Parmi les 6 thématiques soumises à débats pour le Dialogue national inclusif, la question de la reforme constitutionnelle et institutionnelles, les dispositions de l’Accord qui pourraient être prises dans le cadre de la révision constitutionnelle sont certainement les plus regardant par les citoyens. Des débats houleux en perspectives sont attendus. Ci-dessous les points inscrits dans la thématique révision constitutionnelle.
Longtemps attendue par les maliens, la phase nationale du Dialogue national inclusif a démarré le samedi 14 décembre 2019, au Palais de la Culture Amadou Hampaté Ba.
Les discussions entre les fils du pays devront durer plusieurs jours et plusieurs questions y seront évoquées: les réformes politiques et institutionnelles, la gouvernance, l’économie et les finances, la gouvernance du foncier, l’éducation et la formation professionnelle.
Parmi les points soumis à discussion, celle liée à la question de révision constitutionnelle a fait l’objet de débats intenses, de diverses interprétations, des commentaires tous azimuts au sein de la classe politique, des associations, dans les grins…
Après une phase communale et régionale, les maliens toute sensibilité confondues se retrouvent pour débattre de ce qui sera le Mali de demain. Dans ce numéro, nous vous proposons les reformes institutionnelles envisagées.
Pour les autorités, après 27 ans de pratiques institutionnelles, une reforme de la Constitution est plus que nécessaire à l’heure actuelle au Mali, afin de garantir une meilleure continuité de l’Etat et de corriger les dysfonctionnements qui menacent au quotidien la stabilité du pays et le mieux-être de la population.
Ainsi la révision constitutionnelle au Mali, a pour finalité d’améliorer la qualité du fonctionnement des institutions, de tenir compte de l’évolution du droit constitutionnel et de certains engagements pris par le gouvernement du pays. Elle s’inscrit en d’autres termes dans une logique de consolidation de la démocratie, de l’état de droit et de promotion de la paix dans notre pays.
Le pouvoir de révision constitutionnelle pourrait donc s’intéresser à des points : l’assouplissement de la procédure de révision constitutionnelle prévue à l’article 118 de la Constitution du 25 février 1992. Les concepteurs du projet estiment qu’au Mali, l’organisation d’un referendum est obligatoire pour toute modification à la Constitution. « Cela rend la procédure de révision extrêmement lourde pour notre pays ». C’est la raison pour laquelle, diront-ils, qu’il faut prévoir à l’instar des différentes tentatives de revision constitutionnelles au Mali et de la plus part des Etats africains, des mécanismes parlementaires d’adoption définitive des révisions constitutionnelles, notamment pour des dispositions mineures, non sensibles ou de « moindre importance », et maintenir le mécanisme référendaire d’adoption pour des dispositions majeures, sensibles ou de « grande importance ».
Les reformes institutionnelles portent aussi sur la nécessité de la création d’une seconde chambre qui est évoquée par l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali et toutes les tentatives de révision constitutionnelle.
« En revanche, contrairement à toutes les tentatives de révision constitutionnelle, l’Accord n’exige pas spécifiquement la création d’une seconde chambre sous la dénomination de Sénat. C’est la raison pour laquelle, bon nombre d’experts et observateurs proposent le maintien du Haut Conseil des Collectivités et son érection en seconde chambre. En plus, l’article 6 de l’Accord issu du processus d’Alger, exige des parties de prendre des mesures allant dans le sens de l’ouverture du Haut Conseil des Collectivités aux représentants des notabilités traditionnelles, aux femmes et aux jeunes », souligne le projet.
L’élargissement de la saisine du juge constitutionnel à travers les deux mécanismes de contrôle de constitutionnalité : le contrôle par voie d’action et le contrôle par voie d’exception. Cette mesure qui va dans le sens de la démocratisation de la saisine de la juridiction constitutionnelle est aussi soumise à débat.
