Madrid va faire davantage pour l”Afrique en terme d”aide au développement. Singulièrement en direction du Mali, désormais considéré comme partenaire prioritaire "Une nouvelle page", l”expression est revenue comme un leitmotiv dans la bouche de respon-sables maliens et espagnols qualifiant les relations actuelles entre Madrid et l”Afrique, et singulièrement entre notre pays et l”Espagne, à l”occasion de la visite officielle du président de la République, Amadou Toumani Touré, dans ce pays. L”expression, galvaudée ailleurs du fait d”un usage abusif à des occasions qui ne le méritent pas réellement, est bien choisie dans le cas présent.
En effet l”Espagne, portée par son formidable essor économique qui l”a fait entrer dans le cercle des dix premières puissances économiques du monde, a décidé de s”intéresser de nouveau à notre continent. Quelles que soient les raisons de ce nouveau regain d”intérêt pour l”Afrique, il faut convenir qu”il s”agit d”une très bonne chose pour nos pays. Surtout à un moment où l”aide publique au développement reste très en deçà des recommandations faites par les Nations Unies et les multiples conférences internationales sur le développement. À ce propos, l”on peut se réjouir que Madrid soit devenue aujourd”hui l”un des plus grands contributeurs au budget de l”ONU.
DISCUSSIONS FRANCHES
C”est dans ce pays ayant retrouvé sa vigueur après être resté pendant des décennies l”un des plus pauvres d”Europe, que le chef de l”État vient d”effectuer une visite officielle.
La taille de la délégation présidentielle en disait long sur l”importance de cette visite. Elle comprenait quatre ministres : Moctar Ouane (Affaires étrangères et Coopération internationale), Ousmane Thiam (Promotion des Petites et Moyennes Entreprises), Oumar Hamadoun Dicko (Maliens de l”extérieur et Intégration africaine), Mme Ba Hawa Kéïta (Emploi et Formation professionnelle). Des opérateurs économiques et des responsables de services centraux et de banques étaient du voyage. Il s”agit notamment du directeur de la Coopération internationale, Boubacar Sidiki Touré, de celui de l”APEJ, Soumana Satao, du PDG de la Banque de développement du Mali, Abdoulaye Daffé, et du directeur de la Banque malienne de solidarité, Babily Bah.
Le chef de l”État était accompagné de son épouse Mme Touré Lobbo Traoré.
Arrivé mardi matin à Madrid en provenance de Séville, le président Touré a rencontré au cours de la même journée, tous les responsables de premier plan du pays. A commencer par le Roi Juan Carlos 1er. Certes l”Espagne étant une monarchie parlementaire, le Roi ne joue pas un grand rôle en matière de prise de décision, mais son autorité morale est telle que son avis est toujours très important. Amadou Toumani Touré a été reçu par le souverain pour des entretiens, avant d”être son hôte à déjeuner en compagnie de Mme Touré Lobbo Traoré.
Plus tôt dans la matinée, il était reçu par Manuel Marin Gonzalez, le président du parlement, une institution qui joue un rôle très important dans la conduite des affaires de la nation. Le parlement, chambre bicamérale, est actuellement dominé par le Parti socialiste après sa victoire face au Parti populaire de droite, juste au lendemain des terribles attentats de Madrid en 2005.
Et c”est justement, le leader des socialistes, José Luis Rodriguez Zapatero, qui dirige actuellement le gouvernement. Le président Touré a rencontré le président du gouvernement avec lequel, comme lors des entretiens précédents, il a été question des relations hispano-maliennes et africaines.
"Avec tous ces responsables, les discussions ont été très franches. Ils ont exprimé les préoccupations de leur pays, et nous leur avons fait part des nôtres, en expliquant nos contraintes", a révélé le chef de l”État, en faisant remarquer que cette franchise dans les échanges prouve que les deux parties sont engagées à coopérer sur des bases solides.
DIX DOMAINES DE COOPERATION
Le premier résultat concret de cette visite du chef de l”État en Espagne est la signature d”un protocole d”entente entre les deux pays. Le document a été signé par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Moctar Ouane, et son homologue espagnol, Miguel Angel Moratinos. Le protocole d”entente définit dix domaines de coopération qui permettront de cadrer les actions prioritaires à mener pour les années à venir. Le protocole touche plusieurs domaine de développement : économie, finances, formation, agriculture, santé etc.
"Ainsi se dessine la nouvelle architecture de la coopération hispano-malienne", constatera le ministre Ouane, lors de la conférence de presse qu”il a animée avec son homologue espagnol à l”occasion de la signature du document. Et Moctar Ouane de relever que cet accord intervient au moment où Madrid a décidé de faire de notre pays, un partenaire prioritaire.
L”épineux problème de l”émigration ne pouvait être occultée lors de cette visite du président Touré. Et sur la question, Maliens et espagnols ont la même analyse : il faut traiter la question dans une perspective globale de développement. "Nous avons la même conviction que cette question ne peut être traitée sous le seul angle du plan sécuritaire, mais dans une dynamique de développement Il s”agit de faire en sorte que l”émigration soit un plus pour chaque partie", dira le ministre Ouane.
Pour la mise en œuvre de cette nouvelle approche de l”émigration, les deux parties sont parvenues à un accord dans le cadre duquel, une commission mixte a été créée. Depuis des mois, Maliens et Espagnols y travaillent en bonne intelligence, a indiqué le ministre espagnol des Affaires étrangères.
Toujours sur le dossier de l”émigration, dans le cadre de la conférence euro-africaine sur la question, des agences de travail seront créées. A ce titre, notre capitale abritera un centre d”information, de sensibilisation et rationalisation de l”émigration. Le 7 février prochain, le Commissaire européen au développement, Louis Michel, sera à Bamako dans le cadre de l”installation de ce centre. Les autorités françaises et espagnoles seront associées à cette mission.
