Deuxième mandat d’ATT : Comme Modibo en 1966 et Moussa en 1979 ?

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Modibo Keïta avait pris en 1966 son dernier virage, et il le savait, refusant la « rectification » à la Blaise Compaoré que de jeunes officiers putschistes étaient venus lui proposer en 1968 avant de le renverser pour de bon.rn

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 Pour lui, il ne faisait pas de doute que la « révolution active », qui avait marqué le début de sa chute, réussirait tôt ou tard, ce en quoi il prenait peut-être pour de la réalité son désir viscéral de voir enfin la corruption terrassée et le peuple laborieux récompensé de ses peines. Cette ère messianique est attendue encore par ceux qui, au Mali et plus généralement dans le Tiers monde, rêvent d’un développement qui mettrait les pays pauvres au même niveau que les pays développés, alors que ces derniers, découragés, ne parlent plus que de lutte contre la pauvreté.

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C’est de la même manière que Moussa Traoré, en 1979, avec l’organisation du premier congrès de l’UDPM, le parti unique constitutionnel,  prétendait lancer enfin le développement du Mali, dans le cadre d’une « vie constitutionnelle normale » enfin retrouvée, et surtout après s’être débarrassé des ennemis de cette perspective, ses anciens compagnons du coup d’Etat. Or il commençait ainsi la longue traversée solitaire du désert, qui allait l’amener à son arrestation par sa propre garde.

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Alpha, qui a échappé à l’enivrement de la célébrité, goûtera au plaisir supérieur de tenir à distance ses adversaires, quitte à passer pour un dictateur pendant son deuxième mandat, préparant, peut-être involontairement, le terrain pour le consensus qu’ATT mettra sans peine en œuvre : les chefs de partis avaient hâte de quitter l’enfer (c’est-à-dire la misère) de l’opposition et de retrouver le confort de la politique des salles de conférence, des hémicycles et des 4X4. La récréation est finie et ATT doit faire pendant son deuxième mandat autre chose que du consensus, et d’ailleurs Bocar Tréta, le secrétaire général du RPM, qui n’a que trop patienté, a déjà annoncé que son parti allait animer l’opposition.

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Premier choc : l’offense au Chef de l’Etat

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Il est vrai qu’il y a eu offense, mais il est bien étonnant qu’ATT ne l’ait pas pardonnée,            d’autant plus que la sanction infligée aux hommes de presse, dont on connaît la puissance, surtout en dehors du pays, a paru anormalement plus faible que celle du pauvre enseignant, dont la seule faute est d’avoir commis une erreur dans l’exercice de sa profession, et sur son lieu de travail, qui n’est quand même pas la place publique. Le fait que les organes attaqués aient souvent été très critiques envers le régime aurait dû plaider en faveur d’un traitement amiable de l’affaire, et cela devait être facile pour lui qui fut médiateur international. Mais il semble bien que des gens zélés ont voulu lui faire plaisir sans lui dire au nom d’une offense qui n’atteindra jamais un homme comme ATT.

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Ce qu’on appelait autrefois crime de lèse-majesté, l’insulte aux rois, ne signifie nullement que ces rois étaient des saints, mais ils étaient des symboles qui sauvegardaient l’identité et l’honneur du peuple. On mourait pour son roi, comme les jeunes supporters veulent mourir pour ATT, symbole de leur victoire. Cette qualité manque souvent aux chefs d’Etat de l’ère démocratique, qu’on peut traîner devant les tribunaux et les y traiter de tous les noms, à condition d’en apporter la preuve, comme on l’a vu récemment avec l’accusation de harcèlement sexuel portée contre le président israélien ou le scandale du Monica-Gate, il y a quelques années, qui a impliqué le président américain Bill Clinton.

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Mais ceux qui le veulent peuvent incarner telle ou telle vertu. Ainsi, le président américain Jimmy Carter a acquis la réputation d’homme « moral », Mme Thatcher est devenue la Dame de fer, comme Indira Gandhi ; Houphouët Boigny était « le Sage de l’Afrique », Senghor, l’agrégé de grammaire, etc. Chez nous, Moussa Traoré était devenu El Hadj Moussa Traoré, le Musulman, comme le dit un morceau du Super Biton national en son honneur, et Alpha laissera sûrement le      souvenir de l’intellectuel roublard. ATT frappera-t-il désormais, en vrai para-commando qu’il est ? Sera-t-il au contraire l’habile piégeur (sa spécialité militaire), le fin négociateur des médiations ?

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Kaddafi ou Bush ?

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A l’arrivée d’ATT au pouvoir, les fusils de la rébellion arabo-touarègue venaient à peine de se taire sur les Accords de Tamanrasset, aussitôt remplacés par le Pacte national, négocié avec les rebelles, sans doute pour donner un sceau démocratique aux accords signés par le régime précédent. Kaddafi avait été accusé d’être à la base de la rébellion, et il n’en fallut pas plus pour qu’Alpha appelle les Américains au secours dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Est-ce pour cette raison qu’Alpha est allé une cinquantaine de fois à Tripoli, où le Guide l’a toujours bien accueilli sans jamais daigner lui faire en retour l’honneur de la plus petite visite, alors qu’il viendra voir ATT trois fois en deux ans ?

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Mais les Américains ne sont plus repartis, comme l’a rappelé il y a peu la mort d’un de leurs soldats dans une tempête de sable, et l’Alliance démocratique pour le Changement (touarègue) est née depuis, à la suite des attaques armées de Kidal et de Menaka du 23 mai 2006, conduisant à la signature des Accords d’Alger en juillet 2006. Que le problème du Nord soit la priorité des priorités d’ATT, la nomination des deux Premiers ministres successifs de son premier mandat, issus de cette région, pourrait en être la preuve.

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Mais il n’est plus possible d’assimiler les rebelles à de simples terroristes ou à des bandits armés, ce qui pose la question de la présence des Américains : pourquoi s’éternise-t-elle ? Or la bataille fait rage entre l’Occident et Kaddafi pour le contrôle de l’Afrique, avant l’entrée en scène prochaine de la Chine et du Japon. Pourquoi le Sénégal, la Guinée, le Burkina Faso, semblent avoir supplanté le Mali dans la politique libyenne ? Il est vrai que nous avons été élus au Compte du Millénaire de Bush et que, juste hier 9 août 2007, une convention de 14,5 milliards a été signée entre notre pays et les Etats-Unis pour, dit notre confrère L’Essor, « la réalisation de divers programmes de lutte contre la pauvreté et le développement durable ». Ce choix est-il le bon ? ATT est à cinq ans de la fin de son dernier mandat : se retrouvera-t-il seul comme ses prédécesseurs? Cinq longues années…

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Ibrahima KOÏTA

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