Nous vous livrons l’intégralité de l’emblématique et historique discours d’Alpha Oumar Konaré, premier président démocratiquement élu au Mali et quatrième président du Mali indépendant, lors du forum de réconciliation nationale à Abidjan en Côte d’Ivoire en 2002.
La parole est bien difficile, ou en ces circonstances et aujourd’hui me doit de la prendre, je veux la prendre avec humilité sans prétention. Vraiment sans prétention aucune avec l’autorisation de nos anciens ici présents, de nos aînés qui sont ici, de nos chefs religieux et bien sûr avec la grande compréhension et la grande indulgence de notre frère, de notre ami Gbagbo, et de tous nos autres amis ici présents.
Monsieur le président de la République de la Côte d’Ivoire, Monsieur le président de la république du Ghana, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le président de l’Assemblée Nationale, Mesdames et Messieurs les ministres, Monsieur le président du forum, excellence Mesdames et Messieurs, chers frères et sœurs de Côte d’Ivoire nous éprouvons un réel plaisir à nous trouver aujourd’hui à Abidjan à l’invitation de notre frère Laurent Gbagbo président de la République de la Côte d’Ivoire.
Nous tenons à lui exprimer nos vifs remerciements pour nous avoir conviés à un évènement de portée historique inspirée par des valeurs culturelles majeures sur lesquelles reposent les sociétés africaines.
En effet, nos peuples dans leur cheminement à différentes époques aussi bien à leur propre sein que dans leurs relations de voisinage ont toujours su opposer le bouclier du dialogue, de l’échange et de la concertation aux interpellations de la passion et de l’incompréhension. Et cela pour que les poutres qui soutiennent l’édifice commun résistent à l’érosion.
Monsieur le président chers frères et sœurs de Côte d’Ivoire en venant ici sur cette terre d’Afrique chargée d’histoire, sur cette terre qui pendant longtemps a renvoyé au monde entier l’image d’un pays en marche vers le progrès confiant en lui même, l’image du refuge des valeurs d’hospitalité légendaire, de fraternité vraie et de chaude solidarité, en venant ici disons nous, nous vous apportons le salut fraternel non seulement du peuple Malien mais aussi celui de tous les peuples de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest et de l’Union Économique Monétaire Ouest Africaine.
Aujourd’hui le peuple frère de Côte d’Ivoire égal à lui même a choisi de s’arrêter un moment pour se regarder en face en se souvenant de ce qu’il a été et en ayant en vue le rôle qu’il est appelé a jouer dans la sous région et en Afrique.
Chers frères et sœurs de Côte d’Ivoire en acceptant de vous retrouver dans le cadre d’un forum de réconciliation nationale, vous exprimez fortement votre volonté d’arracher votre pays, notre chère Côte d’Ivoire à l’emprise de la fatalité et de l’ouvrir à la pérennité à un avenir digne de son histoire et de sa culture, vous exprimez aussi votre volonté de secouer les démons de la violence et de la haine et de vous tourner vers un avenir de paix et de concorde dédit normal de la Côte d’Ivoire.
Il s’agira moins de déchirer les pages de l’histoire que de les tourner que d’avancer. Il ne peut pas s’agir d’oublier mais de pardonner d’assumer ensemble les erreurs voir les fautes combien vous avez eu raison d’enclencher une telle dynamique, d’engager un tel processus jusqu’à cette étape il ne pourrait s’agir que d’un processus fragile avec au début des avancées incertaines quelquefois de reculs qui finiront à force de foi de détermination par être et bon décisifs. Partout vous le savez mieux que moi Monsieur le président en tant qu’historien partout ou l’on s’est montré méprisant dans ses relations ou on a substitué aux règles de l’humilité et de la tolérance celle de l’arrogance et du rejet de l’autre frère, on est allé à l’affrontement sans issue. Les propres enfants du pays ont conduit leur pays à la catastrophe. C’est l’Ouganda, le génocide, le bras coupé de Sierra Leone cela n’arrive pas qu’aux autres que Dieu nous en préserve, mais cela peut exister derrière des buissons de l’intolérance. La catastrophe arrive vite quand on n’a pas le courage de se parler, d’échanger, de regarder l’autre, de faire confiance à l’autre si diffèrent et si proche aux voisins si sacrés, aux amis si chers, aux partenaires si nécessaires quand tout se réduit au pouvoir à la quête du pouvoir.
