Refonte de l’appareil d’état : Un curseur sur le processus de décentralisation au Mali

1
Moussa  SIBY
Moussa SIBY

M. Moussa  SIBY Professeur Principal en service à la Direction Nationale de l’Emploi fait un diagnostic personnel du processus assorti d’une panoplie de propositions.

 

 

Pour lui, le pays ayant encaissé de coups durs au point de l’ébranler dans ses fondements, il est impérieux de tirer les conséquences qui s’imposent. C’est à ce prix qu’on pourrait capitaliser et sauvegarder les énormes énergies des braves populations qui ont été et demeurent toujours les vraies forces motrices de notre histoire.

 

 

Par “décentralisation” entendons-nous a priori : un concept, une réforme, ou encore mieux, un outil de développement !

Au Mali, son avènement a suscité tellement d’engouement (allusion aux cohortes d’étudiants qui ont eu leur thème de mémoire de fin d’études là-dessus) et tellement d’espoir à travers le pays (notamment par la fierté ici et là de prendre en charge la gestion des affaires locales) que la voir aujourd’hui se noyer dans les méandres des récentes crises socio-économiques et sécuritaires parait inintelligible et donc ; inadmissible.

Certes, le processus a eu à essuyer de sérieux coups susceptibles de briser l’élan de développement national ; néanmoins on peut dire (en optimisme gaullien que c’est seulement “une bataille qui a été perdue ; mais pas la guerre !”)

Car la vraie guerre, c’est celle du développement sous ses multiples facettes (c’est-à-dire économique, sociale, culturelle, sécuritaire, en un mot durable, voire pérenne). Pour  y arriver, il importe d’apporter des réponses justes au questionnement suivant :

 

 

Qu’est-ce que la décentralisation ?

Quels en sont les objectifs ?

Qu’est-ce qui en a marché ?

Qu’est-ce qui n’en a pas marché ?

La décentralisation a-t-elle servi à éradiquer la pauvreté ou même à réduire les inégalités ?

Y a-t-il eu une disparition systématique du calvaire des populations ?

Pourquoi ça coince?

Comment soulager davantage les populations et, par la même occasion, faire rayonner la décentralisation avec plus d’éclat ?

 

 

Le présent texte  tente d’apporter des éléments de réponses.

D’abord, sachons que le terme de décentralisation peut se prêter à des interprétations aussi nombreuses que variées ; et, sans prétendre les épuiser, nous retenons ce qui suit :

* De façon“ crue” (osée ou tirée par les cheveux), la décentralisation peut être définie comme :

  • “ le retour de l’administration d’État (le commandement) à la maison” ! Maison désignant ici le coin de terre, ou le terroir qui nous a vus naître.
  • La décentralisation peut être définie comme la “reprise de la direction des affaires (la satisfaction des besoins quotidiens) par les citoyens à la base”
  • La décentralisation peut être synonyme de “partage du pouvoir conformément à la loi.”
  • La décentralisation peut vouloir dire aussi le“ découpage administratif et territorial”.

* De façon bien élaborée (c’est-à-dire mûrement réfléchie), on retient :

_ En géopolitique et en aménagement du territoire, la décentralisation se traduit par le déplacement (d’un ou plusieurs organes d’un tout) visant à déconcentrer les relations internes (précisément les partisans d’une autonomie et d’une décentralisation massives ; les décentralisations d’emplois publics).

_ Du point de vue politique et juridique, la décentralisation est un système administratif par lequel l’État accorde à d’autres entités juridiquement reconnues l’autonomie financière et de gestion dans les conditions prévues par la loi.

Les préalables demeurent entre autres :

–          La liberté de décision ;

–          L’autonomie financière et de gestion ;

–          L’appropriation et le respect strict des textes législatifs et réglementaires ; (“Lex est quod notamus” (Ce que nous écrivons fait loi) dit le vieux dicton latin.

