Le long de notre processus démocratique, la clandestinité est une pratique connue, tout comme le manifeste, à la différence que les initiateurs et signataires du manifeste, malgré tout ce qu’on leur reproche, agissent à visage découvert. Ainsi, on peut dire que ce sont deux grandes tendances dans notre processus démocratique aujourd’hui. Mais s’agit-il de faits nouveaux dans le processus démocratique malien? Loin s’en faut, car la clandestinité, au regard des déclarations de nombreux acteurs politiques, parties prenantes au mouvement démocratique, a été pour beaucoup dans l’avènement de la démocratie au Mali.
DU DEJA VU
La pratique de la clandestinité n’est pas l’apanage d’un pays. D’ailleurs, sous d’autres cieux, c’est effectivement à la faveur de la clandestinité que les mouvements populaires ont eu du succès, surtout que cette attitude fait partie des tactiques des révolutionnaires meneurs de jeu. Ceux-ci ne luttaient pas à visage découvert, afin d’éviter que le mouvement soit amputé de sa tête. Mais, c’était une autre époque avec ses réalités. Aussi, les actes qu’on posait à ce moment s’inscrivait en droite ligne de la violation des lois en vigueur.
Dans le cas du Mali, la clandestinité était encore acceptable et compréhensible à la veille de la révolution de janvier à mars 1991. En ce moment, tous s’accordaient à dire que le régime de Moussa Traoré était dictatorial ou en tout cas répressif. Pour ainsi dire, on pouvait avoir de bonnes raisons de lutter dans la clandestinité.
NOUS AVONS AUSSI EU NOS CLANDESTINS
C’est d’ailleurs après les événements de mars 1991 que l’opinion publique nationale a été édifiée que nous avons aussi eu nos clandestins qui, auront travaillé à l’ombre pendant cinq ans, dix ans ou plus pour que le changement de régime intervienne dans l’intérêt de tout le peuple. Dans ce sens effectivement, certains ont été persécutés pour leurs idées; d’autres ont été privés de leur liberté d’aller et de venir, puisque incarcérés. Ces clandestins ont du mérite, car ils auront mouillé le maillot pour libérer le peuple de situations devenues insupportables.
Si tout le monde ne les connaît pas, nombreux sont leurs compagnons qui les apprécient à leur juste valeur, et partant, les pouvoirs successifs, généralement les récompensent pour les actes qu’ils ont posés et dont l’apport a été déterminant pour l’aboutissement du processus démocratique. C’est à ce titre que certains acteurs politiques, sans avoir des résultats probants aux différentes élections participent à l’action gouvernementale.
MAMADOU LAMINE TRAORE ET AUTRES
Le cas du Professeur Mamadou Lamine Traoré , président du MIRIA en est une illustration éloquente. Il a été ministre de l’Administration Territoriale pendant la période de la transition démocratique. Mais, plus tard, avec le pouvoir ATT, après les élections générales de 2002, il a eu l’honneur d’être ministre de l’Education nationale. Même si jusqu’ici des problèmes demeurent dans les espaces scolaire et universitaire, force est de constater qu’il fait, au fur et à mesure, des efforts remarquables pour que l’école malienne puisse sortir de l’ornière. Cela est à son actif et dénote, sans ambiguïté, de la clairvoyance de celui qui a porté son choix sur lui, en l’occurrence le Président de la République.
Le Professeur avait pourtant plusieurs compagnons dans cette noble lutte pour la délivrance du peuple malien de la précarité, des abus divers, voire de l’obscurantisme. Chacun ayant son destin, poursuit son chemin. On ne saurait dire que les autres ont démérité, puisqu’ils ont également, à des moments différents; occupé de hautes fonctions de l’Etat. Il ne semble pas nécessaire de s’engouffrer dans une énumération qui ne serait pas exhaustive et qui pourrait même léser certains en cas d’omission. Mais, d’ores et déjà, ce que l’on peut dire, c’est qu’ils sont nombreux à avoir été inquiétés par le pouvoir d’alors.
DES CLANDESTINS AUJOURD’HUI, POUR QUOI FAIRE?
Il ne serait pas exagéré de dire que ceux qui agissent aujourd’hui dans la clandestinité sont dépassés par les événements. En voulant aller de l’avant, les actes qu’ils posent, voire leur attitude même, leur permettent difficilement d’avancer dans le cadre de la réalisation de leur projet, de l’atteinte de leur objectif. Il faudra qu’ils se convainquent que nous ne sommes plus à l’heure de la clandestinité. En se basant à l’étranger pour rédiger des pamphlets, dans le but de déstabiliser le pouvoir, on peut affirmer sans se tromper que les auteurs d’une telle oeuvre, infailliblement rateront le coche.
S’ils avaient au moins eu le courage de leurs idées, ils feraient oeuvre utile, en sortant de la clandestinité afin que l’opinion publique sache exactement qui ils sont et ce qu’ils veulent. Par la même occasion, on aurait su de quel bois ils se chauffent, s’ils sont eux mêmes au-déçu de toute critique, de tout reproche, tant du point de vue de la probité morale, s’ils n’ont aucun lien avec la gestion antérieure des affaires publiques.
En attendant, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’ils sont apparemment opposés à ceux qui sont à l’intérieur du pays et qui ont lancé ou signé ce qu’ils ont appelé le manifeste pour la Démocratie de l’ADJ. Dans tous les cas ce n’est pas le premier manifeste au Mali lancé.
DEUX STRATEGIES POUR UNE MEME CAUSE?
A moins que nous ayions la preuve que ceux qui ont été à l’origine du manifeste ont deux stratégies: l’une consistant à faire des déclarations critiques à l’endroit du pouvoir, de sa gestion, voire même de notre processus démocratique étant à l’intérieur du pays; et l’autre, à travailler dans l’ombre, en rédigeant et diffusant clandestinement ce que l’on pourrait appeler des pamphlets aux fins de tenter de déstabiliser le pouvoir en place. Au stade actuel, nul ne peut jurer qu’il existe une telle action synchronisée de la part des mêmes personnes.
En tout cas, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’y a que la démarche et la stratégie qui font la différence. Çà c’est dans la forme, mais dans le fond, il semble, au regard du contenu des discours des deux entités, qu’ils visent pratiquement les mêmes objectifs. Cela veut-il dire que même s’ils n’ont pas déjà pris des contacts, ils ne tarderaient pas à le faire afin de tenter de faire aboutir leur ambition commune, celle de se battre pour réaliser l’alternance politique en 2007? Il semble trop tôt pour faire une telle déduction, cependant, il y a, dans tous les cas, un impératif de temps.
En effet, à bien analyser la situation politique actuelle et les différents agissements en cours, on sait bien que tous les agitateurs convergent vers les mêmes objectifs. Et ce ne va pas être de la tarte pour eux.
Moussa SOW“