Dans un discours empreint d’ostracisme, prononcé à l’occasion de la rentrée parlementaire comptant pour la session d’octobre, le président de l’Assemblée nationale Pr. Dioncounda Traoré faisait table rase dles 23 ans de règne du général Moussa Traoré. Depuis ce lundi 4 octobre jusqu’aujourd’hui, ce discours anime les débats dans les « grins » et les salons feutrés de la capitale. Un acteur de la société civile, Dr. Abdoulaye Sall, président du Cercle de réflexion et d’information pour la consolidation de la démocratie au Mali (CRI 2002) que nous avons approchés n’est pas sans reproche à l’endroit du chef de l’hémicycle. Pour lui, la constitution et l’appel à la réconciliation nationale ont été sacrifiés à l’autel de la chapelle politique par Dioncounda Traoré.
Dans son allocution aussi iconoclaste prononcée à l’occasion de la rentrée parlementaire appelée session budgétaire, le président de l’Assemblée nationale, Pr. Dioncounda Traoré, devant le Premier ministre, Modibo Sidibé, les membres du gouvernement, des présidents des autres institutions de la République, des ambassadeurs et représentants diplomatiques accrédités au Mali, des autorités administratives et politiques du pays, des représentants des organisations de la société civile et des personnalités des parlements amis comme le Sénégal, faisait table rase des 23 ans de règne du général Moussa Traoré en ces termes : «Durant cinquante ans, le président Modibo Keïta et ses compagnons, après avoir conduit notre pays à la souveraineté politique, ont procédé à de très grandes reformes telles celles de l’Education nationale, ont créé de nombreuses unités industrielles et ouvert de nombreux chantiers économiques, sociaux et culturels pour assurer les premiers pas du Mali indépendant. Vingt trois ans après la première République, le président Alpha Oumar Konaré et ses camarades, après quatorze mois d’une transition conduite par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré, se sont vu confier par le peuple malien, la redoutable mission d’organiser la troisième République, de conduire notre processus de démocratisation et de créer un Etat respectueux des droits fondamentaux et de la dignité de l’Homme ».
Intervenant dans un contexte de la célébration du cinquantenaire, un tel discours ne pouvait que sonner comme un gond dans les oreilles des adeptes de la réconciliation nationale. A commencer par le chef de l’Etat lui-même, Amadou Toumani Touré. Lequel, à l’occasion de son adresse à la nation le 22 septembre 2010, disait ceux-ci : « Il faut agir pour que toutes les filles et tous les fils du Mali se rapprochent…et enracinent dans les cœurs et les esprits, le pardon ». Poursuivant son speech, Amadou Toumani Touré expliquait que le Mali n’a jamais arraché une page de son histoire. En faisant table rase du règne de 23 ans, le président de l’Assemblée nationale n’a pas fait que désappointer les partisans du général Moussa Traoré, c’est la majorité des Maliens qui semble ne pas admettre une telle appréciation venant du chef d’une institution. Certes, Moussa Traoré n’a pas assez de place dans leurs cœurs des Maliennes et des Maliens, mais dans la célébration d’un cinquantenaire, mettre 23 ans de règne entre parenthèse est tout à fait inadmissible.
En tout cas, c’est l’avis d’un politologue du pays, Dr. Abdoulaye Sall, président de CRI 2002. Dans un mini entretien qu’il a bien voulu nous accordé, Dr. Sall dont l’organisation prône des valeurs sociétales, en l’occurrence, la volonté de vivre ensemble et l’existence de liens de solidarité, n’a pas du tout digéré le discours de Dioncounda. « Quand au moment où tout le monde appelle à de telles valeurs sociétales, des discours à l’allure d’apartheid sont prononcés, c’est vraiment regrettable. Au Mali, on n’a pas fait pire qu’au Rwanda, mais aujourd’hui ce peuple est en train d’appeler à la réconciliation nationale. Bientôt je vais monter au créneau pour dénoncer de telles bavures. D’ailleurs le discours en question viole la constitution, car, il y est indiqué que tout mandat impératif est nul ».
Expliquant ce que cela voudrait dire à l’attention des non initiés, Dr. Sall indique que lorsqu’on n’est doté d’un mandat électif, il est tout à fait interdit pour son auteur de prêcher pour sa chapelle. Autrement dit, lorsqu’on devient maire ou député, on n’est plus là pour la cause de son parti, mais plutôt pour la nation toute entière. Ceux-ci expliquant cela, le président de CRI 2002 estime que Dioncounda, s’il a eu des vicissitudes politiques avec le régime de Moussa Traoré, ne devrait pas laisser paraître ce sentiment d’oratoire dans le discours prononcé au nom d’une institution de la République. En le faisant, dénonce Dr. Sall, il a de ce fait violé la constitution qui stipule que tout mandat impératif est nul.
Abdoulaye Diakité