NAISSANCE DE L'ASSOCIATION MALIENNE DES AMIS DU MONDE DIPLOMATIQUE: Le consensus autour de l'essentiel malgré la différence d'opinions

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La cérémonie de lancement des activités de l’Association malienne des amis du Monde diplomatique – qui compte aujourd’hui 89 membres – a eu lieu lors du dîner-débat organisé le samedi 29 juillet dernier dans les jardins du musée de Bamako, sous le parrainage de N’Diaye Bah, ministre de l’Artisanat et du Tourisme, et la présidence d’Issa N’Diaye, président de cette association. Le thème central de la rencontre, "Consensus et démocratie en Afrique", a été débattu en trois sous-thèmes: "Les fondements culturels et historiques du consensus: le cas du Mali" développé par Richard Toé, de l’Association culturelle N’Ko, "Le consensus aujourd’hui" présenté par Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djikoroni, de la librairie Traoré, et "Perspectives" exposé par Sékou Diarra, de la Coalition des alternatives africaines, dette et développement (CAD-Mali).
Les débats ont été précédés par les discours du président de l’Association des amis du Monde diplomatique (AMD), Issa N’Diaye, et de N’Diaye Bah, parrain de l’événement, par ailleurs ministre de l’Artisanat et du Tourisme. Qui considère que «Le Monde diplomatique est un journal dont la notoriété n’est pas à établir dans l’univers francophone». Il a souhaité que la toute nouvelle association puisse participer à "l’éclosion finale de l’interpénétration des peuples" pour assurer un "légendaire esprit de démocratie" au Mali.
Issa N’Diaye, à son tour, a remercié le Ministre pour avoir accepté de parrainer la cérémonie de lancement de l’AMD "en ces temps d’allégeance, de courtisanerie et de flatterie et où le discours politique semble beaucoup plus relever de la griotique la plus plate que toute autre considération". Ce qui témoigne, selon lui, de la "hauteur d’esprit" et du "courage politique" de N’Diaye Bah "dans un contexte où tous ceux qui ne soufflent pas dans la trompette du pouvoir sont suspects, souvent étiquetés et parfois rejetés".
 
La parole par laquelle le Mandé s’installe
 
Issa Ongoïba, modérateur des débats, a fait la présentation des thèmes. Exposant le sous-thème "les fondements culturels et historiques du consensus: le cas du Mali", Richard Toé qui, comme à l’accoutumée, a parsemé son discours d’adages et de proverbes, a défini le consensus comme étant "un accord unanime". Selon lui, "la tolérance de notre opinion nous permet de vivre dans la cité car on ne peut ramasser un caillou avec un doigt et les ailes d’un seul oiseau ne peuvent produire un bourdonnement". Bien que la société malienne ait subi beaucoup de pressions, les Maliens ont toujours su se retrouver quand l’essentiel est en cause. Le conférencier cite l’exemple de la Charte adoptée à Kurukan Fouga – village de l’actuel cercle de Kangaba -,.par les représentants du Mandé primitif et leurs alliés, réunis en 1236, soit une année après la victoire de Soundiata Keïta sur Soumangourou Kanté à la bataille de Kirina.
L’objet de cette charte était de régir la vie du grand ensemble mandingue, la rencontre, en elle-même, était un consensus. Puisqu’il s’agissait non seulement de nommer un chef, de juger les crimes de guerre car "dans la société traditionnelle, on ne condamne pas sans juger". Mais aussi d’élaborer une sorte de Constitution, une charte dénommée "Mandé sigi kan" ou "la parole par laquelle le Mandé s’installe".
Richard Toé a aussi rappelé que la version de ladite charte, écrite par Fodé S. Kouyaté, disposait de l’expression "ma kan ko la gnon kora gnogon ya" ou "la manière dont nous devons intégrer les autres et les informer". Ce qui pourrait, en substance, signifier "gouvernance par le consensus".
A préciser que la quintessence même de l’esprit de consensus s’inscrit dans le poème qui accompagne la charte, selon lui.
 
La situation actuelle? "Pas mauvaise en soi, mais éphémère car sans base!"
 
Présentant le sous-thème "le consensus aujourd’hui", Amadou "Djikoroni" a défini ce vocable comme le fondement de la pensée collective et de la gestion collective des sociétés. Il s’est rappelé le processus de prise de décision dans un village du canton de Tiémala au sud de Bougouni où il a passé sa jeunesse. A l’entrée de la maison, les jeunes s’asseyaient à droite de la porte, le chef à gauche et les autres face à la porte le dos au mur. Chacun prenait la parole et la donnait ensuite à son voisin de droite. Ainsi de suite jusqu’à s’entendre sur la décision idoine au bout de plusieurs heures, d’une journée entière, voire de plusieurs jours. Cette décision collective était ensuite confiée au chef de village qui en faisait la synthèse et prenait la décision finale. Tout le monde était donc partie prenante du débat démocratique qui se trouvait, par conséquent, être pertinent, profond et faisait la fierté du chef.
Amadou "Djikoroni" a aussi rappelé qu’au lendemain du congrès du RDA en 1946, "au Soudan de l’honneur et de la bravoure", malgré leur différence d’opinions, les dirigeants de formations politiques telles que le Parti démocratique soudanais d’Idrissa Diarra, le Parti progressiste soudanais (PSP) de Fily Dabo Sissoko et le Bloc africain avaient décidé de dissoudre leurs organes dirigeants pour créer un parti unique le 22 octobre: l’Union soudanaise, section du Rassemblement démocratique africain (US-RDA). Ce qui, de l’avis de l’orateur, n’était pas une honte, mais un succès. Au contraire des schémas inspirés de l’extérieur et qui sont "une vilenie, une honte". Il a également rappelé qu’il y a eu un consensus en France lors des deux guerres mondiales de 1914-1918 et de 1939-1945, de même que lors de la présidentielle de 1965 autour de la candidature du général de Gaulle opposé notamment à François Mitterrand et à Jean Lecanuet.
Aujourd’hui au Mali, après le 26 mars 1991, les Maliens ont obtenu un peu plus de liberté par rapport à la situation antérieure – sous le règne de Moussa Traoré.
 A partir de la grande bataille du Collectif de l’opposition (COPPO), née dans le sillage de l’avènement de la démocratie, chacun met sa signification derrière l’expression "multipartisme intégral". Alors que, pour d’autres, il s’agit d’organiser, à sa manière, sa petite démarche.
La preuve de cette allégation est la pléthore de partis politiques maliens dépassant la centaine. De sorte que l’idéologie n’est pas différente d’une formation à l’autre. Faisant que la situation actuelle, "qui n’est pas mauvaise en soi, ne peut perdurer sans base, sans fondement historique". Cela signifie qu’ "autant nous n’avons pas un héritage de lutte commune, autant nous n’avons pas une pensée économique solide, à l’instar de celle de l’Europe. Ce qui aurait pu conduire à notre bonheur".
 