–          Le transfert des compétences et des ressources ;

–          Le partage effectif du pouvoir et du territoire ;

la Décentralisation commence par la décentralisation du savoir et de  l’information

L’aménagement du territoire : équilibrer les moyens, les techniques, les ressources humaines, l’intelligence territoriale (je veux dire par là les savoirs, les techniques et expériences propres).

Les objectifs affichés sont bien évidemment nombreux :

_ contribuer à l’approfondissement et au renforcement du processus démocratique par une plus grande participation de tous les citoyens aux problèmes qui les concernent ;

_ libérer les initiatives locales en accroissant le pouvoir et la rentabilité des collectivités ;

_ responsabiliser davantage les citoyens à la base et rendre les communes plus autonomes ;

_ permettre le développement durable des collectivités.

Mais globalement, nous retenons celui du développement avec son corollaire de lutte pour la réduction de la pauvreté.

Ce qui en a marché, c’est qu’il reste vrai qu’en un moment donné, les CCC (Centres de Conseil Communal) et les CDQ (Comités de développement des quartiers) ont joué un rôle déterminant dans le processus de vivification et de viabilisation.

Le rôle des uns et des autres étant défini dans les différents documents de référence : Plan Stratégique de Développement Régional (PSDR) ; Programme de Développement Economique Social et Culturel des Collectivités territoriales (PDESC) ; Schéma d’Aménagement et de Développement du Cercle (SADC).

Un pas a été franchi dans le désenclavement des territoires ainsi que dans le rapprochement des centres de services (Centres de santé, Ecoles, marchés) aux usagers. Les CGS (Comités de Gestion Scolaires) de même que des comités de médiation dans les conflits dans divers endroits du pays ne sont pas passés inaperçus. Ils ont su faire montre d’exemples réussi de coopération “gagnant-gagnant” dans les systèmes d’interactions entre les populations et les pouvoirs publics.

Toutefois, il existe un certain nombre d’attitudes qui pourraient paraître banales; mais dont l’expression tôt ou tard peut, au-delà du bon fonctionnement du processus de décentralisation, court-circuiter, parasiter et porter un grave préjudice à l’action de développement local, régional et même national.

Il s’agit entre autres de l’incompréhension de la dialectique, ou du moins, des :

_ contradictions entre objectifs de performance et réalités de contreperformance ;

_ contradictions entre beaux discours et inertie ou à la limite, rareté d’actes louables ;

_ contradictions entre exigences du temps et rigueur de l’éternité ;

_ contradictions entre des ambitions des dirigeants et les attentes pressantes des populations ;

_ mauvaises perceptions des habitants sur les papiers, les actes et écrits administratifs, ce, dans les deux sens : D’une part, des actes d’état civil sont banalisés ; d’autre part les services connaissent une pénurie notoire de papiers et autres.

_ in fine, la culture intercommunale à présent, n’est à présent pas fortement ancrée dans nos mœurs !

Le calvaire est loin de disparaître : les inégalités et la pauvreté perdurent !

Les mentalités n’ont pas suivi à l’unisson le souhait sous-tendu par la réforme.

Le plus souvent, on assiste à la naissance d’une petite “bourgeoisie politico-bureaucratique” et/ou “politico-compradore” soucieuse de son propre essor plutôt que de l’essor de la cité tout entière, hélas !

Sinon comment comprendre à présent les lourdeurs administratives avec le traitement des dossiers dans les mairies et dans l’administration ? D’ailleurs comment comprendre même que des mairies à l’aune du 22ème siècle puissent manquer d’électricité pour leur fonctionnement pendant que les citoyens s’acquittent de leurs obligations civiques (taxes, patentes, état civil…) ?

 

Eu égard de l’immensité des attentes, c’est l’Etat central qui doit s’assumer soit en se montrant plus révolutionnaire et  donner plus de marges de manœuvres aux collectivités décentralisées, soit en prenant soi-même les choses en main.

Dans tous les cas, les populations ne cherchent qu’une seule chose : à savoir, le plus de mieux-être possible.

Il est évident que le processus a besoin d’être repensé et adapté au regard de l’évolution de la conjoncture économique sociale et culturelle.

