Samedi dernier, éduquant les nouveaux ministres sur les pièges qui les attendaient, ATT avait longuement déploré la toute-puissance et les dérives des Daf. Hier, il les a simplement virés. Et promis que les nouveaux seront plus regardants sur les deniers de l’Etat.
Le Premier conseil de ministres de l’ère Kaidama, tenu hier, a relevé tous les Directeurs Administratifs et Financiers (Daf) des départements ministériels. « Leurs remplaçants seront recrutés dans le respect des garanties de performance et d’intégrité requises », précise t-on. Le processus de sélection « devrait suivre incessamment » pour que les postes soient pourvus au plus tôt. Le gouvernement précédent comptait vingt-quatre Daf sur vingt-sept portefeuilles. Le ministre délégué en charge de l’aménagement de la zone de l’Office du Niger ainsi que le Ministre chargé des Relations avec les Institutions relevaient de la Direction administrative et Financière de la Primature tandis que le Ministre délégué chargé du Budget relevait de celle de l’Economie et des Finances. Elle était donc prémonitoire la longue tirade du Chef de l’Etat, samedi dernier, sur la nécessité de bien gérer les ressources, les maigres ressources allouées aux ministères. Ce jour, ATT rencontrait, sous les caméras, le gouvernement Mariam Kaïdama Sidibé au grand complet. Les images diffusées in extenso sur les écrans de l’Ortm, lundi soir, laissaient voir un président, tantôt amusé, tantôt blasé, généreux en conseils mais avare en compliments.
Un président insurgé ?
Sa vraie évaluation du gouvernement sortant ? En tout cas, pendant plus de trente minutes, le président, lançant plusieurs mises en garde, a insisté sur les champs prioritaires de la nouvelle équipe, en attendant une lettre de mission plus explicite au Premier ministre. Il a évoqué, entre autres, les urgences sur les fronts du foncier, de l’école, de la vie chère, du chômage des jeunes, du calvaire de Huicoma, et de l’assurance-maladie obligatoire. Répondant au procès qui lui est fait souvent sur les lenteurs dans la lutte contre la corruption et de l’encouragement de l’impunité, c’est un président piqué au vif qui a attiré l’attention des nouveaux ministres sur ce qu’il considère être les pièges des Daf.
Dans ses propos, ceux-ci peuvent vite devenir une sorte d’enclave anormale au sein des ministères. Et certains responsables de Daf, le président l’a souligné en riant, « sont même plus fréquentés que leurs ministres ». Un avertissement aux nouveaux Daf ! En tout cas, la première grande décision de l’ère Kaïdama défraie déjà les chroniques. Les unes y voient la volonté d’un président sur le départ de nettoyer les écuries d’Augias pour son successeur. D’autres y voient une sanction collective que tous les responsables concernés ne méritent peut-être pas. Naturellement, il est difficile de ne pas évoquer l’étude transversale soumise, il y a deux semaines par Sidi Sosso Diarra. Dans cette analyse des Directions administratives et financières des départements ministériels observées sur les sept ans de son mandat unique, le Vérificateur général sortant passe en revue les dysfonctionnements courants et les types d’infractions à l’origine des pertes de ressources relevées.
« ATT surprendra pas mal de monde avant son départ », jurent certains de ses proches. « Je ne couvrirai personne », a-t-il répété encore cette semaine, répondant à ceux qui l’accusent d’encourager l’impunité. La manière atypique dont il a débarqué le gouvernement Modibo Sidibé, le limogeage collectif des Daf depuis hier ainsi que les récentes arrestations dans le cadre de l’enquête d’Air cocaïne, et ce au moment où peu de monde s’y attendait, sont-ils le signe d’un président désormais en insurrection ?
Adam Thiam