Chirac, un ami que l’Afrique va perdre

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A part Jean Marie Lepen qui a décrit Jacques Chirac comme "le plus mauvais président que la France ait connu" en même temps que son "pire ennemi"- ceci expliquant sans doute cela – la classe politique française, dans toutes ses composantes et dans le ton propre à chacune d”elles, a partagé l”émotion de Chirac annonçant à cette "France magnifique " et aux " Français (qu”il) aime " qu”il ne sollicitera pas leurs suffrages pour un nouvel mandat – le troisième – à l”Elysée.

Les Français ne sont pas seuls à s”être émus de ce que des commentateurs ont présenté comme "un retrait de Chirac de la vie publique française"- encore que l”intéressé lui-même ait averti qu”il "continuera ses combats pour la grandeur de la France"- et surtout des mots qu”il a su trouver pour fixer dans l”histoire et la mémoire des hommes la relation très forte, quasiment passionnelle, qu”il a entretenue avec son pays, tout au long des quarante dernières années. Un des tout premiers Chefs d”Etat africains à réagir, Abdoulaye Wade, fraîchement reconduit à la présidence sénégalaise, a déclaré "regretter Jacques Chirac". C”est un sentiment sans doute largement partagé par ses pairs. Et, au-delà, par la majorité des Africains au sud du Sahara. Car Jacques Chirac a été véritablement l”ami du continent noir et ce n”est pas hasard s”il s”est vu attribuer le surnom d” "Africain". Inscrivant sa politique africaine dans la tradition gaullienne, Jacques Chirac a su maintenir, développer et même consolider les liens historiques, culturels, économiques et politiques entre la France et son ancien empire de l”AOF et de l”AEF malgré les défis multiples et accrus auxquels l’ex-métropole est confrontée. Sous son impulsion, l”aide publique au développement (APD) n”a pas baissé comme on pouvait le redouter.

La France continue à être le premier partenaire au développement de la plupart, sinon de la totalité de ses anciennes colonies d”Afrique, devenues indépendantes à partir de la fin des années cinquante début soixante. Mieux, elle est leur meilleure garante auprès des institutions de Bretton Woods, Banque Mondiale et FMI et même des bailleurs privés occidentaux. Chirac, personnellement, ne manque aucune occasion pour se faire l”avocat de l”Afrique dans les fora internationaux et toutes les tribunes où il est question de développement et de lutte contre la pauvreté.

Parallèlement à l”action du gouvernement français, la coopération décentralisée a pris une place plus importante dans la relation franco-africaine au cours de ces douze années chiraquiennes à l”Elysée. Les investissements privés français se sont également accrus de façon significative.

A la faveur d”une francophonie redynamisée et redimensionnée, sous la direction de son ami Abdou Diouf, la coopération culturelle a connu un nouvel essor. Les conditions d”accès aux écoles et universités françaises pour les jeunes ressortissants des pays francophones de l”Afrique noire ont été assouplies.

Même au plan militaire où l”action de la France est souvent critiquée, en raison principalement de son passé colonial, l”on ne peut que saluer le rôle joué par l”armée française en Côte d”Ivoire – l”opération Licorne a empêché le pays de sombrer dans la guerre civile – au Tchad et en Centrafrique en proie à des rébellions récurrentes. Sans compter son implication dans la formation et la mise en place de contingents africains pour la préservation de la paix.

C”est tout cela Chirac. Et beaucoup d”autres choses encore qu”il sera temps d”évoquer quand il aura passé la main à son successeur. En attendant, lorsqu”il met en garde celui-ci – ou celle-là – contre "l”extrémisme, le racisme, le rejet de l”autre", les Africains ne peuvent s”empêcher de voir derrière ces propos un clin d”œil à leur endroit. Surtout à un moment où un certain Sarkozy veut créer un ministère de l”immigration et de l”identité nationale.

El Saouti Labass HAIDARA

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