Bientôt un mois que le Premier ministre, Boubou Cissé, reconduit à son poste par le Président Ibrahim Boubacar Keita, n’a pas formé son gouvernement. Le pays reste donc sans exécutif. Quasiment cinq mois que les deux premiers cas positifs de Covid-19 ont été enregistrés officiellement au Mali. Presque cinq mois que l’honorable Soumaïla Cissé a été enlevé, sans revendication officielle à ce jour.
Le Mali affronte désormais une crise politique sans précèdent, bien qu’on aurait pu penser que le fond avait déjà été touché. Certes, il y a eu novembre 1968 avec le putsch militaire contre Modibo Keita mettant fin au projet socialiste de la 1ere République. Certes, il y a eu mars 91 mettant fin au pouvoir de Moussa Traoré, suite aux manifestations populaires. Certes, il y a eu la mutinerie de mars 2012 renversant le régime d’Amadou Toumani Touré. Mais tout cela pèse bien peu à côté d’un fait menaçant qui n’est pas l’écroulement du système politique, tant galvaudé, mais plutôt son abandon par les hommes politiques.
Certes, le Mali conserve le projet d’être une démocratie. Mais à la faveur du problème de compétitivité économique, du manque d’inventivité dans la gouvernance, du problème de création d’emplois, de la menace narcoterroriste, des intérêts des personnes, le pays s’abandonne à une forme de servitude volontaire (Etienne de La Boétie). Au point où les Maliens sont convaincus que tous ceux qui cherchent ou exercent le pouvoir sont corrompus. Ils sont donc indifférents à leur sort. Les politiques ont installé un régime de la faveur, négation de l’égalité, qui a pourri certains fonctionnaires. On ne l’avoue pas. Mais c’est bien ça qui a dégradé l’image des politiques. Ce n’est pas pour rien que les plus compétents se désengagent de la chose publique, malheureusement.
La crise politique actuelle, opposant la majorité présidentielle, la Convergence des Forces Républicaines (CFR) et le Mouvement du 5 Juin-Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), n’a pas surgi de nulle part. Certes, elle serait aggravée par la Covid-19 avec son spectre de crise économique et la crise sécuritaire, mais elle s’ancre dans le déclin de la participation (35,25 % aux législatives dernières), dans l’incapacité des politiques à sortir du règne de l’argent, hypothéquant le vote des citoyens. C’est un fait. La légitimité, ce qui est fondé en droit et conforme à l’équité, des dirigeants politiques (minorité et majorité confondues) recule, et porte un coup dur à la démocratie. Au Mali, chaque élection ressemble à une souffrance, un purgatoire. Pour preuve, la diffusion des résultats définitifs des législatives par la Cour constitutionnelle a mis le feu aux poudres. Or, l’Assemblée nationale n’est autre chose que le fruit des élections. L’opposition entre le M5-RFP et la CFR est une des illustrations de ces souffrances. Le M5-RFP a commis une erreur de communication politique en exigeant la démission du Président IBK, sous l’autorité morale de l’Imam Mahmoud Dicko. Dans son mémorandum du 30 juin 2020, le M5-RFP abandonne la démission du président IBK pour la réclamation d’une transition. Ce qui n’est pas sans impact sur le crédit du mouvement vis-à-vis de ses soutiens. Même chose pour la CFR, mouvement de la majorité présidentielle, qui n’a pas été capable d’instaurer un climat de dialogue serein avec le M5-RFP. Au contraire, au lieu de voir le M5-RFP comme une alerte sur les problèmes actuels du Mali, la CFR a érigé une stratégie d’usure. Les ambitions des uns aigrissent celles des autres. Par conséquent l’imprévisibilité du contexte actuel n’exclut aucune hypothèse. La manifestation de ce vendredi 10 juillet du M5-RFP nous en dira plus. Ce vendredi 10 juillet fera-t-il date ?
Pour conclure, au-delà de l’opposition M5-RFP/CFR, il est inévitable de remettre les Maliens au travail si on veut changer le pays. Il y a aujourd’hui une évidente nécessité de changement pour sortir du ronronnement politique et des secousses populaires. A la sortie de la crise politique actuelle, le Mali doit résoudre plusieurs problèmes dont quatre principalement (Amara : 2019).
Le premier problème, c’est celui des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, c’est-à-dire entre le gouvernement et le parlement. L’Assemblée nationale doit cesser d’être une caisse de résonnance du gouvernement. C’est le cas de l’article 39 qui a été voté par l’Assemblée nationale, adopté en Conseil de ministres et publié au journal officiel sans jamais se poser la question de son impact sur le budget de l’Etat. On connait la suite.
Le deuxième problème, c’est celui de l’Etat, c’est-à-dire les rapports entre la puissance étatique et ses agents. “Tu parles mon frère…ce ne sont pas les chefs qui dirigent nos pays. Les vrais chefs viennent et passent ; les vrais patrons sont les petits que j’appelle les seconds couteaux. D’apparence insignifiants, obscurs agents quasi anonymes, ils sont inamovibles ; à la fois d’accord avec tout et contre tout ; le mal, tout le mal vient d’eux. Ce sont eux les racines de la corruption…” (Badian : 2017). La corruption (Sourafin en Bambara) est un des cancers à éradiquer.
Le troisième problème, c’est celui de notre place dans l’ordre international. Il est inutile de dire que dans le contexte actuel la voix du Mali doit être portée à l’Onu et dans toutes les chancelleries pour trancher la question de Kidal. Cela suppose de nommer des hommes compétents et intègres aux postes à responsabilité.
Le quatrième problème, c’est la croissance démographique que les politiques balaient d’un revers de la main, en s’arcboutant sur des explications à mille pieds de toute forme de rationalité. Alors qu’un boom démographique est à prévoir selon les estimations de l’Onu. Déjà sur les 20 millions de la population malienne, les moins de 15 ans représentent près de la moitié de la population. Ils sont confrontés aux difficultés d’accès à l’emploi par exemple. Le rajeunissement de la société est donc un des défis majeurs à relever par nos dirigeants sinon une explosion sociale n’est pas à exclure.
D’énormes progrès restent à faire dans la résolution de ces problèmes. Pour y parvenir, il faut prendre en compte les citoyens, redorer le blason de la fonction politique, et faire vivre l’intérêt général et le bien commun. Ni la démission d’IBK, ni la conservation du pouvoir par IBK ne règleront ces problèmes. Seul un compromis entre la CFR et le M5-RFP nous sortira de cette crise sans précédent.
Mohamed Amara
Sociologue
Livre : Marchands D’Angoisse, le Mali tel qu’il est, tel qu’il pourrait être (Ed Grandvaux, 2019)
IBK est un president fort et avec beaucoup d’experience. Il a 100% la confiance des maliens. Arretez de vouloir parler au nom des maliens.
IBK ne lachera jamais son peuple, contrairement a ce que vous dites. C’est le leader de la patrie et le pere de la nation.
On a compris que vous etes des anti-IBK depuis bien longtemps..
𝓓€Ŧℜ𝔄QU€Uℜ0𝒫É€ℕ
Vous aimez vraiment exagere la situation . Comment vous pouvez dire que la situation actuelle est pire que celle du putsch de 69 ???
Comments are closed.