Discour d’IBK à la cérémonie d’ouverture de la 15ème Edition du Forum de Bamako

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Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar KEITA, Président de la République
Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar KEITA, Président de la République

Monsieur le Vice-président de la Fondation Forum de Bamako,

Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,

Mesdames, Messieurs les Membres du Gouvernement,

Excellences Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Représentants des Organisations internationales accrédités au Mali ;

Excellences, Mesdames et Messieurs, en vos grades et titres respectifs,

Honorables Invités,

Mesdames, Messieurs

C’est avec un grand plaisir que j’ai accédé à l’invitation de la Fondation Forum de Bamako, de venir partager ces quelques instants en votre compagnie, à l’occasion de l’ouverture des travaux de la 15ième édition du Forum de Bamako.

J’en suis d’autant plus heureux, que j’ai été un observateur assidu des éditions précédentes du Forum sur plus d’une décennie. Le Forum est une institution dynamique de la société civile malienne que je tiens en haute estime et à laquelle je voue un grand respect. Vos échanges et débats sur les différentes thématiques m’offrent une de ces rares opportunités, celle de m’aider à concilier d’un côté, une offre, les différents thèmes du 15ièmeForum de Bamako, et de l’autre, un souhait relevant de ma curiosité personnelle, l’exploration de nouvelles pistes de lecture de la performance et du réservoir de potentialités insoupçonnées de l’Afrique.

En effet, le Forum de Bamako, en maintenant un haut niveau d’exigence dans ses analyses de la situation de l’Afrique, a réussi au fil de ses éditions, à faire se rencontrer les compétences et aptitudes –africaines et non africaines,- les plus écoutées, les plus respectées et les plus constantes sur ces thématiques, et permettre ainsi des partages féconds d’expériences variées et inédites.

Je voudrais en cela féliciter la Fondation Forum de Bamako. Je reste convaincu, qu’en cette ère de globalisation, l’Afrique peut et doit cesser d’être perçue comme un continent à la traîne des autres. Elle se doit de prendre les initiatives pertinentes et innover pour assumer son destin. Elle ne peut plus se cantonner dans le rôle de simple consommatrice d’idées et de concepts « prêt à porter », venus d’ailleurs. Il est aujourd’hui d’une impérieuse nécessité pour l’Afrique de s’investir de manière résolue à relever le défi du développement. L’Afrique doit se positionner comme génératrice d’idées sur son présent et son histoire, sur ses riches et diverses cultures, sur ses politiques de développement, bref sur le vécu de ses populations et sur les directions les plus aptes à assurer un développement économique constant, durable et suffisant. En effet, il s’agit de sortir rapidement le plus grand nombre de nos populations des griffes de la pauvreté.

Nul doute que le Forum de Bamako représente une réussite dont nous sommes tous très fiers. Les débats qui s’y tiennent sont pertinents et de grande qualité. Le sérieux et le courage qui sous-tendent ses recommandations, ont conduit, à chaque fois, à une interpellation courtoise et utile des décideurs politiques africains, ainsi que des acteurs principaux de la vie publique. Le Forum fait preuve d’une diplomatie active avec un jugement prudent et sûr, tout en articulant ses propositions sur des pistes d’actions concrètes.

La croissance économique, mais quelle croissance ?

En choisissant pour cette 15ième édition le thème « L’émergence de l’Afrique à l’horizon 2035, les défis et opportunités ; les parties prenantes, votre Forum reste fidèle à cette tradition.

Le débat sur la croissance en Afrique couvre en fait différents aspects et surtout renvoie à des finalités différentes selon que l’on se positionne en Africain ou en simple observateur extérieur de l’Afrique. De quelle croissance parlons-nous? Serait-ce cette croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) qui intéresse avant tout les investisseurs étrangers?

Force est de constater que cette croissance reste une réponse insuffisante par rapport aux attentes des peuples africains. Sans entrer dans une polémique et pour nous résumer ici, nous disons que cette croissance là ne se transforme pas en mécanismes pérennes de créations d’emplois stables. C’est de la croissance pour la croissance, ce qui n’est pas synonyme d’un réel progrès social.

