Déclarations de candidatures à la présidentielle : Quand la Cour constitutionnelle se plante !

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Comment organiser des élections transparentes au Mali, lorsque le régime du Président IBK n’a que peu d’égard pour la légalité et surtout lorsque la Cour constitutionnelle, l’institution chargée d’en assurer la régularité, n’a qu’une compréhension très approximative de la législation électorale ? C’est toute l’ambiguïté du discours ambiant actuel qui prétend vendre la promesse de scrutins transparents, sincères et crédibles au cours de cette année 2018.

Encore une fois, la Cour constitutionnelle vient de s’égarer dans des interprétations douteuses.

Elle se montre incapable de compter simplement et d’appliquer des délais fixés par la loi électorale, à l’instar de celui relatif au dépôt des candidatures à l’élection présidentielle au sujet duquel elle s’est plantée.

Que dit la loi électorale sur le délai de dépôt des candidatures à la présidentielle ?

C’est à l’alinéa 1er de l’article 148 qu’on trouve la réponse à cette question ainsi libellée : « La déclaration de candidature est faite à titre personnel à partir de la publication du décret convoquant les électeurs au plus tard le trentième jour précédant le scrutin et adressée au président de la Cour constitutionnelle qui en délivre récépissé ». Comme cela ressort explicitement de la formulation de cet alinéa, c’est la loi électorale elle-même, et non une quelconque Cour, qui fixe le délai imparti pour la déclaration de candidature qui selon l’alinéa 1er de l’article 148, commence à partir de la date de publication du décret convoquant le collège électoral de la présidentielle et finit au plus tard le trentième (30ème) jour précédant le scrutin. C’est la date de publication du décret convoquant les électeurs qui lance la période du dépôt des déclarations des candidatures. En d’autres termes, le début de la période de réception des candidatures par la Cour constitutionnelle correspond au jour de la publication au Journal officiel du décret de convocation du collège électoral, soit le 27 avril 2018. La publication du Décret n°2018-0398/P-RM convoquant le collège électoral de la présidentielle datant du 27 avril 2018, c’est donc à partir de cette date, c’est-à-dire le 27 avril 2018, qu’a commencé le dépôt des candidatures.

D’où la Cour constitutionnelle sort ses délais erronés ?

La Cour constitutionnelle complètement incompétente pour ce faire et en violation flagrante de la loi électorale, s’est fabriquée elle-même ses propres délais de dépôt des déclarations de candidatures qu’elle enferme dans la période du 30 mai 2018 au 28 juin 2018. De quel droit ?

Dans son communiqué qui la fait se planter et qui tombe opportunément sur ce 27 mai 2018, le même jour du one man show télévisé, à domicile s’il vous plaît, de la déclaration de candidature de IBK, la Cour annonce : « Suite à la convocation du collège électoral par le Décret n°2018-0398/P-RM du 27 avril 2018 et à l’effet de procéder à l’élection du président de la République (scrutin du 29 juillet 2018), le dépôt des déclarations de candidature à la Cour constitutionnelle débute le 30 mai 2018 à partir de 00Heure et prend fin le 28 juin 2018 à minuit ». Sur quel fondement juridique la Cour fait- elle débuter le dépôt des déclarations de candidatures à la date du 30 mai 2018, au mépris de la loi électorale qui dispose que c’est plutôt à partir de la publication du décret convoquant les électeurs, c’est-à-dire le 27 avril 2018. Depuis quand une simple Cour constitutionnelle peut-elle substituer à un délai légal, un autre délai apparemment dicté par ses contraintes internes d’organisation et d’anticipation ? La date du « 30 mai 2018 à partir de 00 Heure » inventée par la Cour sans aucun fondement juridique est une date illégale purement fantaisiste.

