Ce matin, je ne parlerai ni du mandat d’arrêt de la CPI contre le président russe, Vladimir Poutine, ni de la visite du secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken à Niamey, ni des scrutins nigérians actuels, ni de la colère des Français contre la réforme des retraites. Mais, j’analyserai le défi de la Transition : être consciente des demandes des Maliens, répondre à leurs besoins et évaluer les impacts de sa politique.
Un référentiel commun
Artiste, assistant de direction, associatif, avocat, cinéaste, commerçant, conducteur de bus, comptable, électricien, élève, enseignant, entrepreneur, étudiant, journaliste, magistrat, mécanicien, militaire, notaire, ouvrier, plombier, paysan, policier, politique, retraité, sans emploi, syndicaliste, technicien de surface, etc., sont tous des acteurs engagés pour la réussite de la Transition. Chacun à son échelle et dans son périmètre. Mais, chacun d’entre nous est confronté à une difficulté : partager un référentiel commun.
Ni le Dialogue national inclusif (2019) sous le président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK), ni les Assises nationales de la refondation (2021) sous la Transition n’ont abouti à la construction d’un référentiel commun, une espèce de correspondance entre les attentes des Maliens et la vision des régimes. Que va-t-il se passer maintenant ?
Certains Maliens font de l’esbroufe ; d’autres se sentent moins que rien. En fait, le sens des actions de la Transition dit à peine le lien entre les besoins quotidiens des Maliens et les politiques en cours. L’actuel projet de nouvelle Constitution pourrait agréger la colère et risquerait d’exploser à tout moment. La bataille de l’opinion publique fait rage. Le contexte est tempétueux.
Privation des voix vibrantes
L’incarcération, le 13 mars dernier, de Mohamed Youssouf Bathily alias Ras Bath, embrase les débats entre Maliens. Porte-parole du Collectif pour le développement de la République (CDR) et chroniqueur de la radio Renouveau FM, Ras Bath est accusé par la justice malienne de “simulation d’infraction”. Courage pour s’y retrouver. Raison : le 11 mars dernier, à Bamako, lors de la 3e conférence de l’Alliance pour la solidarité au Mali/Convergence des forces patriotiques (Asma/CFP), Ras Bath déclarait que l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga serait mort “… assassiné…” en avril 2022.
La mémoire de Soumeylou Boubèye Maïga tourmentera le Mali. Autre détention, celle de Mme Rokiatou Doumbia, dite Tantie Rose, le 15 mars 2023, pour avoir dénoncé la vie chère. Ça fout le bourdon. Desserrons la bride de la bouche de la liberté d’expression ! On pourrait trouver des idées novatrices et utiles même dans les arrières boutiques du marché de Dibidani. En attendant les procès de M. Bathily et de Mme Doumbia, les Maliens sont privés de leurs voix vibrantes.
Un scrutin, une crise !
En tout cas, ces multiples arrestations révèlent la faiblesse des exécutifs à bâtir une gouvernance vertueuse pour remettre du sens dans la gouvernance. Aujourd’hui, sur les réseaux sociaux et dans les “grin”, il est frappant de constater à quel point le sentiment que rien ne va au Burkina Faso, au Mali ou au Niger (à moindre échelle) est partagé. D’ailleurs, le passage du Mali au “tournant de la refondation” n’est toujours pas amorcé. Les conditions concrètes d’une politique de refondation sont à réunir. Autre exemple, le report sine die de la date du scrutin référendaire par l’exécutif signifierait qu’il dispose de peu de marge de manœuvre pour l’organiser, compte tenu des tensions sociopolitiques actuelles. Donc, toute nouvelle date de référendum serait génératrice de secousses populaires.
Rappelons qu’en 2020, en plus des massacres dans le Centre du pays, le président IBK a été débarqué, essentiellement, à cause du contentieux électoral des législatives. Certes, le contexte de 2020 est différent de celui de 2023, mais l’Histoire du Mali nous renseigne qu’un scrutin est toujours synonyme de crise. Un scrutin, une crise ! Ne le prenons pas mal, car on a tous une part de responsabilité.
Compromis sociaux et politiques
Dans ce cadre, l’urgence demeure démocratique. Evidemment, notre démocratie, celle incarnée par la Constitution de 1992, est vulnérable, faute d’une adaptation à l’évolution de la société. Ceci dit, cette même démocratie, si fragile soit-elle, a fabriqué les acteurs actuels : associatif, citoyen ordinaire, militaire, politique, etc. Reconnaissons-le. Ce qui n’empêchera pas d’évaluer les politiques passées et en cours, d’autant que le Mali fait face à des urgences démocratiques.
La première urgence est de trouver un nouveau compromis social garantissant le pouvoir d’achat des Maliens, le mode d’accès aux droits : éducation, électricité, justice, liberté d’expression, santé, sécurité. Ce compromis ne pourrait être que le fruit d’une action publique dans laquelle s’emboite le système politique. La 2e urgence démocratique est d’échafauder un compromis politique pour cheminer vers un cadre d’analyse de notre système de représentation démocratique.
Droit de vote
La santé de notre démocratie ne se mesurera pas au déni (au préjugé) seriné çà et là. Elle s’évaluera à la proportion des Maliens, admise, à participer à la vie politique. Participer à la vie politique pour un citoyen malien, c’est embrasser un parcours d’activités dont le principal est le droit de vote. “Le suffrage est universel, égal et secret. Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les citoyens en âge de voter, jouissant de leurs droits civiques et politiques”, article 27 de la constitution de 1992.
Aujourd’hui, l’accès au suffrage universel est moins d’ordre juridique que sécuritaire. Prenons conscience des risques d’éventuelles contestations postélectorales liées à l’impossibilité d’une partie des Maliens à voter à cause de l’insécurité ou de non-inscription sur les listes électorales. Tout désir exagéré d’autoritarisme conduirait à des situations de disette démocratique. Or, le changement de régime en 2020 a donné espoir aux Maliens ; il a permis de changer les vieilles pétoires. Gardons le cap.
Allons jusqu’au bout du chemin
Voilà pour ce petit tour d’horizon sur un des défis de la transition : répondre aux aspirations des Maliens. Refermons la page avec l’idée que l’alliage des urgences politiques et sociales pourrait donner naissance à une République où les petits-fils de Kaya Magan Cissé, Soundiata Kéita, Sonni Ali Ber, Biton Mamary Coulibaly, Sékou Amadou Barry, Tiéba Traoré, Firhoun Ag Alinsar, etc., se parlent et se comprennent comme le chante Fissa Maïga.
Rêvons encore et allons jusqu’au bout du chemin. D’ailleurs, certains rêves se réalisent comme la libération des cachots d’Aqmi du journaliste français Olivier Dubois -, presque 2 ans de captivité -, et de l’humanitaire américain Jeffery Woodke, 6 ans de captivité. La mobilisation de leurs familles et de leurs soutiens a enfin abouti à leur libération grâce aux négociations entre Aqmi et les autorités nigériennes. Espérons en la libération des otages encore en captivité, et œuvrons pour la liberté d‘opinion, de communiquer, d’aller et de venir des populations du Liptako Gourma.
Mohamed Amara – Sociologue
32 années de Cleptocratie, de la grande Corruption, du grand Nepotisme (sous Alpha Omar Konare), du Partage du ‘Gateau-Mali’ (sous ATT), d’Achat de Conscience’, du Bourrage des Urnes et de la grande Surfacturation sous Boua le ventru IBK, le Mande Zonkeba.
Comments are closed.