Dernier Conseil des ministres de la Transition : « nous avons accompli une mission quasi impossible »

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Bamako, le 02 septembre 2013 au palais Koulouba. Le gouvernement de transition a tenu son dernier conseil des ministres sous la présidence de Dioncounda Traoré.
Bamako, le 02 septembre 2013 au palais Koulouba. Le gouvernement de transition a tenu son dernier conseil des ministres sous la présidence de Dioncounda Traoré.

Le président Dioncounda Traoré a estimé que le gouvernement a relevé « un challenge fou » en remplissant la double-mission de la Transition : rétablissement de l’intégrité territoriale et organisation d’élections transparentes et crédibles. 

 

Le parallèle est hasardeux à établir mais osons-le. Comme des acteurs qui viennent de donner leur ultime représentation, les membres du gouvernement de la Transition ont eu du mal hier à quitter la salle de délibérations du Conseil des ministres au palais de Koulouba. Cet ultime Conseil des ministres était une session extraordinaire.

L’instant était solennel et l’émotion palpable dans la salle qui reçoit en principe tous les mercredi le président de la République et les ministres pour discuter et prendre les grandes décisions concernant la nation. Pour la petite histoire, il faut savoir que le gouvernement de Transition a siégé plus 80 fois en sessions ordinaires et extraordinaires.

Avant l’arrivée du président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, les ministres (certains détendus et d’autres un peu crispés) devisaient en petits groupes dans la cour. C’est aux environs de 12h10 que celui-ci arriva. Les ministres regagnèrent alors la salle et la séance pu s’ouvrir.

C’est le 11 avril 2012 qu’a débuté la Transition avec l’investiture de Dioncounda Traoré. Elle aura duré 16 mois et 24 jours et usé deux chefs de gouvernement. Le premier gouvernement avec à sa tête Cheick Mohamed Abdoulaye Souad dit Modibo Diarra comme Premier ministre (nommé par décret N°2012-194/P-RM du 24 avril 2012) comptait 24 ministres dont un ministre d’Etat et trois ministres délégués. Trois portefeuilles ministériels étaient confiés à des femmes et autant aux forces armées et de sécurité.

 

Ce gouvernement connaitra un réaménagement le 20 août 2012 en élargissant le nombre de ministre à 32, après l’agression sauvage jusque dans ses bureaux du président Dioncounda Traoré et son traitement à Paris. Le 12 août, Cheick Modibo Diarra avait été reconduit comme le chef d’un gouvernement d’union nationale qui a intégré en son sein les représentants des grandes formations politiques du pays. Après avoir passé neuf mois à la tête du gouvernement de Transition, Cheick Modibo Diarra est contraint à la démission le 11 décembre 2012 avec tout son gouvernement. Une démission intervenue au moment où la situation sociopolitique du pays était tendue avec une querelle autour de concertations nationales dont la finalité était justement de mettre en place les organes de la Transition et d’adopter sa feuille de route.

 

Après cette première phase, le Président de République par intérim nommera Diango Cissoko comme Premier ministre par le décret N°2012-708/PRM du 12 décembre 2012. Celui-ci formera le 15 décembre 2012 un gouvernement de 30 ministres avec deux ministres délégués comme dans la précédente équipe.

 

C’est ce gouvernement qui finalisera la feuille de route de la Transition, adoptée le 29 janvier 2013 par l’Assemblée nationale. Cette feuille de route qui a servi de boussole au gouvernement de Transition, progressait sur deux grands axes : la reconquête des zones occupées et l’organisation d’élections transparentes et crédibles. Cette équipe subira le 22 juin un réaménagement technique étonnant compte tenu des urgences du moment et de l’accélération du calendrier électoral. Aucun ministre ne sortait mais quelques uns changeaient de portefeuille, dont le titulaire des Finances, et des départements étaient redimensionnés.

