Les ombres de la démocratie malienne

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Souvent cité comme exemple de démocratie en Afrique, le Mali est le théâtre d’intimidations à l’encontre des journalistes. Les médias de services publics sont sous la coupe du gouvernement.

Soumaila T Diarra, Bamako, Tribune des droits humains – Devant la Bourse du travail, un kiosque à journaux, appuyé contre le tronc d’un arbre, attire retraités, travailleurs compressés et autres syndicalistes. Tous s’agglutinent autour d’une vingtaine de journaux, dévorant du regard leurs unes. « C’est très bien qu’il y ait tant de journaux, car ils jouent un rôle de contre-pouvoir », commente Souleymane Diakité, un retraité.

Ces genres d’attroupements devant les kiosques à journaux sont fréquents dans les rues de Bamako. Pourtant, ces nombreux titres qui séduisent les curieux ne sont pas toujours libres de s’exprimer. « Plusieurs exemples récents d’atteintes à la liberté d’expression se sont produits au Mali.

Quand la rébellion touarègue battait son plein, le 7 avril 2008, un journaliste de France 24 et son confrère du quotidien français Libération ont été emmenés manu militari de Gao (ville du nord du Mali, à 1200 km de la capitale) à Bamako. A la même époque, une équipe de la télévision qatarie al-Jazira a été retenue par la police au Nord du pays », rappelle Boukary Daou, rédacteur en chef du journal Le Républicain, un quotidien basé à Bamako.

Le directeur de publication de ce journal, Birama Fall, n’est pas prêt d’oublier sa propre expérience :« Moi, j’ai été emprisonné pour avoir soutenu un journaliste accusé d’offense au chef de l’Etat. Mon confrère avait été arrêté parce qu’il a écrit un article sur un devoir de dissertation dont le thème était la maîtresse d’un président imaginaire de la République. Dans la même affaire, 4 autres journalistes et l’enseignant qui a donné le sujet de dissertation à ses élèves ont été arrêtés ».

Lorsqu’il s’agit des journalistes locaux, les atteintes à la liberté d’expression passent par l’intimidation. « J’ai été victime de menaces de mort en 2008, après avoir écrit un article sur le scandale financier d’un projet de développement de l’aviculture. C’était comme un cheveu dans la soupe, puisque le gouvernement proposait le financement de la seconde phase du même projet aux bailleurs de fonds. Le ou les auteurs de la menace m’ont clairement ordonné d’abandonner l’enquête pour avoir la vie sauve », rapporte Gnimadi Destin, journaliste béninois travaillant au Mali.

Tout comme la presse écrite, les radios aussi se sont multipliées au Mali après 1991, date de la chute du régime du général Moussa Traoré et de l’ouverture du pays à la démocratie. Il y a ainsi près de 300 radios à travers le pays, autant de voix qui gênent parfois les gouvernants.

« Dans la zone rizicole de l’Office du Niger (une entreprise parapublique malienne qui gère l’un des plus étendus et des plus anciens périmètres irrigués de l’Afrique de l’Ouest. ) la terre est un enjeu de luttes entre les autorités locales et les paysans. Les radios du réseau Kayera( bonheur, dans la langue Bambara) affiliées au parti d’opposition SADI ( Solidarité africaine pour le développement et l’intégration) ont plusieurs fois été suspendues par des administrateurs », témoigne Aboubacar Kanouté, un reporter de la radio Kayera de Bamako.

Mais c’est sur les médias d’Etat que le gouvernement impose surtout la loi du silence et bannit la critique du gouvernement. Une situation qui a fait sortir l’opposition de ses gonds. « Le pouvoir a fait de l’ORTM( l’Office de radio télévision du Mali) sa caisse de résonance. Nous savons qu’il n’y a plus de débat à cause des pressions que le pouvoir exerce sur les responsables des médias d’Etat. Cela doit changer si nous voulons que notre démocratie avance », dénonce Adama Coulibaly, militant du parti d’opposition RPM (Rassemblement pour le Mali).

Source: humanrights-geneva.info – 22 décembre 08

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