La manière dont les choses se sont passées entre Ibrahim Boubacar Keita et son désormais ex-Premier ministre Oumar Tatam Ly prête à confusion, il s’agit d’une démission, de la capitulation, ou bien d’un limogeage ?
IBK a-t-il demis Oumar Tatam Ly de ses fonctions, donc limogé, sous la pression de son parti et de son fils Karim ? Une autre question de grandeur nature.
Une chose reste évidente, après six mois seulement d’exercice, IBK a fait descendre Tatam Ly de son piédestal, au moment où il s’attendait le moins.
Pourtant comme un mauvais parfumeur, dans son discours à la nation du 31 décembre 2013, IBK avait profité pour mettre fin au suspens en renouvelant sa confiance en OumarTatam Ly comme Premier ministre car, selon lui, il est « compétent, loyal et travailleur… ».
Du coup, on n’avait pas besoin d’être un observateur aguerri de la scène politique nationale pour affirmer que fort de la confiance renouvelée du chef de l’Etat, OTL avait le libre choix, quand il veut, de rendre la démission de son gouvernement et former un autre après la rentrée de la 5èmelégislature de l’Assemblée nationale.
En effet, conformément à l’article38 de la constitution du Mali, « le président de la République nomme le Premier ministre. Il met fin à ses fonctions sur présentation par celui-ci de la démission du gouvernement. Sur proposition du Premier ministre, il nomme les autres membres du gouvernement et met fin à leur fonction ».
C’est pourquoi, le scénario, du samedi dernier, est issu d’un mauvais casting. Et a fait sujet de plusieurs interprétations.
D’abord, ceux qui soutiennent la thèse évoquée par l’ex-Premier ministre lui-même dans sa lettre de démission adressée au président de la République Ibrahim Boubacar Keita.
Une lettre dans laquelle il dit expressément que : « au regard des dysfonctionnements et des insuffisances que j’ai relevé dans la marche du gouvernement, qui réduisent grandement ses capacités à relever les défis se présentant à lui, il m’est apparu nécessaire, de lui imprimer, au sortir des élections législatives, dans un environnement institutionnel devenu moins favorable, des évolutions propres à lui conférer davantage de cohésion et à le doter de compétences accrues, lui permettant de mettre en œuvre les changements attendus par vous-même et par le peuple malien. ».
Il poursuit : « Je n’ai pu vous convaincre de la nécessité de ces évolutions lors de nos entretiens des 2,3 et 16 mars ainsi que du 4 avril 2014. En conséquence, en considération de ces vues différentes, qui ne me mettent pas dans la position de remplir la mission que vous m’avez confié, je suis au regret de vous présenter ma démission du poste de Premier ministre du gouvernement de la République du Mali. ».
Selon, un observateur de la scène politique malienne, le contenu de cette lettre de démission est l’expression d’une crise silencieuse, une crise de confiance qui s’était installée entre les deux hommes.
A l’en croire, on comprend ainsi aisément, les raisons du blocage du remaniement ministériel que les Maliens attendaient après les élections législatives et l’installation des députés de l’Assemblée nationale. Car, pendant que Oumar Tatam Ly voulait doter son gouvernement de compétences accrues lui permettant de mettre en œuvre les changements attendus par le peuple malien, IBK est resté de marbre. Et c’est là la pomme de discorde entre les deux hommes. Les relations étaient devenues tellement tendues entre eux que le banquier n’a pas voulu en rajouter en présentant sa démission et celle du gouvernement.
Pour un autre qui soutient une autre thèse, IBK n’a fait que lâcher son Premier ministre sous la pression de sa formation politique, menée par le secrétaire général du RPM, BocaryTéréta, avec comme bras droit, son propre fils, Karim Keita.
Donc, selon lui, cette lettre de démission d’OumarTatam Ly est l’effet de cette pression si l’on sait qu’IBK avait réitéré sa confiance en ce même Premier ministre, il y a tout juste trois mois pour ses bonnes qualités de travailleurs.
En tout état de cause, il faut signaler qu’OumarTatam Ly, depuis un certain temps, était dans le viseur de certains ténors du parti présidentiel qui avaient juré de le faire tomber.
Et sa démission surprise samedi dernier, est comme une victoire pour ces derniers, même si le nouveau PM n’a pas été choisi dans les rangs du RPM. Mais tout compte fait, il est issu de la mouvance présidentielle. L’Appel Pour le Mali (APM).
Georges Diarra