Aux problèmes politiques, il faut de vraies solutions politiques; pas de faux fuyant. Elles peuvent être difficiles à trouver mais nous devons les trouver ensemble à coup de concessions, de compromis conformes à l’État de droit, de compromis démocratique. Les problèmes politiques mal résolus finissent par prendre de dimensions régionalistes puis ethniques, puis religieuses et conduisent à l’anarchie. Il nous faut aujourd’hui dans tout nos pays un fond politique apaisé pour pouvoir bien aborder et résoudre les difficiles situations économiques et sociales.
Chers frères et sœurs de Côte d’Ivoire nous demeurons convaincus que l’ensemble de la société Ivoirienne et singulièrement la classe politique Ivoirienne saura relever le défi. Nous tenons à vous en féliciter vivement et de vous apporter le témoignage de notre soutien, de notre solidarité sans faille, de notre disponibilité pleine et entière. Jamais le Mali, encore moins par Dieu le Mali démocratique n’a été et ne sera un terrain d’hostilité. La sécurité de chacun de nos voisins est notre sécurité, la stabilité de chacun de nos voisins est notre stabilité; voyez vous mes frères et sœurs le Mali c’est un peu de chacun de nos voisins. le Mali c’est un peu d’Algérie, c’est un peu du Niger, un peu du Burkina Faso, un peu de Côte d’Ivoire, un peu de Guinée, un peu du Sénégal, un peu de Mauritanie et un peu d’autres encore. Le Mali se lie aussi à chacun de nos voisins et il n’est pas nécessaire de rappeler ici que le peuple de la Côte d’Ivoire et du Mali et d’autres peuples ont entretenu des relations séculaires d’amitié et de fraternité.
En souvenir des structures étatiques passées, de migrations multiples que vous ayez su bien décrire Monsieur le président à travers ces contrées pluriethniques, de cette contrée si riche de leur pluralisme et de leur différence en souvenir d’engagement commun, de lutte commune, de sacrifice commun au sein du Rassemblement Démocratique Africain (RDA). Souvenir inaltérable, souvenir inaltérable du lieu de notre Houphouët malgré tout si présent aujourd’hui dans cette salle et présent auprès de nous aujourd’hui. Plus de choses nous unissent et ne nous séparent, nous avons bâti là-bas et ici ensemble. Nous devons tenir encore ensemble aujourd’hui nourri du passé fort des rencontres intercommunautaires adossées à l’État de droit à la quête de nouvelle citoyenneté plus large fruit de nos choix d’intégration. Camarade, nos peuples n’ont d’autres choix…nos peuples n’ont d’autres choix que de bâtir le présent et l’avenir qui leurs sont communs sur des fondements inaltérables qui ont su respecter la patine du temps et l’usure de l’histoire.
Monsieur le président de la Côte d’Ivoire, président de tous les Ivoiriens et de toutes les Ivoiriennes, de tous les Africains et de tous les étrangers qui vous sont confiés à Monsieur le président. Nous sommes convaincus que le peuple de Côte d’Ivoire saura cicatriser cette blessure, surmonter toute ces dissensions et poursuivre sa marche entière celle d’un grand peuple, d’une grande nation vers le progrès social, économique et culturel. Cette perspective nous réjouit profondément. Elle fera honneur à la Côte d’Ivoire à tous les fils, à toutes les filles de ce pays, à la sous région, à l’Afrique si bien représentée aujourd’hui par notre frère ici et elle nous fera donc digne de Félix Houphouët Boigny, de Mamadou Konaté, de Ouezzin Coulibaly, de Modibo Kéita, de Kaboré Zinda, de Biaka Boda et j’en passe. Et cette Côte d’Ivoire, notre Côte d’Ivoire, demeurera pour l’éternité au rythme, du salut à la terre d’espérance, au pays de l’hospitalité dont les légions remplies de vaillance ont relevé la culpabilité.
Bien sûr, à la suite du grand chanteur au rythme de l’Abidjanaise si vous me le permettrez les fils de chère Côte d’Ivoire, fiers artisans ta grandeur tous rassemblé et pour ta gloire te bâtirons dans le bonheur. Chers Ivoiriens le pays nous appelle et si nous avons dans la paix ramenée la liberté, notre devoir sera d’être un modèle de l’espérance promise à l’humanité en forgeant unis dans la foi nouvelle la patrie de la vraie fraternité et je note la patrie de la vraie fraternité dans la vérité, dans la tolérance, nous souhaitons plein succès aux travaux du forum de réconciliation nationale.
Que, que Dieu préserve la Côte d’Ivoire et ses voisins dans une Afrique responsable et prospère, que Dieu nous assiste. Je vous remercie !