Pour le candidat du PASJ, lui et ses partisans ont déjà plus de la moitié de la victoire en 2012. Ils ne cessent de le répéter. De quoi laisser pantois ceux pour qui, les élections ne seront que pure scénette et représentation théâtrale, où les vrais ténors savent déjà comment ça va se terminer. Mais au-delà de la plaisanterie, c’est la moralité d’une telle déclaration qui inquiète le commun des mortels quant aux intentions profondes de son auteur. Encore que la santé de son parti le lui permette.
On ne peut continuer à dissimuler le mépris qu’on a pour le peuple malien, surtout lorsque ce mépris est tapi comme une tache indélébile, dans une structure du subconscient et, qu’on ne peut s’empêcher de le laisser paraître, par des dires ou des gestes, qui trahissent à plus d’un titre, tout ce que l’on pense réellement de ses concitoyens. A ce piège, est pris Dioncounda Traoré, président candidat de l’ADEMA et depuis, grand manœuvrier devant l’Eternel. On ne peut jouer au plus malin que si l’on n’est vraiment pas malin. Sinon, qui s’y frotte s’y pique et, les observateurs sont unanimes là-dessus, Dioncounda s’est bien moqué de lui-même, en déclarant que 2012 est à, plus de la moitié gagné pour son parti et lui-même. Et ses partisans se moquent à leur tour de lui en fantasmant à tout moment sur leur improbable passage à l’examen 2012. La sagesse populaire nous rappelle que si l’on trompe son père en lui faisant part d’un mariage que l’on n’a pas vraiment scellé, eh bien, ce n’est pas le père qu’on a trompé… Cette déclaration à vouloir nous infantiliser et nous prendre pour des gens qui, par instinct de conservation, se jetteront dans les rangs de « l’ADEMA déjà gagnante », insulte jusqu’à nos convictions, jusqu’à notre intelligence et jusqu’à notre dignité. L’inaudible discours qui s’y sous entend nous invite donc en ces termes : « si vous ne voulez pas être les grands perdants des dix ans à venir, rejoignez dès maintenant l’ADEMA, qui va gagner de toutes manières, pour qu’on se souvienne, au moment de la rétribution et des royalties, que vous vous êtes effectivement battus à nos côtés et, que vous n’ayez pas à subir le cas échéant notre châtiment. » Voilà un candidat qui, espérant sur nos suffrages pour conduire notre destinée à nous, ne donne pas grand-chose de notre dignité et de notre sens du discernement. Si Dioncounda avait seulement voulu galvaniser ses troupes et les faire sortir des hésitations et des torpeurs qui ont envahi l’ADEMA, depuis son choix anti-démocratique comme candidat, on dirait qu’il utilise le mensonge et le baga-baga comme propagande. S’il s’était laissé aller, comme à son accoutumée, on dira que c’est le stress inhérent à l’état qui est celui de tout candidat, de ne dormir que d’un seul œil et d’avoir le droit de raconter, en privé, des histoires pour se relaxer. S’il était sous le coup d’amphétamines, beaucoup l’aurait au moins compris et, toléré le grand malade et le trompe-la-mort qu’il a été. Rien de tout ça. Dioncounda, comme la plupart de ses camarades de l’ADEMA, ont un profond mépris pour les maliens. Ils ne nous ont jamais pris, que pour un peuple sans cervelle, que les élites en éthologie qu’ils sont, peuvent manipuler à souhait. Point besoin alors de prendre des gants pour se répandre en blabla, les uns plus ridicules que les autres. Sinon, comment comprendre, que dans un pays démocratique, que l’on respecte en plus et, dont on croit en la capacité compétitive, on se permet de donner en toute liberté, le résultat d’élections qu’on n’a pas vues et dans lesquelles on ne s’est pas mesuré à ses adversaires tous autant costauds que déterminés.
Mais cette stratégie, pour le moins ratée, de Sire Dioncounda et compères, révèle le malaise profond, que vit une ADEMA aujourd’hui disparue et frappée de trop d’incertitudes. Car depuis ses dix années de grâce sous Alpha, le parti de l’Abeille a bien changé. Devenue un piège et une occasion de chute pour beaucoup, il a vu, tour à tour, ses véritables grosses pointures l’abandonner pour des cieux plus sereins. IBK d’abord, Soumaïla Cissé après, sans compter les retraites périodiques de certains de ses fondateurs comme Mme Sy Kadiatou ou Boubèye qui, selon des sources concordantes, n’a pas abandonné ses ambitions pour Koulouba. En proie à des gens au charisme moyen, le PASJ se console en souvenir de ses anciens, lointains et introuvables hauts faits. Des hauts faits inimitables par l’actuelle garde prétorienne du candidat officiel. Le PASJ est devenu ce sac de piment vide, qui n’arrive plus à faire éternuer et qui se perd en demi-menace pour mobiliser sur un terrain, sur lequel il semble désormais dépaysé. Avec un discours creux et sans saveur, avec des animateurs eux-mêmes incertains et hésitants, avec trop de cadres qui n’aspirent qu’à asseoir une EPA sur le pays, avec une guerre permanente entre clans et de nombreux non-dits, l’ADEMA est devenu le parti à fuir pour beaucoup de maliens. A cela s’ajoute la jeunesse du parti, seul atout véritable, démotivée par le peu d’intérêt et même la méfiance que lui porte le cercle immédiat du président autoproclamé.
Mais, aussi idiotes qu’elles peuvent paraître, les déclarations de Dioncounda et Cie, ne manquent pas d’intérêt pour les observateurs politiques. Elles leur permettent de mieux scruter les inattentions des candidats et de découvrir par là même, leurs faces cachées, leurs intentions profondes et leur considération pour notre peuple. De là, un attrape-nigaud efficace pour des verbiages qui se veulent républicains et démocrates, mais qui ne sont que pavloviens.
Karim FOMBA