Plus de quinze ans après l’avènement de la démocratie malienne, il est tout à fait normal, voire souhaitable d’en dresser le bilan partiel. C’est à cet exercice que s’attèle ci-dessous Soya Djigué, un jeune économiste malien installé à Washington DC.
Nombreux sont ceux de nos compatriotes qui croyaient profondément qu’avec la démocratie tous les problèmes sociaux, économiques feraient partie de notre passé. La dure réalité est que plus de 15 ans après, les attentes restent des attentes. Plus que la démocratie, c’est le changement profond des comportements des uns et des autres qui pourrait nous faire sortir de l’ornière de la pauvreté et de la privation. L’histoire en est témoin.
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Le cas allemand
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Après la victoire des alliés et la défaite des nazis, toute l’Allemagne était en flamme. Les observateurs étaient unanimes sur le futur de l’Allemagne : un pays divisé qui ne sera plus jamais encore une super puissance économique et militaire et qui servira de leçons à tous les pays voulant prendre les voies non occidentales. Cette prédiction du futur de l’Allemagne doit servir de leçons à tous. Aujourd’hui, l’Allemagne est la première puissance économique de l’Europe. Comment comprendre cette avancée notable ? La démocratie ? Non. Le comportement ? Probablement.
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Plus que tout, les valeurs morales positives qui affectent le comportement des uns et des autres sont le facteur le plus important du développement. Après toutes les analyses, les bureaucrates allemands sont les plus efficaces. Ils sont apolitiques et accomplissent leurs missions avec la plus grande dévotion. Les procédures sont suivies et il n’y a pas de va-et-vient inutiles dans l’administration. La loi est appliquée à la lettre. Malgré ses problèmes comme le chômage, aujourd’hui quand l’Allemagne tousse c’est toute l’Europe qui est grippée.
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Singapore
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En 1960, ce petit pays avait le même PIB que nombre de pays africains. Aujourd’hui, ce pays asiatique a plus de pouvoir économique que toute l’Afrique entière. Comment a-t-il fait ? Un Premier ministre pas comme les autres. Quand Lee Kuan Yew a pris les rênes du pouvoir, il avait à peine 30 ans et très peu d’expérience. Juste quelques années après, la Malaisie a décidé de refouler Singapore de la Fédération et tout le monde croyait que c’était le début de sa fin. Aujourd’hui, le pays est envié des autres, même si pour sa part il n’a pas choisi de suivre la démocratie telle qu’on la pratique chez nous.
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Les principes qui ont guidé Singapore depuis l’indépendance sont : la transparence, la modestie, la passion du service public et l’intégrité. Et c’est le leadership qui montrait la voie. Combien de ministres corrompus ont-ils préféré perdre leur vie que de faire face à la justice ? A Singapore, ils sont plus de deux. Combien de simples agents de la sécurité ont dit non à des millions de dollars et l’ont rapporté aux autorités compétentes ? Ils sont plus de dix. Des exemples de ce genre à Singapore ne sont ni isolés ni inaccessibles. Visitez le site du gouvernement singapourien (http://www.gov.sg/) et toutes ses informations sont accessibles à tous, Singapouriens ou Maliens.
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Le Japon
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De nombreux analystes pensent que ce sont les USA qui ont fait du Japon la 2e puissance économique. Rien ne peut être plus loin de la vérité. Au lendemain de la défaite nipponne après les bombardements nucléaires, tous pensaient que le pays serait à genoux durant des centaines d’années. En l’espace de quelques années, le pays s’est redressé et son niveau intellectuel n’a pas d’égal dans le monde. Comment ont-ils fait ? Ce sont les mêmes principes qui ont guidé le Japon depuis des centaines d’années : la persévérance, l’honneur, le bon travail, l’honnêteté et le respect de l’autre. Faut-il rappeler ici que le Japon, avant la 2e Guerre mondiale, a occupé la Chine et d’autres pays asiatiques ?
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L’Inde et le Pakistan
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Tout débat sur la démocratie comme outil de notre développement est un faux débat. L’Inde, l’une des plus grandes démocraties au monde, depuis son indépendance n’a connu que la pratique démocratique. Comparez cet exemple au Pakistan, qui est présentement gouverné par un dictateur. Et pourtant, les 2 pays enregistrent, en moyenne, 6 % de croissance économique depuis leurs indépendances. Si la démocratie est la force qui permit à l’Inde d’atteindre un taux de croissance annuel supérieur à 6 % depuis des années, alors quel est le facteur qui permit au Pakistan d’atteindre le même taux sous un régime non démocratique ? Cuba, un pays à revenu moyen et non démocratique, a un taux de mortalité infantile moins élevé que celui des USA, le pays le plus riche du monde et la plus vieille démocratie du monde ? Quelle en est la raison ?
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Les problèmes de notre démocratie
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La démocratie peut être un outil indispensable à notre développement. Partout dans le monde, les humains préfèrent la souveraineté citoyenne à la répression dictatoriale. Mais comme toute bonne chose, la démocratie peut être aussi une entrave à notre progrès social. Une démocratie qui résulte de l’immobilité gouvernementale, rétribution des alliés, partage du gâteau de la croissance avant la croissance elle-même, alors le futur de cette démocratie a plus de répercussions que la dictature. En un mot : la démocratie ne peut nous profiter que quand elle est la responsabilité de chacun, intégrité sans faille, tolérance et respect des différences. Toute autre chose est vouée à l’échec. Quelles sont les faiblesses de notre démocratie ?
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– Les partis politiques qui surgissent et se retournent pour supporter le président au pouvoir avec l’espoir de se retrouver avec des ministres issus de leurs rangs. Sinon comment expliquer que le ministère de l’Economie et des Finances soit à part, celui des Petites et moyennes entreprises à part et celui de l’Industrie et du Commerce à part également ? Environ 30 ministères pour quoi faire ? Cela n’est pas nécessaire et va à l’encontre du souci du gouvernement d’améliorer les conditions de vie des Maliens.
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– Un an avant les élections, on a constaté une paralysie totale du pays qui ne vit plus que pour les futurs scrutins. Un pays comme le nôtre ne peut pas s’offrir ce luxe. Les attentes sont grandes et nous estimons que beaucoup peut et doit se faire en un an.
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– Une politique monétisée. Les voix ne sont pas conquises par le contenu de l’agenda politique mais plutôt par le contenu du portefeuille du politique. Sachant que la plupart des contributeurs au contenu de ce portefeuille s’attendent à un retour sur investissement, on se retrouve, pour la plupart, avec un gouvernement d’élite, par l’élite et pour l’élite. De facto, la majorité des Maliens, qui ne peuvent financièrement contribuer aux politiques, sont exclus de l’action gouvernementale. Pour cause, quel politicien malien a jusqu’alors concrétisé son souhait d’intégrer les enfants talibés (garibous) dans le système éducatif ?
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– Quel héritage ce fonctionnement de la politique à la malienne laisse-t-il aux générations futures ? Le changement dans la continuité.
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Aujourd’hui, les élections sont dans tous les esprits. Les prétendants et leurs alliés négocient déjà la composition du gouvernement post-électoral. Peu d’entre eux parlent des principes et des idées qui seront leurs guides. En ce qui nous concerne, Maliens moyens, nous devrons être plus intéressés par les idées des prétendants au fauteuil présidentiel. Autrement dit : ce ne sont pas les hommes qui manquent au Mali. Mais les bonnes idées se font rares. Politiciens : A vous de jouer !
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Vive la démocratie, mais non à la dérive démocratique.
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Soya Djigué (économiste aux Etats-Unis)
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