Lorsque le doyen Boubacar Keïta de «la Roue» (paix à son âme) écrivait que «l’Adema est crachat de l’UDPM» il savait que notre démocratie serait confrontée à d’énormes problèmes dans son évolution à cause des ressources humaines parce que tous les secrétaires généraux de l’UDPM et ses cadres ont regagné l’Adema avec armes et bagages. Aujourd’hui encore ce sont ces mêmes personnes qu’on retrouve au Mouvement citoyen avec des casseroles qu’elles traînent. Peut-on faire du neuf avec du vieux.
Depuis l’avènement de la démocratie, beaucoup de dissertations ont été faites, des concepts élaborés pour l’accompagner. Mais tant que certains actes resteront impunis, notre démocratie sera une œuvre manquée alors que la liberté nous a donné la possibilité de viser les besoins élémentaires de notre peuple à travers des lois proclamées par la constitution. Combien de fois la constitution a été foulée au pied ? La démocratie est-elle le règne de l’impunité ? La loi est-elle faite pour s’appliquer aux pauvres ? Depuis la nomination le 9 juin 2002 du Premier ministre Mohamed Ag Hamani au lendemain de l’investiture du président Amadou Toumani Touré, le climat social et l’environnement politique se sont profondément altérés.
Le président indépendant ne s’est pas aligné derrière la majorité dégagée par les urnes après les élections législatives de juillet 2002. ATT reconduit Mohamed Ag Hamani au poste de Premier ministre âgé de 60 ans, économiste -Staticien de formation. Il fut plusieurs fois ministre (Jeunesse- Tourisme- Sport) sous le régime du général Moussa Traoré. Il a été également Haut commissaire de l’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) et il avait pris sa retraite après son dernier poste d’Ambassadeur en Belgique. Pis dès l’investiture d’ATT, il nomme comme secrétaire général de la Présidence, Modibo Sidibé, qui était le ministre des Affaires Etrangères du dernier gouvernement Adema, avant la présidentielle de 2002.
Le parti au pouvoir (Mouvement Citoyen) continue de constituer une force imposante. Ce n’est pas véritablement un parti politique, mais un dispositif de contrôle et d’encadrement. Il est relayé par des groupes de pression : ATTA, GRATT, ASOMATTA, AMARE, APEF… La liste n’est pas exhaustive. Il est enclin à nouer des alliances et semble compter sur les faiblesses et les divisions de ses adversaires. La puissance d’attraction politique du mouvement citoyen dépend fortement de la personnalité et de l’élan d’Amadou Toumani Touré.
Le Mouvement citoyen n’est pas encore sorti de sa léthargie. Trois personnalités s’y disputent l’influence : Djibril Tangara, Ahmed Diané Semèga et Issa Doumbia ( PCR). La stratégie politique reste indécise, entre ceux qui souhaitent réaffirmer une identité attéiste et ceux qui penchent pour un ralliement de circonstance avec l’Adema, le CNID et l’URD.
Dans ce contexte de marasme politique, le Mouvement citoyen veut se poser en pilier unique de la mouvance présidentielle. Cependant il ne trace aucune perspective programmatique claire. Le MC tente de dissimuler son ancrage fondamentalement néolibéral. Sa pesanteur régionaliste. Son identification aux visées d’enrichissement sans frein d’une minorité opulente. Ce rapide aperçu donne une idée des incertitudes qui pèsent sur l’issue politique. Désorientée, l’opinion reste flottante. Dispersée, elle hésite sur ces choix. L’opinion est parfois tentée pour le renoncement. L’opposition, à l’instar du RPM, voudrait jouer avec des dés pipés. Amadou Toumani Touré et ses partisans de jeter de la clarté sur les débats de les faire porter sur l’examen des politiques pour l’avenir. La campagne sera longue.
Les jeux sont loin d’être faits.
La véritable conclusion de cette analyse ne sera donnée que par le verdict des électeurs au mois de mai prochain. Toutefois ce climat délétère n’est pas favorable au pouvoir puisque la crédibilité du président a pris un coup : son pilotage à vue et l’absence de l’autorité de l’Etat. ATT ne peut plus compter sur son dynamisme, son charisme personnel, son bilan.
En manque d’alliances politiques, il faut que le Mouvement Citoyen trouve de nouveaux appuis. De son incapacité à porter des réponses à l’épineuse question du changement, à frayer les pistes d’un renouveau dépendra en définitive la réussite ou le naufrage
Brin Coulibaly
“