Nouveaux errements de la démocratie malienne : Etre avec ATT ou périr

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La démocratie cesse d”être lorsque les militants et les citoyens sont autant manipulés par la classe politique et le pouvoir. Elle cesse d”être autant lorsque les acteurs politiques sont constamment menacés par la justice. Pour lever ces hypothèques, la citoyenneté exige que nous ayons dans le jeu démocratique des acteurs corrects, les meilleurs de nos cadres, les plus beaux parce que les plus consciencieux.

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Dioncounda Traoré, président de l”Adema-PASJ, ne se souviendra jamais avec bonheur du samedi 13 et du dimanche 14 janvier 2007. Terribles et maudites journées qui ont vu des militants le harceler sur le bien fondé de l”onction électorale que le parti de l”abeille entend apporter à la candidature d”Amadou Toumani Touré à la prochaine élection présidentielle, au point de le pousser à une belle confession : "Si nous n”avions pas soutenu ATT, d”autres l”auraient fait à notre place. En plus, nous aurions eu l”Administration, la Justice et la Sécurité d”Etat sur le dos".

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Pour d”évidentes raisons politiques et psychologiques, c”est facile à deviner, de tels aveux politiquement interdits n”ont pas fait sourire sous les lambris dorés de la République. Dans les cercles politiques acquis à ATT, on s”efforcera de les nuancer, à défaut de pouvoir les rattraper, avec comme cible la personnalité chagrine de Dioncounda Traoré. Certes, depuis 1992, aucun politicien malien ne peut disputer à l”actuel Président de l”Adema-PASJ la place peu enviée  de parangon des piètres politiques. D”ailleurs, dans l”histoire universelle, des mathématiciens de haut niveau, gens d”ordinaire cultivés et fin calculateurs, on ne trouvera pas un comme lui coupable d”inintelligence politique et stratégique à des moments  critiques, qui donne même souvent l”impression de ne même pas posséder l”intelligence de la sole meunière .

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Dioncounda Traoré a-t-il la déveine chevillée au corps ou est-il un froid pêcheur en eau trouble ? Question d”impression. Ministre des Affaires étrangères, sa décote a été telle que c”est notre diplomatie elle-même qui a été jetée aux orties. Ministre de la défense, n”a-t-il pas failli provoquer un coup d”Etat ?

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Mais, même plus mal cadrée qu”elle ne le paraît, la personnalité  de Dioncounda Traoré ne saurait déprécier ni les propos par lui tenus, ni leur enlever la charge de dynamite à retardement dont ils sont porteurs. C”est bien un secret éventé par le malheureux homme. Pauvre Dioncounda !

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Nous sommes désormais face à un examen clinique du  système ATT. Que le diagnostic soit rigoureux et débouche sur une thérapeutique positive, c”est l”affaire de tous les démocrates sincères. Applaudi à l”extérieur par les bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, ATT apparaît à l”intérieur, à travers sa méthode de gouvernance bien à lui -l” " ATT-cratie "– comme le parrain de puissants lobbies financiers et oligarchiques (dont certains sont en gestation, d”autres en maturation  continue) où pullulent des tartuffes et des zélotes, tous plus grandiloquents et trompeurs les uns que les autres.

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L” " ATT-cratie " est ainsi un composé d”affairisme, de clientélisme, de délits d”initié et d”enrichissement autorisé par tous moyens. Le mensonge, la tromperie et le viol de la démocratie élevés en méthode de bonne gouvernance!

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Pour bien comprendre le secret éventé par Dioncounda Traoré, il faut remonter à mai 2001. Alpha Oumar Konaré proclamait : " Le succès de mon passage à la tête de l”Etat… c”est aussi un successeur dans lequel je me reconnais ". Or, il y a comme une symétrie évolutive entre Alpha et ATT.

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L”actuel président doit toute sa fonction à son prédécesseur qui lui a accordé par décret présidentiel la mise à la retraite anticipée le 20 septembre 2001, date à laquelle ATT était encore officier d”active. En violation, bien entendu, de la loi électorale qui imposait démission en la circonstance. Il y a rectification à faire. Alpha, on le sait, pendant dix ans, a régenté seul la vie publique nationale, au détriment des politiciens professionnels, faisant et défaisant à sa guise les équilibres de la classe politique, en suscitant çà et là des crises de tous ordres tant que celles-ci lui permettaient de tenir au respect qui il voulait, d”humilier qui il souhaitait. Et, pour cela, il a eu entre ses mains, comme des marionnettes, les grands commis de l”Administration, de la Justice et la Sécurité d”Etat. Tant vaut le maître, tant vaut l”élève.

