Voici comment et pourquoi un seul homme a bloqué les débats au Mali.
Après les évènements de mars 1991 qui ont conduit à l’élargissement des débats démocratiques, d’une part entre les citoyens et de l’autre les aspirants au poste de président, les Maliens avaient eu l’espoir de renforcer leur arbre séculaire. En cette année 2007, ne doit-on pas analyser autrement cette déclaration choquante et inspirante, au début des années 1990, de l’actuel président sortant de la France, Jacques Chirac, en ces termes : « L’Afrique n’est pas mûre pour la démocratie » ?
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Dans le souci d’aider à réanimer des débats contradictoires au niveau des présidentiables, nous avons tenté de rencontrer les 8 candidats en lice pour les scrutins du 29 avril prochain. En mi-mars, nous avons commencé logiquement par ceux qui avaient déclaré solennellement leurs candidatures. Avant la fin mars, nous avons été reçus respectivement et respectueusement par les candidats suivants :
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Ibrahim Boubacar Kéita, IBK du RPM nous a confié chez lui à Sébénikoro : « … Dans mon discours d’investiture du 18 décembre 2006, j’ai demandé l’organisation et la diffusion des débats à la télévision et la radio nationales. Nous n’avons pas été entendus… Tous nos efforts dans ce sens ont été, pour le moment, vains… »
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Tiébilé Dramé du Parena, après nous avoir présenté aux membres de sa cellule de communication au siège de son parti a précisé : « … Je suis fin prêt pour les débats. C’est un moyen de renforcer notre démocratie ».
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Soumeylou Boubèye Maïga de Convergence-2007, à son domicile au centre-ville de Bamako, nous a souligné : « … Oui, je suis disponible pour les débats. Ce serait une bonne occasion de prouver davantage au peuple la force du changement que nous incarnons… »
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Au cours de ce mois d’avril, trois autres prétendants au fauteuil présidentiel nous ont cordialement affirmé lors de nos échanges sur le même thème :
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Mamadou Blaise Sangaré de la CDS a argumenté : « … Le fondement de la démocratie est le droit des citoyens et citoyennes au libre choix. Dans ce cas, il faudrait donner à ces citoyens des éclaircissements leur permettant de bien choisir. Je crois que les débats contradictoires sont nécessaires entre les candidats… »
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Madiassa Maguiraga du PPP, nous confirme : « … Je veux ce genre de débats entre candidats. Il nous permet de nous faire mieux comprendre par ceux et celles qui doivent nous élire ».
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Oumar Mariko du parti Sadi, de façon catégorique, nous dit : « … Nous avons demandé la tenue de ces débats, seul ATT a refusé. Mon conseiller en communication peut en témoigner, dit-il en donnant la parole à celui-ci du nom de Nouhoum Kéita. Ce conseiller a explicité : « … Au niveau du CNEAME (Comité national de l’égal accès aux médias d’Etat) les représentants d’ATT ont refusé de discuter des modalités des débats contradictoires. Ce CNEAME ne se trouve pas habilité à demander l’organisation des débats dès qu’un seul candidat refuse d’y participer. Nous n’avons pas pu les convaincre de les organiser entre les 7 autres candidats qui sont intéressés… »
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Jusqu’au moment où nous rédigeons cet article nous n’avons pu recueillir les avis des candidats Mme Sidibé Aminata Diallo et Amadou Toumani Touré, ATT malgré nos efforts déployés depuis le début de ce mois. Nous avons alors notifié ces dernières tentatives :
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Mme Sidibé Aminata Diallo,
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Son téléphone cellulaire nous annonçait encore le jeudi 19 avril à 19 h 35 son message d’indisponibilité par sa propre voix suivi de celui du système : « Désolé, il n’y a plus de place pour enregistrer des messages ».
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Le vendredi 20 à 15 h 20, nous l’avons appelé, elle décrocha le téléphone sans nous parler. Nous l’avons entendu pendant près de 2 minutes en conversation avec une autre femme. Nous avons raccroché et réessayé, c’est le répondeur du système « Désolé… » qui a retenti.
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Les 23 et 25 courant d’abord à 14 h 30 puis à 10 h 12 c’est le même message « Désolé… » du système que nous avons encore entendu.