Autant la Cour fait démarrer illégalement le délai de dépôt des candidatures, autant elle se plante sur la date de clôture de ce délai qu’elle fixe arbitrairement au « 28 juin 2018 à minuit ». La Cour se trompe, puisque l’alinéa 1er de l’article 148 de la loi électorale précise que la déclaration de candidature est faite à partir de la date de publication du décret convoquant les électeurs jusqu’au trentième (30ème) jour précédant le scrutin. Il en résulte que la date butoir de dépôt des candidatures correspondant au 30ème jour précédant le scrutin tombe exactement sur le 29 juin 2018. De manière arbitraire et illégale, la Cour constitutionnelle a écourté le délai légal de dépôt des candidatures à l’élection présidentielle.

 La Cour coupable de légèreté ?

Cela ne fait l’ombre d’aucun doute : le délai légal de dépôt des candidatures à la présidentielle comme expressément indiqué dans la loi électorale, a bien démarré depuis le 27 avril 2018, date de publication du décret de convocation du collège électoral et sera close le 29 juin 2018 correspondant au 30ème jour précédant le scrutin. Serait-ce parce qu’elle n’a pas été en mesure de respecter ce délai légal que la Cour s’est fabriquée des délais fantaisistes ? Le second communiqué de la Cour constitutionnelle inciterait plutôt à le croire. Ce communiqué informe de la disponibilité des imprimés de déclaration de candidature au niveau de la Cour constitutionnelle. Comme on le sait, ces imprimés découlent de l’article 68 de la loi électorale selon lequel le modèle de déclaration de candidature à l’élection du Président de la République « est déterminé par décret pris en conseil des ministres après avis de la cour constitutionnelle en ce qui concerne les élections présidentielles et législatives ». En application de cette disposition, est intervenu le Décret n° 02-119 / P-RM du 08 mars 2002 déterminant le modèle de déclaration de candidature à l’élection du Président de la République. Les imprimés de ce modèle auraient dû être disponibles au niveau de la Cour constitutionnelle bien avant la convocation du collège électoral de la présidentielle. Tel n’a manifestement pas été le cas, sans doute par négligence ou légèreté de la Cour constitutionnelle. En tout état de cause, elle n’est nullement fondée à tordre le cou à la loi électorale dans le seul but de se dédouaner de ses propres turpitudes.

Une institution laxiste

On connaît déjà la Cour constitutionnelle tristement rendue célèbre par ses multiples errements jurisprudentiels en contentieux normatif notamment. Il n’y a pas longtemps, nous soulignions qu’elle peine à se sortir du pétrin des innombrables bourdes qu’elle accumule et qui n’en finissent pas d’entacher sa crédibilité. Nous avions à l’époque relevé sa scandaleuse Lettre circulaire totalement irrégulière. Nous avions également dénoncé l’anachronisme de son fameux « Programme pédagogique d’action de formation et d’information sur les élections de 2018 » avec ses trois fascicules bourrés d’erreurs grotesques, élaborés et édités alors que leur support juridique, à savoir la loi électorale, était en relecture. Le ridicule ne tuant pas, ces fascicules de la désinformation juridique sur les élections, qui auraient dû être retirés de la circulation, trônent toujours sur le site de la Cour constitutionnel qui éprouve manifestement un malin plaisir à demeurer une institution laxiste. Elle doit pourtant ne jamais perdre de vue le poids de sa responsabilité institutionnelle qui lui interdit de la manière la plus stricte toute tentation laxiste. Elle doit surtout garder présent à l’esprit que n’étant pas au-dessus de la Constitution ni de la loi, elle ne peut ainsi continuer à piétiner les textes de la République. Surtout en cette période électorale.

Dr Brahima FOMBA

Université des Sciences Juridiques  et Politiques de Bamako (USJP)

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2 COMMENTAIRES

  1. Merci Dr Fomba pour ton argumentation pertinente comme à l’accoutumée. Les délais erronés annoncés par la cour constitutionnelle peuvent-ils entraîner une annulation de candidature déposée avant cette date factice? Sans être espiègle, j’y vois plutôt une manœuvre de plus pour favoriser un candidat au détriment d’autres. En effet, j’ai entendu que le positionnement des photos sur le bulletin unique se fait par ordre de réception de dossier. Est-ce vrai? Si tel est le cas, c’est curieux que ce communiqué tombe pile après la déclaration de candidature d’IBK, dont le dép$ot a eu lieu le lendemain. Plus curieux, j’ai entendu au journal télévisé du 30 mai 2018, que certains candidats ont été conviés par la cour à aller changer leurs photos qui ne seraient pas conformes. Vont-ils perdre leur places initiales? J’espère que Dr Fomba pourrait éclairer ma lanterne.