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ATT à Arnaud  Robert: «Si je ne suis pas Président, l’armée fera  un coup dEtat»

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ATT est aujourd”hui tout-puissant, du moins en a-t-il l”air, au point de se prendre pour une sorte de demi-Dieu lâché dans l”arène. Position confortable certes, mais qui pousse à avoir une vision déformée du Mali et des Maliens.

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Drogué par le pouvoir, il n”est plus enclin  à le céder. Quitte à mettre en avant des mirages, sauf imprévu, il veut confisquer toutes les parcelles de  la manœuvre démocratique. Le pouvoir, c”est désormais un cuisseau  de veau suspendu à un crochet de boucher. Il est le seul à délivrer le précieux couteau à quiconque  veut avoir sa sauce bien assaisonnée de viande.

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Le général ATT est admirable sur un point : il n”a caché à personne sa volonté de diminuer le rôle représentatif des partis politiques à ses yeux rétrogrades dans la construction démocratique. Il a toujours clamé qu”il n”acceptera pas leur prééminence sur l”échiquier politique national, et ce n”est pas simple jeu de mots. Ce faisant, il s”en est un tenu à son credo : les partis sont des gadgets. Boubacar Condé, avec le tempérament du militant trahi, a jeté a la figure de la délégation du CE Adema en commune V : "ATT n” a pas demandé le soutien de l”Adema et nous nous somme livrés à lui pieds et poings liés. Pour quelle raison ? C”est une insulte de dire qu”il n”y a pas de présidentiable au sein du parti". On  voit bien qu”il y a chez les directions des partis politiques, une rupture progressive, non pas seulement avec les militants, ce qui serait banale, mais aussi avec la société, ce qui est plus inquiétant.

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La démocratie cesse d”être lorsque les militants et les citoyens sont autant manipulés par la classe politique et le pouvoir. Elle cesse d”être autant lorsque les acteurs politiques sont constamment menacés par la justice. Pour lever ces hypothèques, la citoyenneté exige que nous ayons dans le jeu démocratique des acteurs corrects, les meilleurs de nos cadres, les plus beaux parce que les plus consciencieux, grands parce que irréprochables, ni querelleurs, ni chagrins, ni malveillants, ni menteurs, ni voleurs. Tout cela passe par notre capacité à cerner ATT d”abord. En sommes- nous capables ? Amadou Toumani Touré est, en tout cas quant à lui, résolu sur sa ligne d”attaque.

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 A Arnaud Robert du quotidien genevois "Le Temps" , dépêché auprès de lui en fin 2001, il déclare : "Etre président,c”est stratégique : on est à la fois au début, au milieu et à la fin de toutes les décisions… et puis, si je ne suis pas président, l”armée fera un coup d”Etat". Remontez vous-même les propos de Dioncounda Traoré à cette effroyable révélation…

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ATT président aujourd”hui, ATT président demain, ATT président toujours ? Question fondamentale. Pour l”heure, le général joue sur du velours, mais pour combien de temps encore ? En faisant entrer dans son gouvernement les grosses pointures des partis politiques, si tant est qu”elles sont effectivement grosses, il semble être pour le moment un virtuel  candidat à la présidentielle,  candidat vainqueur d”avance. Les hommes et les femmes capables de s”opposer à ses visées accourent vers lui. Il les enferme, face à face, sous son chapiteau pour un cirque de mauvaise facture : ceux qui n”ont pas fait grand cas de la morale, ou qui se sont toujours ratatinés au point de perdre l”âme ; ceux qui ne sont intéressés que par les places et les honneurs. Le Mali, c”est ATT.

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Le gouvernement, abri le plus sûr  pour échapper  à la justice

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Les richesses du pays et l”aide extérieure  massive sont autant de ressources – des proies, à vrai dire- qu”il se partagera avec les charognards qui grenouillent et gravitent dans son sillage.

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Les malheureux propos de Dioncounda Traoré ne recouvrent pas d”autres sens. Pour avoir des places dans l”administration publique, pour n”être pas inquiété par la justice -à tort ou à raison-, pour échapper aux mailles de la Sécurité d”Etat capable de tous les faux et de toutes les violences contre vous, il faut être avec ATT. Pour peu que vous soyez soupçonné d”antipathie pour le bon général, ou que votre soutien tarde à se manifester en sa faveur ou que ce ne soit pas bien évident, vous êtes une victime en sursis.

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La parfaite illustration de cette violence latente a été donnée par l” affaire sinueuse qui a vu Tiébilé Dramé soumis un temps à la grogne des magistrats. La politique au Mali, c”est désormais des rentes de situation, de la classe politique, économique ou médiatique à protéger . Il n”y a plus qu” à entrer au gouvernement… et y demeurer.

rnMerci  N’Fa DIALLO

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