cette faiblesse cache des disparités régionales, à titre d’exemple, les cercles qui enregistrent 70% de participation, alors que les communes de Bamako sont autour de 20% de participation. Il y a plusieurs explications au faible de taux de participation. Chaque acteur semble aller de sa propre explication, de telle sorte qu’aujourd’hui, on peut dire que les causes sont multiples. Il y a des causes immédiates, liés aux conditions de la campagne et de la composition des listes, entre autres. Il y a des causes lointaines. Je me penche plutôt du côté de l’analyse par les causes lointaines. A mon sens,  l’élan du taux de la présidentielle, cache peu le désenchantement des citoyens par rapport à leurs attentes non satisfaites de la gouvernance. La crise politique, institutionnelle et sécuritaire a révélé une crise de confiance entre les citoyens et les institutions, leurs propres institutions. Et trois mois de gouvernance des nouvelles autorités me paraît très insuffisants pour tout rétablir et tout de suite. Les attentes insatisfaites des citoyens sur le long terme de la gouvernance au Mali, est la cause majeure. Je crois fermement que la nouvelle gouvernance doit prendre cette crise de confiance comme la priorité majeure pour  réconcilier les maliens entre eux et les mettre au travail. Tout comme les citoyens doivent comprendre que le Mali vient de très loin, la prise en compte de leurs priorités, doit être inscrite dans le temps, tant tout me parait prioritaire au mali qu’il faut prioriser dans le temps. Mais pour cela, le gouvernement doit communiquer de manière permanente pour gérer les impatiences légitimes des citoyens.

Quelles sont les alternatives selon vous pour pouvoir booster le taux de participation le 15 décembre prochain?

Il n’y a pas d’autre alternative que d’intensifier la sensibilisation et la mobilisation des électeurs. Si ce que l’ORTM, les médias publics et privés,  le NDI, IFES, APEM, GPDC, CAFO,  AMRTP, FENACOF, et l’ensemble des organisations de la société civile toutes confondues, ont fait en terme de mobilisation, de sensibilisation, n’avait pas été mené durant ces législatives, nous n’aurions pas eu ce taux même faible de 38%. Alors, il n’y pas d’autre chose à faire que d’intensifier ce qui a été déjà fait. De même, les partis politiques doivent passer à une vitesse supérieure en termes de mobilisation. L’ORTM qui a fait un excellent travail doit poursuivre. La légitimité de l’institution parlementaire dépendra demain du taux de participation.

Votre lecture de la situation sociopolitique actuelle du Mali, notamment la situation sécuritaire à Kidal ?

Sans présager de la suite des négociations et des actions de réconciliation qui seront, je n’ai aucun doute, engagées par le gouvernement, après l’installation du parlement qui consacrera le retour définitif de l’ordre constitutionnel, je suis optimiste que les maliens et les maliennes trouveront les solutions pour un retour définitif de la paix et de l’unité nationale si chères à tous et à toutes.

 Votre dernier mot ?

Il faut tirer les leçons de la crise en vue de  renforcer les institutions démocratiques et permettre une gouvernance centrée sur les priorités de citoyens, une gouvernance qui permet à chaque  institution de jouer pleinement son rôle constitutionnel, une gouvernance démocratique au travers de laquelle il y a une société civile forte qui fait le contrôle des institutions publiques au quotidien et défend les intérêts généraux des citoyens. Pour ce faire, il faut des réformes politiques et institutionnelles qui permettront de prendre en compte les leçons de la crise politique, institutionnelle et sécuritaire : des réformes à la loi électorale avant les communales, une loi sur le quota pour favoriser la participation politique de la femme, un statut de l’opposition qui est une nécessité vitale pour toute démocratie.

Interview réalisée par Fatoumata Fofana

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