Le ministère de l’Administration territoriale, la décentralisation et de la réforme de l’État, en partenariat avec l’Institut français du Mali(IFM), a organisé, jeudi dernier, une conférence-débat sur le processus de la réforme de la décentralisation en lien avec la mise en œuvre de l’accord et le processus de stabilisation de notre pays. Un débat d’idée qui a permis au chef du département, Mohamed Ag ERLAF, de souligner des avancées, mais aussi des défis dans notre processus de décentralisation, à l’Institut français du Mali.
Comment passe-t-on d’un État très centralisé à une architecture confiant plus de pouvoir au niveau local ? Quels bénéfices attendre de la décentralisation et quels risques faut-il prévoir et limiter ? En quoi la décentralisation est-elle facteur de paix et de développement ? Où en sont les autres pays d’Afrique ? Voilà autant d’interrogations et de préoccupations auxquelles le ministre de l’Administration territoriale, la décentralisation et de la réforme de l’État, Mohamed Ag ERLAF, qui était entouré de 3 experts, a tenté de donner des réponses au cours de cette rencontre. Cette conférence était animée par 3 experts, à savoir : le président du Conseil régional de Tombouctou, El Hadj Mohamed IBRAHIM ; le français Denis GOURNAY, Conseiller du ministre de la décentralisation et de la réforme de l’État ; le Directeur du Programme d’appui à la décentralisation et la réforme de l’État (PADRE), le Camerounais François MENGUELE, etc.
La rencontre a été aussi marquée par la présentation d’un film documentaire sur le thème : « Le Mali, la décentralisation en marche ». Elle a été un cadre d’échanges sur la vision politique et les stratégies engagées par l’État pour l’approfondissement de la décentralisation dans le cadre de sa contribution dans la lutte contre la pauvreté. La rencontre a aussi été un haut lieu d’illustration d’initiatives prises dans le cadre de la mise en œuvre de la décentralisation ainsi que les préoccupations portées par les acteurs locaux au quotidien, à travers 3 films.
Selon les conférenciers, la crise politique et sécuritaire que notre pays a connue en 2012 a eu le mérite de révéler la dimension politique de la décentralisation et la nécessité de renforcer ce processus afin de relever, dans le cadre de la refondation de l’État, les défis liés au développement, à l’unité nationale et à l’intégrité du territoire. Aussi, la mise en œuvre efficiente de la décentralisation est-elle devenue une option incontournable au Mali en vue d’une meilleure gouvernance.
Le consensus politique
Le consensus politique pour une « décentralisation renforcée », dégagé par les États généraux de la décentralisation tenus en octobre 2013, met la régionalisation au centre de la décentralisation et du développement institutionnel au Mali. Ainsi, le gouvernement du Mali, fort des conclusions des États généraux sur la décentralisation de 2013 et des dispositions de l’accord pour la paix et la réconciliation, a engagé un processus de réforme de la décentralisation fondé sur la régionalisation, a indiqué le conférencier. Cette réforme vise, selon les experts, à mettre le développement régional au cœur de la politique de décentralisation, avec comme objectif, la création des richesses, la solidarité et le développement régional.
La politique de décentralisation au Mali apparaît aux yeux de nombre d’observateurs comme une des plus audacieuses en Afrique, en raison du nombre très élevé d’institutions créées : simultanément 682 nouvelles communes (en plus des 19 déjà existantes), 8 régions et le district de Bamako, en 1999. Cette volonté des autorités s’est exprimée dans la constitution de 25 février 1992, avec le choix de la décentralisation (libre administration) érigée en mode de gouvernance des collectivités territoriales et qui repose surtout sur un arsenal d’instruments législatifs et règlementaires ainsi que sur l’existence de 761 collectivités territoriales (703 communes, 49 cercles, 8 régions et le District de Bamako).
Les raisons de la réforme
Depuis sa mise en œuvre en 1999, la décentralisation peine à jouer pleinement son rôle. Le document-cadre de politique de décentralisation (DCPND) pour la période 2015-2024 traduit les orientations fortes du gouvernement en matière de renforcement de la décentralisation, fondées sur les conclusions et les recommandations des états généraux de la décentralisation. Fortement inspiré du Document de stratégie et plan d’actions prioritaires pour la mise en œuvre des recommandations des états généraux de la décentralisation, adopté par le gouvernement en mars 2014, il met en cohérence et en synergie les dynamiques en cours et définit le cadre de mise en œuvre des initiatives en faveur de la décentralisation. Pour justifier la réforme, il faut noter que les acquis de la décentralisation en matière de démocratie et de services de base sont certains, mais ils méritent d’être capitalisés et solidifiés, selon les experts. Le processus a besoin d’être relancé, dit-on. Quant aux résultats en matière de développement économique et territorial, ils sont encore attendus, selon beaucoup d’observateurs. En effet, au plan financier, la décentralisation a davantage été portée par les ressources extérieures que par des ressources internes de l’État et des collectivités locales, ce qui pose très clairement le problème de sa viabilité, ont regretté les conférenciers. Ainsi, est-il temps d’aller à l’approfondissement de la réforme en faisant de la région, le niveau le plus pertinent pour coordonner et équilibrer le développement économique du territoire. La régionalisation, qui fera revivre les territoires, contribuera à promouvoir un développement plus inclusif permettant aux diversités locales et régionales de s’exprimer librement tout en restant ancrées dans un ensemble plus grand qu’est l’État, garant de l’unité et de la souveraineté nationale.
