A la lumière de cette approche, nous comprenons pourquoi la diplomatie malienne est tatillonnée et ne cesse d’accumuler des échecs malgré l’adhésion naturelle, unanime et assumée de la communauté mondiale à la cause du Mali.
Si nous devons nous inspirer des enseignements de Daniel Druckman, spécialiste des négociations internationales, la diplomatie de crise consisterait dans la capacité de l’autorité politique de mener à bien les « négociations» dans le temps qui impliquent la construction d’une position et la tentative de défendre cette « position », susceptible d’évolutions, souvent complexes et multiformes, en recrutant des alliés, en tentant d’obtenir par la discussion, le compromis, les rapports de force, la constitution, d’abord en interne au sein des différentes administrations, puis en externe, auprès des autorités d’autres pays, l’adhésion à une représentation du problème débattu conforme à cette « position » du pays qui héberge la crise. Il s’agit donc pour l’autorité politique de faire « adhérer » ses partenaires à son « monde » ou, au minimum, de trouver la possibilité d’agir dans « un monde commun » avec eux.
La mise en œuvre d’une telle stratégie et l’accomplissement optimal des actions qui la composent, supposent un travail permanent d’équipe sous la conduite d’une autorité qui privilégie l’importance des « savoirs tacites » construits exclusivement par l’expérience.
A la lumière de cette approche, nous comprenons pourquoi la diplomatie malienne est tatillonne et ne cesse d’accumuler des échecs malgré l’adhésion naturelle, unanime et assumée de la communauté mondiale à la cause du Mali. En effet, le chef de la diplomatie malienne, le ministre Tiéman Hubert Coulibaly, a vite considéré cette adhésion comme le résultat de ses efforts personnels pourtant inexistants, au lieu de se dire que c’est l’exceptionnalité du cas malien, marqué par l’occupation des territoires d’un Etat indépendant par des groupes armés membres du terrorisme international, qui a déterminé la position des pays au niveau de l’ONU. Pourtant nous titrions à la UNE de l’ENQUETEUR n°……du……….2012 : « TOUT VETO SERA IMPOSSIBLE OU HONTEUX ». Même les pays qui ont manifesté clairement leur opposition à la guerre au nord du Mali, ont voté toutes les résolutions présentées à cet effet.
Les messages envoyés par un chef de la diplomatie doivent donc revêtir une forme et un contenu dictés par les obligations qu’impose cette fonction. L’objectif est de participer à la production d’une certaine image publique d’une relation bilatérale ou de la gestion d’un dossier en multilatéral. Parce qu’elle doit également déterminer les décisions et les choix politiques sur lesquels elle communique, l’information produite par les diplomates, surtout le diplomate en chef, doit être cohérente, utile et opportune. Dans le cas précis du Mali, un pays confronté à une grave crise militaire au nord de son territoire, toute information produite par ses diplomates doit donc participer à la construction de sa position et à la définition du cadre d’action de sa politique étrangère. Celle-ci étant construite en relation ou en réaction aux positions et aux actions d’autres pays, l’information diplomatique doit aussi favoriser une intercompréhension, un rapprochement entre les positions des différents gouvernements concernés par le traitement de la crise. Au minimum, elle devrait contribuer à adresser les points de désaccords pour les aplanir en vue d’aménager des voies de rapprochement.
HKB
POURPARLERS A OUAGA
Deux questions au Ministre Tiéman Hubert Coulibaly
L’ENQUETEUR : Le ministre burkinabé des affaires étrangères, en charge de la médiation de la CEDEAO pour la résolution de la crise malienne a effectué ce mercredi 09 Janvier une journée de travail avec les premières autorités du pays, notamment le Président par Intérim et le Premier Ministre. Cela laisse présager de quoi dans la suite des pourparlers ?
TIEMAN HUBERT COULIBALY : « De toute façon ce n’est pas la première visite du ministre d’Etat burkinabé au Mali. Cette mission a commencé il y a de cela quelques mois. Plusieurs fois, il est venu et je pense que plusieurs fois il viendra, même après la crise. Il faut simplement espérer que nous en sortions rapidement. Cela dit, nous avions besoin de nous parler un peu pour organiser la suite de l’agenda. Il était prévu de nous voir ce jour-ci. Malheureusement pour des raisons techniques, nous avions dû reporter de manière que le dispositif nécessaire au bon déroulement des pourparlers puisse être mis en place. Donc c’est purement pour des raisons techniques que nous avons dû reporter. Nous nous sommes presque mis d’accord autour du 20, 21 janvier prochains que nous allons confirmer afin de continuer ce que nous avons commencé il y a déjà un moment. La dernière rencontre c’était les 3 et 4 décembre à Ouagadougou, suite à ça les différentes parties avaient pris certaines positions, il convient de le rappeler. Dans les jours à venir, nous allons nous retrouver à Ouagadougou pour essayer d’avancer. Il s’agit de discussions entre maliens. Des maliens qui doivent se parler pour donner le maximum de chance à la paix entre maliens. Et pour donner le maximum de chance à d’éventuelles opérations militaires, qu’il va falloir entreprendre en direction des forces du terrorisme, de l’obscurantisme qui nient notre existence, qui nient notre civilisation, il s’agit de ça ».
L’ENQUETEUR : Ançar Dine menace de quitter la table des négociations. Il y a également des velléités des rebelles au centre du pays ces derniers jours où il semblerait que l’armée malienne se serait vue obligée de riposter à certaines attaques. Est-ce que tout cela augure d’une suite favorable aux négociations ?
TIEMAN HUBERT COULIBALY : « Vous savez, il faut faire attention, puisque quand vous dites que l’armée malienne a riposté c’est qu’il ya eu une attaque, il n’y a pas eu d’attaque pour l’instant. L’armée malienne continue de se préparer, l’armée malienne fait des exercices, l’armée malienne s’organise. Nous sommes entrain de reconstruire nos capacités opérationnelles pour que l’armée puisse faire face à ses missions ordinaires de défense du territoire. Par rapport à Ançar Dine, je n’ai pas entendu qu’ils disaient qu’ils quittaient la table des discussions parce que pour l’instant, nous ne sommes pas en négociation. Nous avons émis les préalables au dialogue. Nous essayons aujourd’hui d’engager le dialogue donc des pourparlers qui, peut-être, conduiront à des négociations mais nous ne sommes pas aux négociations. Ceci dit, je crois bien que Ançar Dine sera bien à Ouaga. Et s’ils n’y sont pas, ça les engage. Le gouvernement malien tiendra ses engagements vis-à-vis de la CEDEAO, tiendra ses engagements vis à sis de ce pays frère, le Burkina Faso, mais surtout tiendra ses engagements vis-à-vis du peuple malien. Et si quelqu’un ne vient pas à la table des négociations ; Euh bien ! Nous en tirerons toutes les conséquences.
Ange De VILLIER