La visite officielle du président de la République a pris fin hier avec une rencontre avec les hommes d”affaires espagnols et la visite d”un centre de formation professionnelle. Auparavant, mardi, Amadou Toumani Touré avait discuté avec la colonie malienne et offert un cocktail aux ambassadeurs des pays africains représentés à Madrid.
Envoyé spécial
S. TOGOLA
Séville : LES "FRÈRES" ANDALOUS
Les liens, vieux de plusieurs siècles, entre notre pays et la région espagnole d”Andalousie, connaissent un nouveau dynamisme Il n”est pas inutile de commencer par une présentation sommaire. Séville dont le Football club est actuellement dans le cœur des Maliens grâce à notre compatriote Frédéric Oumar Kanouté qui occupe la tête du classement des meilleurs buteurs du championnat espagnol, est la capitale de la région autonome de l”Andalousie.
L”Andalousie, elle-même, est la communauté autonome d”Espagne la plus importante et la deuxième région jouissant de ce statut d”autonomie et aussi la plus grande en superficie. Elle est séparée du reste de la Péninsule ibérique par la chaîne montagneuse de la Sierra Morena au nord et par le fleuve Guadiara à l”ouest. Sa grande diversité de paysages, son climat doux, et ses habitants très ouverts font de l”Andalousie l”une des régions touristiques les plus visitées.
C”est par cette région automne depuis 1981, peuplée de 7,3 millions d”habitants, que le président de la République, Amadou Toumani Touré, a entamé lundi sa visite officielle en Espagne. Un choix judicieux car il est, en effet, établi que l”Andalousie a maintenu pendant longtemps des contacts fréquents avec l”Empire du Mali et celui du Songhoi.
Des personnalités illustres en témoignent comme AlFazzazi, ce poète cordouan dont les vers se lisent encore chaque année pendant quarante jours dans les mosquées et écoles coraniques de Tombouctou. Esaheli de Grenade, l”un des premiers Andalous ayant choisi les rives du fleuve Niger pour finir ses jours et qui construisit, entre 1325 et 1330, la grande mosquée de Djingareyber à Tombouctou, Sidi Yahia qui, provenant de l”Andalousie, atteignit le Mali en 1440 et fut considéré comme un des 333 saints de Tombouctou, Léon l”Africain qui partit de Grenade en 1494 pour parvenir à Tombouctou au début du XVIè siècle, accumulent les témoignages sur les contacts séculaires que l”Andalousie avait avec notre pays.
Au chapitre de ces témoignages on peut aussi mentionner Ali ben Zyad, patriarche de la famille Banu Al Quti qui partit en 1468 vers l”exil africain en voyageant depuis "l”Al-Andalus" jusqu”au tournant du fleuve Niger avec 400 manuscrits andalous de Mahmud Kati, fils de celui-ci et de la princesse Kadiyah, neveu de l”empereur Askia Mohamed et ministre à la cour songhoi, et qui est considéré comme le premier historien africain.
Et comment oublier les Mauresques de Grenade enrôlés dans l”armée du Sultan du Maroc et qui sous le commandement de Pacha Jouder, né à Cuevas, conquirent Tombouctou et s”établirent de manière durable dans le bassin du fleuve Niger en laissant un héritage culturel considérable à Tombouctou.
Encore de nos jours, dans la Région de Tombouctou, une lignée des descendants de Jouder et d”autres Andalous se reconnaîtraient comme "lalayis" (renégats) et se sentent fiers de leurs origines hispaniques.
Rien donc de surprenant donc que l”Andalousie, aujourd”hui en plein essor économique, comme le reste de l”Espagne porte un intérêt croissant à notre pays.
"Notre objectif est d”œuvrer pour que l”Afrique subsaharienne, notamment le Mali, devienne une zone prioritaire de la coopération andalouse", a promis le président du gouvernement régional d”Andalousie, Chaves, au président Touré en l”honneur duquel il avait organisé un dîner, lundi. Jusqu”à présent, la coopération s”est concentrée principalement sur la promotion des échanges et le soutien à la préservation de l”importante documentation historique qui est conservée chez nous, précisément à Tombouctou et qui éclaire sur l”histoire de l”Espagne et de l”Andalousie et sur leurs relations avec l”Afrique subsaharienne.
Une bonne partie de ce patrimoine historique est intégré par la bibliographie de la Fondation Kati qui comprend plus de 3.000 documents et manuscrits datant de plusieurs siècles, lorsque les Musulmans et les Juifs, chassés de la Péninsule ibérique, s”installèrent dans le bassin du Niger. C”est donc en toute fraternité que l”Andalousie soutiendra la candidature de Tombouctou au référendum destiné à désigner les 7 Nouvelles merveilles du monde.
Par ailleurs, Maliens et Andalous ont entrepris d”élaborer un programme de coopération pour les quatre prochaines années, qui est en phase de finalisation.
En réponse à toutes ces bonnes dispositions de la région espagnole envers notre pays, le président Touré a remercié les "frères" espagnols pour leur intérêt pour notre pays et a indiqué que la sympathie est réciproque. Une sympathie qui colle bien au nouveau regain d”attention de l”Espagne vis à vis du Mali (voir article ci-contre). Il a salué les réalisations déjà faites par l”Andalousie dans la région de Tombouctou, avant de juger que cette partie de l”Espagne est la porte d”entrée naturelle du Mali dans la Péninsule ibérique. Il était donc bien normal qu”il commence son séjour espagnol par Séville.
Signalons enfin que notre compatriote Frédéric Oumar Kanouté, l”attaquant vedette d”un des deux clubs de football de la ville a été la grande attraction de cette soirée à laquelle il avait été invité.
S. T.
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