MISE EN ŒUVRE ACCELEREE. Dans son intervention, le Premier ministre, Diango Cissoko, a rendu un hommage appuyé à l’ensemble des ministres pour le travail accompli avec succès. Il a remercié également au nom de l’ensemble des ministres, le président de la République pour la confiance dont le gouvernement a bénéficié depuis sa nomination. « Au terme de cet accompagnement, je voudrais vous exprimer notre profonde gratitude pour la considération dont nous avons été l’objet de votre part », a dit le chef du gouvernement louant les qualités de Dioncounda Traoré sous la « sage et clairvoyante direction » duquel, le rétablissement de l’intégrité du territoire national est devenue une réalité à partir de janvier 2013, grâce à l’action conjuguée des forces françaises, de l’armée malienne, du contingent tchadien et de la MISMA.

 

Diango Cissoko a défendu son bilan en rappelant qu’après la libération des régions de Tombouctou, Gao, Kidal et d’une partie de celles de Mopti et de Ségou, la mise en œuvre accélérée de la feuille de route pour la Transition, suivie de la reprise de la coopération financière internationale, de la levée de la suspension des financements extérieurs et de l’élaboration d’une loi de finance rectificative, ont permis de relancer l’activité économique.

 
Les acquis en matière d’éducation et de santé ont été également protégés. L’opérationnalisation de la Commission Dialogue et Réconciliation, le retour de l’Administration dans les zones libérées et l’organisation réussie de l’élection présidentielle, font partie des grandes avancées que la Transition a enregistrées.

 
Diango Cissoko a par ailleurs rappelé que notre pays revenait de très loin. Au lendemain du coup d’Etat, les experts économistes tablaient en effet sur un effondrement économique du pays avec la suspension de l’aide publique au développement par les partenaires au développement, l’arrêt de nombreux projets d’investissement, la diminution des ressources intérieures et la réduction des allocations budgétaires, y compris dans les secteurs sociaux de base, la fermeture de nombreuses unités économiques industrielles et économiques.

OBLIGATION DE RENDRE COMPTE. Mais grâce à la mobilisation du gouvernement de Transition et la politique de maîtrise des dépenses publiques par le département de l’Economie et des Finances, nos partenaires techniques et financiers ont fini par reprendre leur assistance à notre pays et l’économie nationale amorce aujourd’hui sa relance. Certes doucement mais sûrement.

 

« Comme vous l’aviez instruit, la politique budgétaire menée pendant la période de Transition visait, d’une part, à atteindre et à maintenir la stabilité macroéconomique, et d’autre part, à gérer rigoureusement les finances publiques. En 2012, l’exécution de la loi des finances initiale a été perturbée entrainant une croissance négative. La situation s’est nettement améliorée en 2013. Sur une prévision cumulée de 620,790 milliards Fcfa, les réalisations de recettes du budget général à la date du 31 juillet 2013 se chiffrent à 613,783 milliards Fcfa. Ainsi, à la date du 31 juillet 2013, les inscriptions budgétaires en dépenses sont exécutées à hauteur de 566,6 milliards de Fcfa pour une dotation de 1465,1 milliards de Fcfa. Et l’effort de guerre mobilisé par nos compatriotes et les amis de notre pays affichent aujourd’hui plus de 3 milliards domiciliés à la BDM », a précisé le Premier ministre.

 
Prenant la parole à son tour, le président de la République par intérim a fait un discours empreint d’une grande solennité. « Quand, par le hasard de l’Histoire, nous avons été appelés à servir notre pays dans les circonstances que vous savez et aux postes de responsabilité qui sont encore les nôtres ce matin, personne parmi nous ne se faisait d’illusions ni sur la délicatesse de la mission ni sur son extrême complexité. Vous le savez autant que moi, il s’agissait pour nous de remettre sur pied, avec une extrême délicatesse, un grand malade, un malade dont le pronostic vital était fortement engagé, pour parler comme les médecins. Ce qu’on nous demandait, à vous et à moi, c’était d’être les missionnaires d’une cause que nos compatriotes parmi les plus optimistes avaient jugé désespérée et que les autres considéraient comme déjà perdue », a-t-il dit.

