Dans un document du ministère délégué à la décentralisation intitulé “Stratégie et plan d’actions prioritaires pour la mise en œuvre des recommandations des Etats généraux de la décentralisation “, le gouvernement envisage de mettre ” la régionalisation au cœur du renforcement de la décentralisation “. Ce document, qui ” fixe le cap et les priorités du gouvernement, entend traduire les orientations ” de celui-ci en matière de décentralisation ; cela à la suite de la crise politique et sécuritaire que notre pays a traversée en 2012. Elément clé de cette ” décentralisation renforcée “, la mise en place d’exécutifs régionaux élus au suffrage universel. Elle sera précédée d’un nouveau découpage territorial.
Tirant le bilan des décennies de la politique de décentralisation au Mali – un processus démarré en 1992-, nos autorités politiques et administratives sont arrivées à la conclusion suivante : ” La crise politique et sécuritaire que notre pays a connue en 2012 trouve notamment ses racines dans une gestion des affaires publiques en deçà des enjeux actuels et des attentes des populations “. Après ce constat amer issu des Etats généraux de la décentralisation, organisés du 21 au 23 octobre 2013, le gouvernement Oumar Tatam Ly ” entend imprimer la nouvelle vision du président de la République en matière de gouvernance, notamment par une politique de décentralisation qui renforcera les pouvoirs des collectivités territoriales, en donnant une impulsion décisive à la régionalisation “. Cela sous-entend une reforme de l’Etat, entamée en son temps sous la présidence d’ATT qui avait confié cette mission à un ministère entier. Même si, à l’époque, beaucoup de nos concitoyens ont pris cette réforme de l’Etat comme une manière déguisée, pour l’ancien président, de rempiler pour un troisième mandat (!) à la tête de l’Etat.
Avec la crise politique et sécuritaire qu’il vient de connaître et dont il n’a pas encore fini de panser les plaies, notre pays ne peut plus se payer le luxe d’une “ décentralisation qui n’existe que de nom “ où l’Etat central et les collectivités territoriales ne cessent de s’accuser mutuellement. C’est pourquoi, la réforme qui est présentement envisagée, vise à aller vers une ” décentralisation renforcée ” qui passera notamment par un nouveau découpage territorial avec à la clé une régionalisation poussée avec des exécutifs élus au suffrage universel direct. Il s’agira pour le gouvernement de traduire en actes concrets la vision du Président IBK en matière de gouvernance. En se basant pour cela sur les quatre axes stratégiques de la politique de décentralisation renforcée que sont : la mise en œuvre de la régionalisation (la forme et les contours attendent toutefois d’être définis), l’amélioration de la gouvernance (mettre fin à la corruption et mieux gérer les finances publiques…), le renforcement du financement de la décentralisation et la contribution des collectivités au renforcement de la paix et de la sécurité (avec une implication attendue de l’ensemble des populations et des ex-groupes rebelles).
Le chef de l’Exécutif régional élu au suffrage universel direct
Cette nouvelle vision part avant tout du principe ” d’une décentralisation renforcée, fondée sur la régionalisation, la mise du développement régional au centre de la gouvernance, de la croissance de l’activité et de la solidarité nationale dans le respect des diversités culturelles, en préservant l’unité et l’intégrité nationales “.
Pour le gouvernement, au-delà de sa dimension administrative liée à l’érection des régions en collectivités territoriales, la régionalisation participe de la volonté politique réaffirmée de faire de la région le moteur du développement économique, social et culturel. La Région sera ainsi l’échelle de mise en cohérence du développement local et les stratégies nationales.
Dans cette optique, il s’agira notamment de renforcer les pouvoirs et compétences des conseils régionaux pour promouvoir le développement économique, social et culturel ; de mettre en place des instruments de financement permettant des engagements pluriannuels en matière de développement régional à travers des contractualisations entre l’Etat, les régions et les privés ; de procéder à un nouveau découpage territorial pour renforcer la cohérence de ces dernières tout en veillant à leur viabilité économique ; renforcer la légitimité des Elus régionaux à travers le passage à un mode d’élection au suffrage universel direct ; augmenter les ressources financières des Régions à travers des transferts non conditionnés de ressources par l’Etat. Ces orientations seront mises en œuvre à travers deux grands domaines d’actions, à savoir le développement des capacités de la Collectivité Région pour impulser un véritable développement territorial et la réorganisation territoriale à travers une démarche inclusive et respectueuse des réalités locales.
En tout cas, sur papier tout est bien dit d’autant plus que le Mali n’a plus d’autre choix que d’aller le plus rapidement possible dans cette direction. En attendant, le document reste encore à être traduit en projet de textes pour adoption en Conseil des ministres avant d’être soumis au vote des députés. Rappelons que le budget du plan d’actions prioritaires 2014 est estimé à environ 30 milliards FCFA.
Mamadou FOFANA