Discours du Premier ministre devant le conseil de sécurité des Nations-unies : Les commentaires de la classe politique

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Modibo Kéita, Premier ministre du Mali (Credit Photo/AFP)
Modibo Kéita, Premier ministre du Mali (Credit Photo/AFP)

Le 16 juin dernier, le Premier ministre, Modibo Kéita, a prononcé un discours devant le Conseil de sécurité des Nations unies dans lequel il a détaillé les actions que le gouvernement et la communauté internationale sont en train de mener en vue de résoudre la crise que le Mali traverse depuis 2012. Le chef du gouvernement s’est surtout appesanti sur les efforts en cours en vue de la bonne application de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, notamment les reformes institutionnelles et politiques, les questions de sécurité, de justice, de réconciliation, le processus de DDR et de cantonnement. Nous avons recueilli les réactions de certains acteurs politiques par rapport à cette intervention du chef du gouvernement à New York

Amadou Thiam
Amadou Thiam

Amadou Thiam, président de l’Alliance démocratique pour la paix (ADP-Maliba) : « LES AUTORITES ONT LA VOLONTE D’ACCELERER LE PROCESSUS DE PAIX »

Selon lui, le Premier ministre a très bien fait de féliciter, en premier lieu, les Nations unies dont les efforts sont aujourd’hui considérables dans le règlement de la crise dans notre pays. Le président de l’ADP-Maliba souligne qu’il y a eu des avancées majeures dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation, grâce notamment aux efforts de la MINUSMA. « Aujourd’hui, nous sommes actuellement dans une situation de non belligérance. Les armes se sont tues entre les belligérants grâce à l’intervention de la communauté internationale, notamment les Nations unies. C’est un acquis qu’il faut souligner avec insistance », soutient Amadou Thiam.

Concernant les reformes institutionnelles et politiques abordées par le chef du gouvernement, notamment la mise en place des autorités intérimaires, le député élu en commune V rappelle que lors du vote de la loi créant ces autorités intérimaires, la position des députés de la majorité était que ces nouvelles instances soient mises en place dans les localités où le besoin se pose. «C’est extrêmement important de le rappeler parce qu’en tant que députés de la majorité présidentielle, nous pensions que nous devions suivre la ligne directrice du président de la République. Aujourd’hui, nous appelons le gouvernement à faire la même chose », dit-il. ADP-Malila, dira son président, n’acceptera jamais que la mise en œuvre des autorités intérimaires se fasse de façon clandestine. «Nous voudrons qu’elle se fasse de manière consensuelle et dans l’esprit de l’Accord pour la paix et la réconciliation qui engage toutes les parties signataires », insiste-t-il.

S’agissant du processus de DDR (Démobilisation, Désarmement et Réinsertion), Amadou Thiam pense que ce volet doit être rapidement traité afin d’amoindrir les souffrances des populations. Il estime que la communauté internationale à un grand rôle à jouer dans l’atteinte de cet objectif. « L’Etat malien a concédé beaucoup de choses. Il faut que la communauté internationale pèse de tout son poids pour que les groupes armés puissent fournir les listes complètes et réelles de leurs combattants. Sans cette liste, il est difficile d’avancer dans le processus de DDR », souligne-t-il.

Par ailleurs, le député de l’ADP-Maliba estime que le vote du collectif budgétaire permettant la mise en place d’un fonds de développement durable est la preuve que l’Etat a une volonté réelle d’accélérer la mise en œuvre de l’accord de paix. «Ce fonds, explique-t-il, permettra d’accompagner le processus de DDR et même de prendre en compte les questions de développement de nos régions. Je pense que les autorités (en premier lieu le président de la République) sont en train de tout mettre en œuvre pour que l’Accord n’échoue pas. Il faudra que la communauté internationale, garante de cet Accord, pousse les autres parties signataires à prendre leurs responsabilités pour que les choses avancent dans le bon sens », plaide Amadou Thiam.  Qui s’est prononcé sur le mandat de la MINUSMA, estimant qu’il doit être revu pour améliorer les capacités opérationnelles de la mission onusienne. C’est à ce prix, estimera-t-il, que la MINUSMA sera à même de contribuer à la lutte contre le terrorisme et le narcotrafic dans notre pays. « Aujourd’hui, il faut que la MINUSMA soit en mesure de sécuriser les populations des zones dans lesquelles elle intervient. Pour cela, elle doit avoir impérativement un mandat robuste », préconise-t-il.

 

Souleymane Koné
Souleymane Koné

Souleymane Koné, 1er vice-président du parti FARE (Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence) : «Notre pays est en train de payer la rançon de son immobilisme»

Le dirigeant du parti FARE est très critique sur le discours du Premier ministre dans lequel il dit n’avoir retenu que deux choses. « La première chose, c’est que j’ai eu l’impression que notre pays a perdu du temps inutilement après les félicitations adressées aux Nations unies par le chef du gouvernement alors qu’il n’y a pas longtemps cette même organisation a fait l’objet de vives critiques de la part de nos autorités. On devait donc faire économie de tout ça et collaborer franchement avec les Nations unies en vue de préconiser ce qui est à faire. La deuxième chose, c’est que j’ai aussi eu l’impression que notre pays est en train de payer la rançon de son immobilisme compte tenu du fait qu’on a perdu énormément de temps avant de commencer les choses sérieuses », commente-t-il.

Souleymane Koné rappelle que son parti a maintes fois dénoncé l’incapacité du gouvernement à mettre en place une architecture digne de ce nom pour sécuriser sa population ; son incapacité à désarmer les groupes rebelles et à déployer l’armée sur l’ensemble du territoire quand on sait qu’il y a des velléités d’occupation dans certaines parties du territoire parce que l’administration et l’armée n’y sont pas.

Pour l’opposant politique, les reformes institutionnelles et la sécurité auxquelles le chef du gouvernement a fait allusion dans son discours demeurent toujours des préoccupations dans notre pays. « Aujourd’hui, le gouvernement est en train d’envisager ces reformes à huis clos, ce n’est pas normal. Je pense que la révision constitutionnelle est éminemment politique et de ce pont de vue, elle ne peut se faire sans l’implication de l’ensemble des acteurs politiques et de la société civile. Il n’est pas acceptable qu’on fasse la révision constitutionnelle à huis clos dans ce pays », dira-t-il.

Par rapport à la mise en place des autorités intérimaires, le 1er vice-président du parti FARE relève que c’est en référence à l’accord de paix alors que ce document n’a jusqu’à présent pas été classé dans l’ordonnancement juridique car n’ayant été validé ni par l’Assemblée nationale ni par une ordonnance, contrairement aux accords précédents.

Par ailleurs, Souleymane Koné considère que le protocole d’entente, signé entre le gouvernement et les mouvements armés fixant le chronogramme des opérations essentielles (mise en place des autorités intérimaires, redéploiement de l’administration et des services sociaux de base, installation du mécanisme opérationnel de coordination dans les régions), viole la nouvelle loi portant Code des collectivités territoriales. « Quand on prend ces différents instruments pour aller les exhiber devant le Conseil de sécurité en disant qu’on est dans la légalité, en vérité les Maliens ne se retrouvent pas », affirme-t-il. Le dirigeant du parti FARES persiste  et signe : la mise en place des autorités intérimaires préfigure la création de l’Etat Azawad.

M. KEITA

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