Récemment, l’Accord pour la paix et réconciliation stipule, dans son article 7, la mise en place d’une architecture administrative fondée sur les collectivités territoriales.
Une volonté politique inébranlable
Aujourd’hui, il est clair la volonté politique est là et les orientations stratégiques ont été données pour la réussite de la réforme avec la création de nouvelles régions, la valorisation de la fonction publique des collectivités ; la création des Agences de développement régionale pour accompagner la réforme, s’est réjoui les conférenciers.
Le directeur de la coopération française, Denis GOURNAY, a souligné que la décentralisation s’exerce dans le cadre d’un État unitaire. Selon lui, les collectivités ont des pouvoirs et des compétences limités ou encadrés. Un État qui se décentralise est un État qui, dans sa pleine souveraineté, décide de déléguer certains pouvoirs aux collectivités et peut les reprendre dans le cadre de sa souveraineté. Selon lui, l’État unitaire centralisé ne permet pas au particularisme, aux tendances électorales locales de s’exprimer localement. À cela peuvent s’ajouter la lourdeur administrative et la bureaucratisation, dit-il. C’est pourquoi la décentralisation permet aux collectivités de prendre toutes les initiatives à condition de ne pas violer la loi. La mise en œuvre de la décentralisation se heurte souvent au faible niveau des élus. Mais pour le conférencier, on ne peut pas se baser sur le moins de qualification des élus pour renoncer à la décentralisation. De son avis, c’est la pratique qui fait davantage évoluer la décentralisation. Pour convaincre les uns et les autres qu’il est important de poursuivre le processus de décentralisation, malgré les faiblesses, le conférencier a fait sien un adage de l’ancien président français, François MITTERAND qui dit : « Il y a toujours un avenir à ceux qui pensent à l’avenir ».
Gestion adaptée aux changements politiques
Le directeur du PADRE, François MENGUELE, a soutenu que la décentralisation apparue au début des années 1990, dans beaucoup de pays ouest-africains, comme la forme de gestion la mieux adaptée aux changements politiques importants, notamment les revendications populaires, qui avaient cours dans ces pays avec l’instauration de la démocratie. Aujourd’hui, la décentralisation existe dans la constitution d’une trentaine de pays africains sur le continent, a expliqué le conférencier. Aussi existe-t-il une charte africaine de la décentralisation. Si la décentralisation existe depuis 1990 sur le continent, M. MENGUELE déplore toutefois un défaut d’appropriation chez les populations. Aujourd’hui, il s’agit, selon le conférencier, pour les pays africains d’aller vers la mutualisation des expériences pour relancer le processus qui semble bien gripper, car la décentralisation est une réforme de société.
Acquis de la décentralisation
Dans son intervention, le président du Conseil régional de Tombouctou, El Hadj Mohamed IBRAHIM, a insisté sur le rôle majeur joué par les collectivités pendant la crise de 2012, notamment au nord du pays. Selon lui, la décentralisation est un projet politique, mais aussi un projet de société. Malgré les tergiversations des acteurs dans le processus, il y a eu, a-t-il, un bond, à la fois, qualitatif et quantitatif dans les collectivités en termes d’infrastructures. Selon lui, il faut profiter de la crise pour sortir de certaines postures. Il faut transférer les ressources financières aux collectivités. Avec la mise en œuvre de la réforme, le Mali fera un bond satisfaisant, est-il convaincu. Il s’agit de refonder l’État, de réinventer le modèle de décentralisation malien, a-t-il indiqué. Avec la signature des contrats plans (État collectivités), du transfert des ressources financières à hauteur de 30 % à l’horizon 2018, la réforme suscite beaucoup d’espoirs chez les acteurs.
Le défi
Pour sa part, le ministre Mohamed Ag ERLAF, indique que le problème de la centralisation peut s’expliquer au Mali par le fait que c’est le courage politique qui pris le pas sur les capacités techniques et financières avec 682 nouvelles communes rurales créées par décision politique. C’est pourquoi, a-t-il expliqué, les premières années de la décentralisation ont été un calvaire, aussi bien pour l’État que pour les collectivités, ainsi que tous les autres acteurs intervenant dans le processus. Selon Ag ERLAF, grâce à la volonté politique et l’appui constant des partenaires, la décentralisation est une réalité au Mali. Dans ses propos, il ressort que, chaque année, près de 200 milliards F CFA sont injectés par l’État et ses partenaires dans les domaines de développement divers. Pour la ministre, le problème de la décentralisation au Mali, au-delà du faible niveau de transfert des ressources financières, le défi majeur de notre processus de décentralisation reste le citoyen contribuable. « On ne peut pas continuer à financer notre décentralisation par les contribuables des pays partenaires », a-t-il conclu.
En définitive, ce débat d’idées a permis aux experts de partager leurs expériences avec le grand public en matière de décentralisation, en Afrique et en France.
Par Abdoulaye OUATTARA
Il faut, plutot, dire la capitulation de l’eta salué!
apres chaque compromis l’ enemy strategiquement avance vers la destruction de l’ etat
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