Permettre à la Cour Constitutionnelle de s’autosaisir sur tous les cas de violation de la norme constitutionnelle, dans la mesure où elle se trouve être le garant des droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques, conformément à l’article 85 de la Constitution ; prévoir un mandat unique non renouvelable pour les membres de la Cour constitutionnelle, est un gage d’indépendance et d’impartialité pour la juridiction constitutionnelle ; la nécessité de créer une Cour des Comptes au Mali qui résulte de la directive des dispositions de l’Uemoa ne sont pas en reste des discussions.
Les dispositions de l’Accord qui pourraient être prises dans le cadre de la révision constitutionnelle
Autres points soumis aux débats, c’est le verrouillage complet ou total de la clause limitative des mandats du Présidents de la République dans le but de garantir le principe de l’alternance démocratique au sommet de l’Etat. « Dans cette hypothèse, aucune révision à la Constitution ne porterait ni sur la durée, ni sur le nombre du mandat du Président de la République. Il serait tout aussi fait interdiction au Président de la République (actuel ou ancien) de briguer plus de deux mandats à la magistrature suprême de son pays ».
Un autre point n’ont moins important c’est la disposition pouvant permettre au Président de la République titulaire de la légitimité populaire de définir la politique de la Nation et d’en répondre devant le Parlement. « Une telle prérogative est à l’heure actuelle, accordée au gouvernement à la tête duquel se trouve le Premier ministre. Le président étant élu sur la base d’un programme, doit être en mesure de le matérialiser dans sa politique pour la Nation. Le gouvernement se consacrerait à la conduite de cette politique définie par le président de la République ».
Il est aussi dit que dans l’hypothèse de la création d’une seconde chambre, que l’intérim du Président de la République soit assuré par le président de l’Assemblée nationale plus légitime à assurer cette responsabilité que le président de la seconde chambre (Senat ou Haut Conseil des Collectivités). Les participants donneront leur avis sur ce point assez important du projet.
Dans le projet de révision Constitutionnelle qui est soumis aux débats, le Président de la République doit pouvoir prêter son serment devant la Cour Constitutionnelle et non devant la Cour suprême qui ne contribue quasiment pas à son élection. Aussi, le Président de la République doit pouvoir révoquer son Premier ministre sans recourir au procédé de la démission qui reste un acte librement consenti par le titulaire de la démission qui, à priori, n’est pas obligé de démissionner. L’hypothèse de la révocation intervient pour éviter à ce niveau, un risque de blocage institutionnel.
La nécessité d’exclure le Président de la République du Conseil supérieur de la magistrature pour une indépendance plus accrue du pouvoir judiciaire y figure. La suppression de la Haute Cour de justice n’est pas en reste des débats. Fonctionnelle depuis 5 ans, la Haute Cour n’est plus pertinente dans le rang des institutions de la République au Mali. Que cette institution ne répond plus aux attentes des citoyens, qu’il convient donc de transférer ses prérogatives aux juridictions de droit commun « Cette mesure s’inscrit dans une logique de dépolitisation de la juridiction « politique ».
Ce n’est pas tout. Les dispositions de l’Accord qui pourraient être prises dans le cadre de la revision constitutionnelle se rapportent notamment : à la mise en place d’une architecture institutionnelle fondée sur des Collectivités territoriales (article 5) ; au changement de dénomination de l’organe délibérant de la Région en Assemblée régionale, élue au suffrage universel direct en jouissant de pouvoirs juridiques, administratifs et financiers appropriés (article 6) ; à la mise en place de la deuxième chambre du Parlement sous la dénomination de Sénat, de conseil de la Nation ou de toute autre appellation valorisante de sa nature et de son rôle, et en faire une institution dont les missions et la composition favorisent la promotion des objectifs du présent Accord ‘article 6).
La CMA a conditionné sa partition au dialogue à l’interdiction d’intégrer dans les débats la question de l’Accord d’Alger. Les participants au Dialogue vont-ils respecter ce chantage des ex groupes armés ?
Djibril Diallo