Daniel Amagouin Tessougué : « En ce 20ème anniversaire du 26 mars: Le pays va très mal »

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« Il y a vingt ans, les maliens ont cru qu’un jour nouveau allait enfin éclairer la sombre désespérance de ces nuits de dictature et de renversement des valeurs.

La liberté chèrement acquise, est devenue libertinage, désordre, laisser-aller, tout est permis, tout est autorisé, pourvu que l’on soit du bon côté.

La santé, est devenue une denrée si rare, que pour se l’offrir, ne serait-ce que pour un mal de dent, il faut rejoindre la Tunisie, le Maroc, la France et les Etats unis. Le pauvre citoyen, peut se contenter de générique ou aller au cimetière, tant pis. Et lorsqu’on construit un hôpital ou qu’on le réhabilite, c’est une offrande du bon Dieu au pauvre peuple du mali.

Les décideurs politiques renoncent du jour au jour à sauver durablement l’école malienne. Leur rhétorique fétiche c’est non pas sauver l’école malienne ; mais sauver l’année scolaire. Celle-ci s’est transformée en temple de l’ignorance. Pourquoi d’ailleurs aller à l’école, car on peut réussir dans la vie sans y aller. Et puis, quels cobayes que ces enfants, entassés tels des sardines, instruits par des enseignants au rabais pour faire monter à la vitesse v le taux de scolarisation.
La justice, on peut le dire a été enterrée, et cela par le système actuel. Désormais, comme épitaphe sur le fronton des palais de justice, ces mots « il fut un temps, ici on rendait la justice. Depuis, la raison du plus fort, que dis-je, du plus riche est la meilleure. » au Mali, la Fontaine avait raison :

«Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »

L’administration centrale est devenue une sombre officine où l’affairisme triomphe au détriment de l’intérêt général. Quant à la diplomatie malienne elle est devenue un serpent sans tête, le pays étant incapable d’exprimer une position. Lorsque Kouchner s’introduit dans le palais comme en terrain conquis, Sarkozy se comportant en maître de la République, assurément le Président Modibo Kéita, se retourne dans sa tombe.

Les fleuves sont secs. Le poisson a fuit. La faune et la flore en grève, et c’est du coup l’environnement qui prend le coup, sans qu’aucune politique réaliste ne soit mise en place.
Vingt ans après, rien ne va.

Le chômage est à son paroxysme, la jeunesse désabusée n’a d’autres alternatives que de fuir. Si à l’île de Gorée les noirs en partant pleuraient toutes leurs larmes, du fait du déracinement, aujourd’hui, c’est faute de ne pouvoir fuir leur patrie qui fait pleurer les jeunes. Or, nous disons « l’exil vous dépouille de votre dignité ».

Vingt ans après, les mêmes maux perdurent : gabegie, népotisme, corruption avec en prime cette fois, l’impunité.

Vingt ans après, l’alternative est entre ou voler ou être voleur ! Quel pays ?

En effet, le Mali de 2011, c’est la corruption généralisée. Tel un cancer, elle a métastasée et l’impunité aidant, ce n’est plus un cas de délinquance, car il ne faut humilier personne, il faut leur laisser le temps de payer les biens publics indument soustrait.
C’est pourquoi, l’OED dénonce toute velléités d’accorder l’immunité ou l’amnistie à tout agent public, devant rendre compte de sa gestion devant le Peuple Souverain. Cette obligation là, est aussi une forte exigence démocratique.
L’insécurité est devenue le lot du pays. Pourquoi pas, quand des déserteurs sont réhabilités, quand des preneurs d’otages sont promus. Les petits malfrats voient l’exemple d’en haut, car « la pintade regarde celle qui la précède. »
Rien ne marche. Les vrais opérateurs économiques sont à genou, quand les prête-noms prospèrent. Dans un pays classé parmi les plus pauvres du monde, expliquez-nous comment se fait-il que des bâtiments poussent tels des champignons. Des fortunes inimaginables tombent du ciel. Bien sûr, les maliens ont oublié que la caverne d’Ali Baba se trouvent sur notre sol. A vrai dire, le blanchiment d’argent reste l’activité majeure d’une certaine catégorie de maliens, ayant en sa possession l’appareil d’Etat.

Dans la société Inca, un de leurs Rois, Viracocha disait : « les mauvais fonctionnaires, sont beaucoup plus punissables que les voleurs. » chez nous, ils reçoivent des décorations et des maroquins.

Les paysans sont spoliés de leurs terres au profit de multinationales. La nouvelle forme de colonisation est en place, avec la complicité de responsables sans foi et sans loi.
Le pays va mal. Très mal se porte le Mali.
Dans cette misère crasse, on a osé célébrer les cinquante années des indépendances avec fastes.
Des centaines de médailles distribuées. Des galons et des étoiles distribués comme du petit pain. Des personnes spoliées de leurs terres redistribuées à des amis et de personnes du sérail.
L’injustice du pouvoir n’a d’égal que la façon dont sur un plateau d’argent il a été donné. Et là, il faut avoir le courage de fustiger la lâcheté des partis politiques, humiliés et déconsidérés, qui n’ont jamais voulu assumer leur rôle historique. En démissionnant, ils ont trahi le peuple.

Au juste, disons-nous cette vérité, entre camarades, cette vérité qui est une obligation révolutionnaire. Tout cela est arrivé, parce que les politiques sont sans conviction. Chacun veut une place et se taire. Fatalement, la collusion entre un monde politique sans idéal et un monde économique au dessein inavoué, donne naissance à ce que nous voyons, une monstrueuse désillusion pour tous.

N’est-ce pas Ahrens Heinrich qui écrivait dans son cours de droit naturel au 19ème siècle ces mots :

« L’ordre politique, en se détachant de plus en plus des principes de l’ordre moral, favorise tous les instincts égoïstes, et amène la dissolution de la société. »
Il est temps de se ressaisir.
C’est ce constat qui a conduit a la création de l’Observatoire de l’Etat de Droit, pour dire, malienne et malien, réveillez-vous si vous dormez.

Levez-vous si vous êtes assis.
Nous vous disons, « ni an gnan da, an sara. »

Comme l’écrivait Lamartine, nous pouvons aussi déclamer ces vers :

Honte à qui peut chanter pendant que Rome brûle,/S’il n’a l’âme et la lyre et les yeux de Néron,/Pendant que l’incendie en fleuve ardent circule/Des temples aux palais, du Cirque au Panthéon !/Honte à qui peut chanter pendant que chaque femme/Sur le front de ses fils voit la mort ondoyer,/ Que chaque citoyen regarde si la flamme/Dévore déjà son foyer !
Honte à qui peut chanter pendant que les sicaires/En secouant leur torche aiguisent leurs poignards./Jettent les dieux proscrits aux rires populaires,/Ou traînent aux égouts les bustes de César !/C’est l’heure de combattre avec l’arme qui reste ;/C’est l’heure de monter au rostre ensanglanté,/Et de défendre au moins de la voix et du geste/Rome, les dieux, la liberté !
Notre Rome à nous, c’est le Mali. Alors n’insultons plus nos martyrs qui d’un sommeil éternel dorment. Souvenons-nous de leurs sacrifices et combattons justement le combat de la démocratie vraie et de l’Etat de droit, pour que le Mali occupe sérieusement sa place au soleil. »
P/ le Comité Exécutif de l’OED
Le Président
Daniel Amagoin Tessougué

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