 

Il a salué la communauté internationale pour sa solidarité et son soutien qui n’ont jamais fait défaut. « Mais elle était complètement désorientée puisque que le Mali n’a pas arrêté de lui envoyer des signaux contradictoires, ambigus et inintelligibles. Par monts et par vaux, contre vents et marées, vous êtes restés une équipe soudée et solidaire autour de son capitaine, concernés à chaque seconde par les enjeux des défis à relever. Des défis qu’il fallait relever pour le Mali, pour la communauté internationale et pour l’Histoire. Vous avez su être des co-équipiers exemplaires convaincus que la somme de l’effort individuel aux différents postes de responsabilité assurait le résultat final », a indiqué avec emphase le président de la République par intérim. Et de poursuivre : « A quelques quarante huit heures de la fin de notre mission et sans aucune forme d’auto-satisfecit, nous pouvons affirmer fièrement : « Mesdames et Messieurs, nous avons gagné le pari. ». A la manière des Anglo-Saxons, nous pouvons crier : « Yes, We Did It ! ». Oui, Nous l’avons fait ! Oui, nous avons relevé un challenge fou ! Oui, nous avons accompli une mission quasi impossible ! Oui, nous avons réussi la double-mission de la Transition que la Feuille de route adoptée par notre Parlement le 29 janvier 2013 déclinait en ces termes redoutables : rétablissement de l’intégrité territoriale du pays et l’organisation d’élections générales transparentes et crédibles », a-t-il indiqué.

 

AU-DELA DES MOTS. Il a rappelé que pendant de longs mois, cette double-mission aura été le souci permanent des autorités de la Transition, son accomplissement leur raison d’exister. « Tout au long de ces longs mois, nous ne nous sommes jamais départis de l’idée voire de l’obsession de réussir « Notre Mission ». A aucun moment, personne ni rien n’a jamais réussi à nous distraire. Pourtant, et Dieu nous est témoin, ce ne sont pas les écueils qui ont manqué sur notre chemin ! La gratitude est une qualité particulièrement noble qui grandit l’Homme. Savoir l’exprimer nous élève à un niveau de plénitude tel qu’aucune montagne ne saurait faire obstacle à l’accomplissement de notre dessein. Je vous dois l’expression de cette gratitude, celle-là qui vient du plus profond de mon âme ; cette gratitude-là que les mots ont du mal à traduire et exprimer. Cette gratitude, elle n’est ni feinte, ni de circonstance ! Elle est sincère de cette sincérité qui transparait dans la joie des populations libérées du joug de l’occupation. Elle n’a d’égal que le bonheur de ces hommes, femmes, jeunes, vieux et enfants qui rentrent chez eux après de longs mois de souffrance dans les camps de réfugiés dans les pays voisins », a souligné Dioncounda Traoré.

 

« Merci à chacune et à chacun ! Merci à toutes et à tous ! Merci d’avoir donné le meilleur de vous-même pour sortir notre pays de l’abime dans lequel il a été si violemment précipité ! Merci d’avoir accompli un devoir dont vous ne mesurez pas encore la portée ! Soyez fiers de l’œuvre que vous avez accomplie ! Et, sans modestie aucune, racontez à vos enfants, petits-enfants et arrière petits-enfants que vous avez été de la grande aventure de la Deuxième libération du Mali ; celle qui a réussi à chasser des fanatiques illuminés au service du narcotrafic d’une part, et d’organiser des élections crédibles et transparentes dans un contexte surréaliste d’autre part », a-t-il lancé avant de souhaiter aux ministres beaucoup de succès dans leurs nouvelles entreprises. « Sachez qu’il y a eu une vie avant le gouvernement, et qu’il y en aura une autre après. L’horloge de votre vie en tant que citoyen et en tant que serviteur de l’Etat doit continuer de fonctionner. Continuez de vous battre pour vous-même, pour les vôtres et pour le Mali, pour la paix dans le monde, le développement et la solidarité », a-t-il conclu tout en souhaitant bonne chance à son successeur, Ibrahim Boubacar Keïta, qui prête serment demain.

 

D. DJIRE

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