  2. C’est cette cour inféodée au CLAN IBK qui va provoquer la crise post électorale comme on l’a constaté en côte d’Ivoire.
    Sa présidente n’inspire pas confiance depuis les ACTES posés pendant la procédure de révision de la constitution.
    Si IBK perd dans les urnes,elle va tenter de corriger le déséquilibre par l’annulation des voix des adversaires du président dans les bureaux de vote qui peuvent permettre une remontée souhaitée du candidat IBK.
    L’ union européenne a dénoncé cette façon de faire lors de la dernière élection présidentielle ,mais le gouvernement n’en a pas ténu compte car ça ne fait pas son affaire.
    Ce gouvernement s’est empressé de dénoncer l’attitude de l’ opposition à DEMANDER la certification de l’ ONU.
    S’il n’y avait pas la certification de l’ ONU,ALASSANE DRAMANE OUATARA serait il actuellement le président de la côte d’Ivoire ?
    IBK sait que ça été une erreur monumentale de la part de son ami Gbagbo d’accepter la certification de l’ ONU.
    IBK,comme ses camarades fossoyeurs,pense qu’ on organise pas les élections pour les perdre.Mais on les organise pour donner une légitimité,même fausse,à son pouvoir.
    Ce n’est pas le quitus du peuple qui est nécessaire car il ne compte pas en réalité,mais l’acceptation du pouvoir par les puissances étrangères.Il pense pouvoir le gérer avec l’appui de ses camarades fossoyeurs comme ,lui,a apporté son appui à Ali Bongo après un scrutin largement contesté par ses opposants.
    Que les maliens sachent qu’ ils vont sévèrement payer leurs manques de confiance au premier président démocratiquement élu qui a vu,logiquement avant tout le monde,le vrai visage de l’ homme IBK.
    Il n’a pas été suivi par le peuple quand il l’a honni à jamais voyant un homme très dangereux pour la démocratie.
    Cette année IBK va MONTRER une autre facette de sa personnalité:celui qui est prêt à tout pour garder le pouvoir,même au prix du sang des maliens comme l’ont fait ses idoles BONGO et EYADEMA .
    La vigueur avec laquelle L’HOMME de main d’Ibk TIEMA HUBERT COULIBALY a rejeté la demande de l’ opposition de certifier les élections par l’ONU montre que la capacité d’Ibk à confisquer le pouvoir légalement se situe au niveau de la cour constitutionnelle.
    On sait que l’ONU est contre l’annulation des votes exprimés par une institution étatique inféodée au pouvoir.
    Elle l’a montré en côte d’Ivoire.
    N’est ce pas qu’ elle craint un passage en force du président sortant qui explique cette mobilisation de son chef dans notre pays?
    Le secrétaire général est venu,en réalité, voir l’état de préparation des troupes pour une très très probable crise électorale.
    Les fossoyeurs préfèrent une guerre civile que d’abandonner le pouvoir.
    IBK n’a ni l’âme d’un démocrate comme SOUMAILA CISSE qui a été le seul homme ,pour le moment,après feu T, KONATÉ a accepté sa défaite pour permettre au pays de continuer son développement sans heurts,ni celui de son mentor qui a évité de faire un troisième mandat.
    IBK est L’HOMME par lequel le Mali risque d’entrer dans le cercle ,de plus en plus rare en Afrique de l’Ouest,mais en floraison en Afrique centrale,d’une présidence clanique consacrée à piller les deniers publics .
    Le peuple doit montrer plus que la mobilisation de 1991 pour l’empêcher de réaliser son rêve car c’est un rêve qu’ il a nourri à côté D’ALPHA OUMAR KONARE qui ne lui a pas permis d’où cette haine de l’ homme.

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