Ainsi, pour redonner au processus toute sa splendeur et toutes ses lettres de noblesses, il faut :

–          commencer par la décentralisation du savoir et de  l’information raison pourquoi l’activité de restitution des  formations par les participants à leurs collègues doit être une exigence puisse que nécessaire à l’édification et à la consolidation d’une intelligence territoriale.

–          S’appuyer davantage sur la déconcentration et l’aménagement des services  et des intelligences ;

–          Créer et/ou redynamiser des instruments techniques tels que les Comités de Développement de Quartiers (CDQ)

–          S’appuyer sur l’emploi et la formation professionnelle

–          Insérer économiquement et socialement ; si cela est fait, le résultat logique est la sécurité et même le développement durable ;

–          Atténuer les interventions au niveau du District et songer surtout aux capitales régionales et aux campagnes.

–          Il faut cultiver la gestion de projet et la philosophie de la politique de la ville tant au niveau des élus et leur staff administratif qu’au niveau des associations et organisations de la société civile.

–          IL faut ouvrir des chairs de gestion de projets et de politique de la ville au niveau de l’enseignement supérieur.

–          Il faut cultiver la décentralisation et la pensée durable dans les écoles ne serait-ce que supérieures.

–          Il faut revoir le niveau des élus ou à la rigueur, leur administrer des formations adéquates pour les amener à être plus opérationnels.

–          Il faut revoir les critères d’éligibilité (Par exemple pour le positionnement en bonne place dans les listes électorales, tenir toujours compte de ceux qui ont des idées et qui sont capables de bien défendre les intérêts des populations.

–          Il faut plus de coopération et d’intercommunalité (leur extension tous azimuts).

–          Il faut non seulement un cadre de concertation, mais surtout plus de synergie d’actions entre les Départements car la problématique de la décentralisation est transversale à toutes les autres problématiques. De plus, il y’a des interférences entre le Département de l’Administration Territorial et de la Décentralisation et beaucoup d’autres Départements (EX : Décentralisation-Education-Santé-Emploi-Environnement et assainissement-Mines et Energie-Sécurité-Développement rural-Pêche-Culture-Artisanat tourisme-Affaire religieuse et du culte et actuellement Urbanisme et Politique de la Ville).

Certainement qu’il peut y avoir çà et là des compétences, des individualités maîtrisant plus des dossiers que le titulaire lui-même !

Une conjugaison des efforts et des expériences, n’est pas sans effet d’enrichissement mutuel ; et là, viendra forcément la résolution de tous les problèmes du quotidien.

–          En fin, il y’a les leviers de coopération décentralisée et d’intercommunalité.

D’ailleurs qu’est-ce que ce terme d’intercommunalité recouvre-t-il ?

L’intercommunalité est le rassemblement institutionnel de plusieurs communes qui partagent un projet de développement.

Pour la réalisation de ce projet, les communes mettent en commun leurs moyens et leurs ressources dans un souci d’efficacité de la gestion publique. Le postulat est que l’union fait la force

C’est pourquoi d’emblée, il faut qu’il y’ait intercommunalité entre toutes les communes qui partagent les mêmes voisinages et entre ces communes et celles d’autres régions, du pays ou d’autres pays à travers l’Afrique et le monde.

Une des conditions de réussite de cette intercommunalité et de la coopération décentralisée, c’est un meilleur marketing territorial, lequel fera mention particulière des politiques publiques locales réussies en matière d’éducation, de santé, d’emplois, de transport, d’environnement, d’assainissement, de sécurité, en un mot de ville durable).

Un minimum de considération de ces éléments suffit à transformer qualitativement  et quantitativement notre société actuelle dans la mesure où ça peut avoir non seulement l’avantage d’accroître la multiplication des projets ; mais également les chances de réussite.

 

 

M. Moussa  SIBY Professeur Principal en service à la

Direction Nationale de l’Emploi

Mobile : 78 61 76 01 et 62 15 16 30

Email : moussasiby01@yahoo.fr

Bamako

République du Mali

 

Commentaires via Facebook :

1 commentaire

Comments are closed.