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Amadou Toumani Touré ATT
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Après avoir laissé des messages aux employés du secrétariat général et au cabinet de la présidence sans recevoir aucun retour d’appel nous avons obtenu auprès d’une presse privée le numéro de cellulaire de son conseiller en communication, Seydou Cissouma. A celui-ci, nous avons laissé le jeudi 19 avril entre 19 h 16 et 19 h 30 deux messages 1 vocal et 1 autre par SMS dont le contenu est « Bonsoir M. Cissouma mon nom est… Je souhaite rencontrer votre candidat ATT dans le cadre de l’élection présidentielle. Je suis venu du Canada pour la circonstance. Merci ».
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N’ayant reçu aucune réponse, nous avons rappelé le vendredi 20 au cabinet de la présidence à 15 h 28. Une Mme Yalcoué répond. Elle nous dit que la secrétaire responsable, nommée Mme Tandina, qui est en pause nous contactera dans une heure. Mais, 7 minutes plus tard, c’est un monsieur qui nous appelle et demande de rester à l’écoute pour un autre. Celui-ci du nom de Ousmane Sagara nous précise qu’il est un planton et que nous serons rappelés par Mme Tandina.
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Cette dernière n’ayant toujours pas retourné notre appel, nous avons une fois de plus tenté de joindre Cissouma dont le répondeur ne pouvait prendre de messages.
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Au cours de notre enquête sur les raisons de ce refus de communiquer avec nous, j’ai personnellement rencontré une personne (dignitaire) très proche de la présidence de la République. Après avoir obtenu mon engagement très ferme de ne ni écrire ni dire son nom dans aucune circonstance, cette personne me révéla le contenu de la toute dernière réunion tenue par le bureau de campagne du président ATT avant l’annonce officielle de sa candidature. Au chapitre de la question des débats contradictoires de la dite réunion, il m’a informé : « … Ce président d’un des partis politiques respectables (j’ai choisi de taire son nom) membre de l’ADP, est venu, près de 15 minutes après l’ouverture de la réunion à laquelle assistait ATT lui-même. Il affirme avoir des renseignements pertinents sur les trois principaux gueulards, Tiébilé, Soumeylou, et Mamadou Blaise susceptibles de noyer ATT dans d’éventuels débats médiatisés. Puis, il suggère au général président de mentionner, dans son discours d’annonce de candidature, sa disponibilité de débattre avec n’importe quel candidat.
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Sans demander à voir les dites preuves ni à avoir les avis des autres participants, ATT a tranché : « Je ne gagne rien, le Mali ne gagne rien dans des débats avec ces assoiffés de pouvoir. Par leurs bouches, ils vont banaliser devant le peuple mes grandes réalisations. Non, non, je ne ferai pas de débats avec eux. Parlons d’autres choses ! »
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Dans cette révélation, j’ai compris le refus inavoué du camp présidentiel de nous parler. Ainsi, je trouve considérables les rumeurs selon lesquelles c’est encore lui ATT qui a empêché les débats lors de l’élection présidentielle de 2002. En cette année 2007, dans de telles conditions, les Maliennes et Maliens souhaitant une démocratie transparente doivent prendre leur mal en patience. C’est ainsi qu’un seul homme a bâillonné ses adversaires et privé les citoyens de leur droit à la lumière sur le projet de société de celui et celle qu’ils doivent choisir pour cinq ans. L’une des promesses faites par ATT en 2002 était de renforcer la démocratie. Est-il parvenu ? C’est normal, il faut le dire.
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Je crois avoir satisfait ma promesse faite, dans mon dernier article, de vous révéler avant la fin de la période de campagne le ou les candidats qui veulent empêcher l’éclosion de la transparence… N’ai-je pas accompli ma mission si risquée soit-elle ?
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En terminant j’attire votre attention sur ses deux articles extraits de la Charte de Kouroukan Fouga mise en vigueur en 1236 qui doit demeurer en valeur dans nos sociétés modernes :
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« Article 19 : Tout homme a deux beaux-parents : Les parents de la fille que l’on n’a pas eue et la parole qu’on a prononcée sans contrainte aucune. On leur doit respect et considération.
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Article 25 : Le chargé de mission ne risque rien au Mandé ».
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Lacine Diawara
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(animateur de radio et écrivain à Montréal, en mission à Bamako)
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