Mali : Cette opposition qui manquait tant à la démocratie

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mardi 2 octobre 2007.

Le président malien Amadou Toumani Touré (ATT), qui entame la dernière ligne droite de son magistère, veut aller vite et, au final, fortement marquer son passage à la tête de l’Etat. Selon toute vraisemblance, il voudrait, une fois les ambitions qu’il nourrit pour son pays réalisées, marquer les esprits.

A l’un de ses proches qu’il vient de nommer Premier ministre, il vient de confier la tâche cyclopéenne de conduire son ambitieux programme de développement économique et social pour les cinq années à venir. Cette nomination intervient, bien évidemment, dans la suite logique de la démission du gouvernement sortant, dirigé par Ousmane Issoufi Maïga.

De même, et comme on pouvait s’y attendre, cette recomposition du paysage politique intervient quelque temps après la large victoire de la mouvance présidentielle aux dernières législatives de juillet dernier. ATT a-t-il fait un choix qui répondrait aux nombreuses attentes et exigences du moment, de la population, en confiant cette lourde responsabilité à Modibo Sidibé ? En tout cas, on dit du nouveau chef du gouvernement qu’il possède bien des atouts. Non seulement l’ancien secrétaire général de la Présidence aurait une excellente connaissance des grands dossiers nationaux, mais aussi il aurait pris une part active dans l’élaboration du projet de développement économique et social du président ATT.

A côté de ces atouts, l’homme est, dit-on, réputé discret, discipliné, gros travailleur, et ne serait pas marqué politiquement. Quoi qu’on puisse trouver à redire sur le nouveau Premier ministre, ce renouvellement de l’équipe gouvernementale est un signe de vivacité dans la vie des institutions républicaines de ce pays. Avec ce réaménagement au niveau de l’exécutif, on est au moins certain que les institutions ne vivent pas selon un ordre figé. En apportant de temps en temps une dynamique nouvelle à l’action gouvernementale, on gagne certainement en termes d’éclosion d’idées, toute chose de nature à booster le développement.

A côté de la nomination d’un nouveau Premier ministre, l’actualité politique au Mali a été marquée par un événement si rare qu’il devrait figurer dans les annales de l’institution parlementaire malienne. Il s’agit de la création d’un groupe parlementaire d’opposition regroupant le Parti de la renaissance nationale (Parena) et celui de la Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), qui réunissent neuf députés. De mémoire de député, jamais cela n’avait été constaté au sein de l’Assemblée nationale, du moins, sous le régime du président ATT. Il faut à présent espérer que ce regroupement de partis au sein de l’Assemblée contribue à marquer davantage la fin du consensus politique, ce système de gouvernement destiné à associer toute la classe politique, qui avait cours depuis la première législature sous le régime d’ATT, et qui constitue une sérieuse menace pour la démocratie.

Au demeurant, le consensus a montré ses limites. Les désaccords n’ont pas tardé à se manifester quand il s’est agi d’aller unis aux accords d’Alger qui devaient trouver une issue au problème touareg. Mieux, ce consensus politique a volé en éclats à l’approche des élections. Si donc un vent de changement souffle sur le Parlement malien, qui pourrait favoriser, là aussi, une nouvelle dynamique, cela ne peut être que d’un bon apport pour le processus démocratique en cours au Mali. Car, après tout, que vaut, en réalité, une démocratie sans opposition ? Que vaut-elle face à une opposition qui n’existe que de nom, incapable de marquer véritablement sa présence et de se démarquer du pouvoir en place ?

Comment s’étonner alors du mauvais score enregistré par l’opposition malienne lors des précédents scrutins ? A trop vouloir pactiser avec le pouvoir, on finit par le payer cash. Face à son mauvais score, on peut espérer que l’opposition malienne, dans son ensemble, a tiré la leçon. On peut croire que ce score lui a permis de mesurer combien elle avait intérêt à s’affirmer véritablement, à s’afficher comme une réelle force de proposition, à clarifier son jeu, bref, à entrer véritablement dans son rôle de contre-pouvoir, plutôt qu’à se comporter en appendice du pouvoir malien.

En tout cas, la nouvelle coalition de partis à l’Assemblée nationale malienne a affiché ses ambitions : elle veut s’engager résolument dans l’opposition. Sera-t-elle intraitable jusqu’au bout ?

Toujours est-il qu’au Mali comme partout ailleurs, il est reconnu que l’existence de partis d’opposition ou d’architectures institutionnelles, aussi remarquables soient-elles, ne suffit pas pour octroyer un label de démocrate à un pays. Encore faut-il que l’opposition ait suffisamment de chances face au pouvoir, pour jouer son rôle et assurer une certaine beauté au jeu démocratique ! C’est aussi grâce à cela qu’elle parviendra à se montrer forte et plus crédible. Toutes ces conditions sont-elles, à ce jour, réunies pour faire du Mali, jadis cité en exemple, un pays où la démocratie se porte bien ?

Si tel n’est pas le cas, ATT devrait en faire un véritable souci, lui qui, dans un passé récent, avait offert au reste du monde, le triste spectacle d’un Etat en pleine régression démocratique, à travers la condamnation de journalistes maliens.

Le Pays (burkina Faso)

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