Si tout se passe comme prévu, l’honorable Bourama Tidiane Traoré, mis sous mandat de dépôt la semaine dernière, suite à une altercation qui l’a opposé au juge de paix de Ouéléssebougou, devra comparaître devant le Tribunal de la Commune VI pour « flagrant délit ». Celui-là même, qui s’était déclaré incompétent, hier lundi, à donner une suite favorable à la résolution prise par les élus nationaux tout bord confondu. Bagadadji avait exigé la libération immédiate de leur collègue, détenu depuis le mardi 25 novembre dernier. Le vote de cette résolution a eu lieu au même moment, où le député détenu se voyait refuser sa demande de libération provisoire avant d’être placé sous mandat de dépôt en attendant sa comparution.
Ce qui est désormais considéré comme l’affaire du «député Bourama.T. Traoré » opposant le juge Amadou Bocar Touré dit Diadié, juge de paix de Ouéléssébougou, à l’honorable Bourama Tidiane Traoré de la Circonscription électorale de Kati, entrainera t-il le Mali dans un choc violent entre les Institutions (Législatif et Judiciaire) ? La question a tout sens si l’on se réfère à la dernière évolution du dossier. Selon nos sources, une importante réunion entre magistrats, sans distinction de syndicat d’affiliation, s’est penchée autour d’une ultime décision, hier lundi au TPI de la Commune VI, sur cette affaire encombrante. Les blouses noires statuaient sur la résolution de l’Assemblée nationale enjoignant aux magistrats la libération de leur collègue et la suspension de la poursuite en cours contre lui.
Malheureusement, au lieu que cette rencontre décisive contribue à alléger les charges retenus contre l’élu, a plutôt compliqué son sort. Puisque le Tribunal de la Commune VI s’est déclaré incompétent à trancher sur la résolution de l’Assemblée nationale, a indiqué notre source, avant d’ajouter que plusieurs représentants du SAM et du SYLIMA avaient pris part au rendez-vous. La motivation avancée selon des sources proches de la Justice pour justifier la déclaration d’incompétence se rapporte au fait que la résolution de l’Assemblée nationale tire son essence de la Constitution, ce qui dépasse leur compétence légale.
Rappel des faits :
Interpellé et gardé à vue au camp 1 de la gendarmerie le mardi 25 novembre dernier, après un pugilat entre lui et le juge de paix de Ouéléssébougou, les collègues de l’honorable Bourama Tidiane Traoré, tout bord politique confondu (opposition et majorité), ont voté à l’unanimité une résolution pour exiger sa libération. Il s’agit de la résolution N°14/AN-RM du jeudi 27 novembre 2014 requérant la libération immédiate du député Bourama Tidiane Traoré et la suspension de la poursuite en cours contre lui.
En effet, la Constitution du 25 février 1992 en son article 62 alinéa 3 dispose que : « la détention ou la poursuite d’un membre de l’Assemblée nationale est suspendue si l’Assemblée nationale le requiert ».
C’est le jour même de l’adoption de cette résolution par l’Assemblée nationale que le député, jusque-là prévenu pour outrage à magistrat, fait qualifier plus tard de « flagrant délit », était présenté à un juge d’instruction pour une première comparution devant le TPI de la Commune VI. La suite on la connait : l’honorable Bourama Tidiane s’est vu refusé sa demande de liberté provisoire avant d’être placé sous mandat de dépôt en attendant l’audience au fond, prévu pour ce mercredi 3 décembre.
Une situation perçue à l’Assemblée nationale comme une défiance du Pouvoir judicaire quand bien même que la Loi fondamentale a tracé des frontières étanches entre les deux Pouvoirs (Législatif et Judiciaire). Face à cette situation, les députés de la cinquième législature ont décidé d’observer un arrêt de travail illimité, dès lors que le Judiciaire refuse d’élargir sa grille de lecture de la Constitution. Cette affaire qui défraie la chronique depuis une semaine, fait l’objet aujourd’hui d’un bras de fer entre les deux Pouvoirs : tous deux considérés comme les enfants gâtés de la République.
Les magistrats regroupés au sein du Syndicat Autonome de la Magistrature et le Syndicat Libre de la Magistrature ont même publié un communiqué conjoint à travers lequel, ils expriment leur soutien à leur collègue Amadou Bocar Touré dit Diadié, juge de paix de Ouéléssébopugou. Sans compter l’Association des Jeunes Magistrats, qui en plus d’avoir exprimé son soutien au juge de Ouéléssebougou, a décidé de se constituer en partie civile aux cotés de ce dernier « pour une magistrature indépendante et responsable ».
Ces deux syndicats ont estimé que l’Assemblé nationale, dans un communiqué lu à la télévision nationale a employé des termes qui ne « vont pas dans le sens d’une gestion apaisée de la procédure de flagrant délit initié suite aux actes reprochés à l’honorable Bourama Tidiane Traoré. ». Avant d’«appeler les deux parties à la retenue dans la gestion de cette affaire d’une grande sensibilité qui au-delà de l’aspect pénal, touche au regard des faits d’immixtion d’un parlementaire dans les affaires judicaires qu’elle comporte, à l’équilibre républicain découlant du grand principe de séparation des Pouvoirs institué par notre constitution ».
C’est dire que la salle d’audience du TPI de la Commune VI se révélerait petite à contenir la marée des élus de Bagadadji et les supporters de l’honorable Bourama Tadjane Traoré demain.
Affaire à suivre
Georges Diarra