La démocratie à l’occidentale imposée à l’Afrique
 
La même thèse est soutenue par Sékouba Diarra qui, exposant le sous-thème "Perspectives" du thème central "Consensus et démocratie en Afrique", a évoqué les aspects des relations Nord-Sud en matière de démocratie. A son avis, ces rapports relèvent du discours managerial qui a tendance à faire croire que, depuis la chute du mur de Berlin, l’idéologie n’existe plus et que tout est question de gestion, faussant ainsi la mission des partis politiques africains inspirés du Nord.
Cette démocratie à l’occidentale est donc imposée aux peuples africains et le couple "démocratie et développement" n’est qu’un prétexte pour faire appliquer les programmes d’ajustement structurel (PAS) avec la complicité des dirigeants africains. La conséquence en est l’affaiblissement de la souveraineté nationale.
Les attributs du pouvoir étant aujourd’hui mal discutés, l’Afrique doit s’approprier de "l’universelle démocratie" en partant de ses valeurs culturelles traditionnelles pour aider les pays à se développer en se mettant ensemble tout en permettant aux individus, au sein du même pays, de renoncer à certaines de leurs attentes. Car dans cette Afrique des ancêtres, il existait une organisation sociale du travail avec une répartition des tâches entre le chef de l’eau, le chef de la forêt, le chef de la guerre, etc.
Sékouba Diarra milite pour la promotion de la solidarité sud-sud, en matière de démocratie en citant, actualité oblige, le cas d’Hugo Chavez dont la main tendue pour les frères du Sud est un des plus pertinents exemples. Il cite aussi les cas de la démocratie participative municipale en Amérique latine, du Tanzanien Julius Niéréré et de la Belgique avec le conseil communal des enfants mis en place par les maires dans les écoles.
Quant à la démocratie de l’Etat de Kerala, Etat des plus politiquement stables en Inde du Sud, sur lequel il faut prendre l’exemple, son cas est assez particulier: le gouvernement communiste démocratiquement élu depuis 1957 a permis aux citoyens d’être très impliqués dans la vie politique.
Avant de donner la parole au public, le modérateur Issa Ongoïba, lui, a regretté la mort des idéologies qui constitue un véritable danger pour la démocratie.
Répondant aux questions, Amadou seydou Traoré a précisé qu’il n’idéalise pas l’US-RDA, un parti qui l’avait révoqué en 1958 puisqu’il avait avancé des idées différentes de celles des autres. "Quand on avance des idées novatrices avant les autres, on est comme un mouton qui aboie", a-t-il déclaré. Il a soutenu que Modibo Keïta était un génie de synthèse qui défendait constamment l’idée de nuancer sa pensée lorsqu’on juge les hommes.
Pour lui, la base du consensus est le dialogue. Il a surtout regretté que les Constitutions des pays africains francophones soient "des duplicata, des copies pâles de la Constitution française". Et a conclu par deux proverbes: "Le village dans lequel il n’y a pas d’entente sera un jour en ruines" ou encore "Ceux qui ne s’aiment pas, Dieu ne les aime pas".
Richard Toé, lui, a pris quelques exemples pour expliquer l’inadéquation observée dans la traduction de certaines expressions bambara en français. En effet, le terme "Koronfè" usité pour traduire "Nord" signifie en réalité "Est". Autre exemple: la semaine, "logo tié", qui compte cinq jours chez les Bambara, ne correspond pas à celle des Occidentaux qui est de sept jours. Pour appuyer sa thèse, il prend l’exemple d’une enquête qui a révélé que seulement 1,9 % de personnes "vit et mange" avec le français au Burkina Faso. Ce qui, valable pour tous les pays africains, ne peut malheureusement pas faire décoller un pays. Il considère qu’il faut revenir au N’Ko car les savoirs endogènes peuvent être utiles. "Comment peut-on imaginer gouverner la France avec le russe ?!", s’est-il exclamé.

Zoubeirou MAIGA

Liste des membres  du bureau de l’AMD

(à l’issue de la réunion du Conseil d’administration du 3 juin 2006)

 

Président: Issa N’Diaye

Vice-présidente: Mme Ouattara  Djénébou Koné

Secrétaire général chargé des questions organisationnelles: Arouna Sidibé

Secrétaire général adjoint chargé des questions administratives: Moussa Kalifa Bagayogo

Trésorière générale: Mme Sandrine Tembely

Trésorière générale adjointe, présidente de la Commission Mobilisation des ressources: Mlle Sokona Sidibé

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