Défis et opportunités

Je suis convaincu que vos débats nous édifieront avec plus d’assurance, car ils seront basés sur une documentation solide, des statistiques crédibles et des opinions d’éminentes personnalités, ayant une lecture objective des défis de développement de l’Afrique. Vous me permettrez de souligner quelques uns de ces défis tels que la sécurité, l’agriculture, l’accès aux services de base –d’éducation, de santé publique, d’eau potable et de solidarité, c’est-à-dire de protection sociale,- ainsi que la problématique du financement du développement.

  • La sécurité

La sécurité rime avec la souveraineté et la situation que traverse le Mali, notre cher pays, est suffisamment éloquente et connue. Nul besoin de m’attarder ici, sur ce qui est notre actualité brulante. Je voudrais simplement réitérer que sans sécurité, il n’y a pas de développement. Prenant pleinement en compte ce postulat, la plupart des sous-régions de l’Afrique conduisent actuellement des exercices de mutualisation des moyens de sécurité. C’est une nécessité incontournable pour relever les énormes défis posés à l’exercice de la souveraineté de nos Etats.

 

  • L’agriculture

L’importance que vos travaux envisagent de consacrer à l’agriculture a spécialement retenu mon attention. En effet, l’agriculture constitue la mère des défis pour l’avenir du développement en Afrique, spécifiquement au Mali. L’écrasante majorité de nos concitoyens, soit plus des trois-quarts, tirent leurs revenus de l’agriculture. Toutefois, c’est une agriculture qui est demeurée essentiellement familiale. Malgré l’énorme potentiel d’irrigation offert par les fleuves Niger et Sénégal et leurs affluents, notre agriculture reste exposée à une grande vulnérabilité et ses rendements sont désespérément bas. En effet, les infrastructures sont insuffisantes –avec moins de 10% des terres cultivables actuellement en exploitation,- le croît technologique des années 90s semble s’essouffler, la transformation sur place de la production –à l’exemple du coton de la CMDT,- reste basse et la diversification de la production en vue de soutenir les exportations, reste faible. Le gouvernement a engagé d’importants programmes visant une forte amélioration de la situation : des travaux de meilleure maîtrise de l’eau, le développement des cultures sèches, le développement de filières compétitives d’exportations, un accompagnement ciblé en intrants –semences améliorées, engrais, produits phytosanitaires, etc.,- la promotion de l’élevage, un des sous-secteurs les plus distributifs au Mali, un soutien à la réforme du cadre institutionnel du secteur rural afin de renforcer les partenariats et la coordination du secteur rural, ainsi que des mesures économiques incitatives pour soutenir la production et la productivité agricoles. Notre agriculture est soucieuse de l’environnement et de la protection de la vie humaine. Enfin, c’est le lieu de féliciter nos techniciens, agronomes et chercheurs du secteur rural pour les résultats remarquables de recherches et de vulgarisation engrangés à cette date.

  • l’éducation

L’éducation est nécessaire à l’émergence de l’Afrique à l’horizon 2035. Une éducation de qualité, une éducation juste et équitable est possible, comme le montrent les expériences de pôles d’excellence en Afrique, qui nous mettent en exergue les alternatives efficaces de formation de ressources humaines de qualité, de ressources humaines compétitives et créatrices de valeur ajoutée. L’éducation, sa qualité, son organisation et son efficience, demeurent les leviers sans lesquels une réelle maîtrise du destin de l’Afrique serait illusoire. La bonne formation des jeunes africains, filles et garçons, reste un préalable à un niveau supérieur d’employabilité de la jeunesse africaine, bref un préalable à l’émergence même de l’Afrique.

Cet investissement dans la jeunesse africaine est le prix à payer pour tirer un plus grand avantage des richesses de l’Afrique qui suscitent tant de convoitises !

  • la santé publique, l’eau potable et la protection sociale

A titre d’exemple et pour enrichir vos discussions sur ces sujets, je pense qu’il y a des enseignements utiles à tirer de la gestion récente de l’épidémie à virus EBOLA, qui a mobilisé toute la population malienne. Cette menace transfrontalière a soumis à de rudes épreuves l’organisation technique, scientifique et professionnelle du secteur de la santé. Il en a été de même, des procédures de préparation et de mobilisation des équipes d’urgence, de la veille sanitaire et de la nécessité de l’affirmation d’un leadership efficace dans la conduite de notre stratégie de réponse. De même, l’épidémie a mis en évidence, ce que nous savions par ailleurs, l’importance et l’urgence d’un plan efficace de renforcement de nos systèmes de santé, ainsi que la nécessité de disposer de systèmes de protection sociale, solides et résilients. En effet, il nous faut prêter suffisamment d’attention aux plus faibles et aux plus démunis et assurer leur insertion correcte dans le tissu social. L’Afrique reste faible et exposée face aux grandes pandémies, et ceci peut se révéler être un facteur de risque majeur, donc un frein sévère à l’émergence économique et sociale du continent.

  • La diaspora africaine, notre atout

Volontaire, disponible, généreuse, la diaspora africaine constitue assurément un atout précieux pour l’Afrique, pourvu que lui soient offertes les conditions lui permettant d’apporter son expertise et de rémunérer, avec un bon rendement, les ressources financières qu’elle s’apprête à investir dans les projets en Afrique.

Aussi, suis-je incliné à supporter des clauses d’une discrimination positive de manière à favoriser l’investissement des Africains en Afrique. Cela pourrait se faire sans passe-droits, avec une base suffisamment compétitive, juste et équitable, mais prenant en compte le fait que, d’une part, les conditions initiales entre les Africains et les autres ne sont pas à l’équilibre, et d’autre part, l’avantage comparatif réel des projets de la diaspora en termes de création d’emplois, d’appropriation par les communautés locales, de renforcement des capacités locales décentralisées et de contribution effective à une finalité sociale mutuellement avantageuse pour l’Afrique et les pays développés.

  • L’Afrique, terre d’opportunités et le dilemme du financement équilibré et soutenu de sa vision

Nulle Nation, nul peuple, comme l’affirme un écrivain anglo-saxon, « n’est une île en soi » et « nous appartenons tous au même continent ». Aucune nation ne peut se sauver seule.

Mais cette vérité établie ne doit pas nous faire perdre de vue une autre réalité immuable : en tant qu’Africains, et bien sûr en tant que Maliens, les clés de notre développement sont entre nos mains. Personne ne viendra bâtir notre maison Afrique, notre maison Mali à notre place. Les moyens de relever ce défi sont à notre portée et je suis sûr que vous en débattrez largement : l’indispensable intégration africaine, l’adaptation de l’école aux besoins nationaux, le développement des infrastructures, le rôle décisif de la diaspora dont on sait que « les transferts de fonds sont aujourd’hui supérieurs au volume d’aide publique au développement ou à l’investissement direct étranger », dixit M. Xavier Musca, directeur général français du Trésor et de la politique économique. Rendre l’Afrique attrayante pour attirer autant les capitaux de ses enfants que ceux offerts par les autres sur une base compétitive, tel est l’enjeu. La solution passe assurément par une meilleure approche des questions de gouvernance, le courage de nos banques commerciales et de développement de vaincre leur frilosité du financement des besoins à moyen et long-termes malgré une surliquidité effarante, un plus grand dynamisme et une plus grande agressivité de notre secteur privé pour être le vecteur tant attendu du développement économique, etc.

Pour toutes ces raisons, le Forum de Bamako se révèle un espace privilégié pour réveiller et stimuler les consciences à tous les niveaux.

Pour ma part, c’est donc avec un vif intérêt que je prendrai connaissance de vos conclusions et recommandations.

Sur ce, je vous souhaite un excellent déroulement des sessions et je déclare ouverte la 15ième session du Forum de Bamako.

Je vous remercie.

Source: Présidence de laRépublique

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2 COMMENTAIRES

  1. La présence d’IBK à ce forum est une très bonne chose, cela valorise la connaissance qui est fortement dévalorisée au Mali. Les vrais connaisseurs ne sont pas valorisés dans leur tâches quotidiennes. Un pays où c’est des médiocres qui sont hissés. Les connaisseurs se clochardisent toujours, car les médiocres les piétinent par leur égos forts eu égard à connaisseurs. Merci IBK de ce geste qui honore les chercheurs et la connaissance.

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