Je ne comprends pas les propos de certains internautes qui accusent le doyen et militant de la liberté, M. Amadou Seydou Traoré, dans l’affaire qui l’oppose aux enfants de feu Dr Faran Samaké. Certains vont jusqu’à l’insulter. Ce n’est pas poli car on ne peut aimer une chose et son contraire. Ceux qui l’insultent n’ont aucun droit de l’insulter car ce qu’on ne peut dire à son père, il ne faut pas le dire au père d’autrui.
Certains journalistes ont analysé qu’Amadou Seydou Traoré et "ses avocats ne pourront fournir à la barre la preuve de ce qui était jusqu’ici une rumeur sans fondement établi". Pourquoi ce journaliste escamote les propos du capitaine Sounkalo Samaké qui a dit dans son livre, "Ma vie de soldat", page 134: "Auparavant, le Docteur Faran Samaké est venu me voir pour me dire: je suis le médecin de la commission d’enquête. L’accident que tu as fait t’a fait perdre la moitié de la cervelle. Les clichés sont là. Donc tu diras simplement que tu n’étais pas conscient de ce que tu as fait. On t’hospitalisera au Point G et au bout de deux mois, on te relaxera.
– Faran, regarde-moi bien. Je suis un officier : j’ai assumé de hautes responsabilités. Devant la mort, tu veux que je me fasse passer pour un fou? A ma sortie, comment je vais pouvoir regarder les gens? Je refuse! Je vais au poteau.
Après cela, ma femme Saly est venue me voir pour me dire que Faran a pris contact avec elle pour lui dire que j’ai refusé d’être libéré. Je lui ai dit: ce n’est pas la peine. Allez- vous marier; je refuse, je vais au poteau.
Faran a cru que j’allais parler. J’ai appris plus tard sa mort. Je ne sais pas comment cela s’est passé mais voilà ce que je sais de la mort du Président Modibo Kéita."
Le capitaine Sounkalo Samaké est clair ici dans sa vérité "bamanan" même s’il a escamoté les événements de Intadénit (février 1973) car, nulle part dans son livre, il n’a parlé de la torture de M. David Coulibaly et des consignes données à l’infirmier – major du poste militaire de n’apporter aucun soin aux détenus politiques qui venaient d’être torturés.
Faran, médecin de la commission d’enquête, incontestable.
Pourquoi Faran a peur que Sounkalo ne parle ? Parmi tous les détenus des événements de février 1978, quelle particularité avait Sounkalo pour Faran ? Faran était le médecin de la commission d’enquête. C’est incontestable. Dans son livre, "Transferts définitifs", le colonel à la retraite, Hacimi S. DEMBELE, rapporte que lorsque le jeune lieutenant est venu l’informer de la mort du Dr Famakan, il a informé à son tour le colonel Zanzourou, à savoir Tiécoro Bagayoko. Ce dernier a mis la main sur sa bouche et a fait quelques minutes avant de dire ceci: "pauvre cousin, il m’a sous-estimé… " (Vous comprenez, j’ai paraphrasé l’auteur). Tiécoro Bagayoko avait refusé de dévoiler le secret en question car il disait que c’est collectif. C’est là qu’il faut rejoindre la grande idée avancée dans "Le Challenger n° 654 du 08/11/10." Le secret collectif, dont parle Tiécoro, signifie bien qu’il n’est pas le seul à prendre la décision. Et la position de son chef hiérarchique, Kissima Doukara? Pourquoi prendre Faran Samaké, un psychiatre comme médecin – traitant du Président Modibo? La relation parentale entre Tiécoro et Faran. Ce dernier devient son homme de confiance et d’exécution. Pourquoi Faran avait mis du temps pour évacuer le malade moribond ? A l’époque, n’était-ce pas urgent d’évacuer un malade en état de nécessité? Un intellectuel doit se poser des questions par rapport à l’attitude d’un médecin qui est en face d’un malade en situation très difficile.
Il faut aussi poser la question de savoir si ce qui s’est passé entre Faran et Sounkalo ne s’est passé entre Tiécoro et Faran. Il n’ y a pas panique de ce dernier car il a eu à les rencontrer tous, parce qu’il est le médecin de la commission d’enquête.
Avant, les livres du colonel Hassimi S. DEMBELE et du capitaine Sounkalo Samaké, il y’ a eu l’interview du colonel Joseph Mara dans les n° 20 et 21 respectivement du 27/01/1993 et du 03/02/1993 février du journal "LE REPUBLICAIN ". A la question: " Et Modibo Kéita? Dans quelles conditions est-il mort? " Mara répondit: " …. Quand je suis revenu, j’ai demandé à Moussa: " qu’est – ce que Modibo a eu ? "Il m’a répondu: " on l’a trouvé mort comme ça. On ne sait pas. " Un homme (Mara) qui, quelques semaines après la chute de Moussa, avait annoncé sur les antennes de l’Ortm qu’il allait livrer sur la place publique les circonstances de la mort du Président Modibo Kéita. Sur les mêmes antennes de l’ORTM, on avait annoncé que ce débat ne se fera pas. Pourquoi ?
Qui l’avait dissuadé?
Dans " LE REPUBLICAIN ", la question suivante a été posée au colonel Mara en ces termes: "L’autre jour, le procureur général, Manansa Danioko, a évoqué la mort du docteur Faran Samaké, suspecté d’avoir fourni le poison qui a tué Modibo."
Mara répond: "Bon, Faran aussi sa mort est mystérieuse. Je me trouvais à Bamako. Les membres du CMLN s’étaient rendus à une cérémonie à Badalabougou. J’ai demandé à Moussa: " Comment Faran est mort? ". Il m’a répondu qu’il ne savait pas, qu’on disait seulement qu’il s’était tué. Voilà ce qu’il m’a donné comme réponse s’agissant de cette affaire-là aussi. "
Ceux qui demandent " Qui a tué Fily Dabo ? " ont leurs idées à travers une telle question. Au moins, Fily Dabo a été présenté devant une juridiction même si ses défenseurs critiquent cette juridiction. Il avait aussi reconnu les faits qui lui étaient reprochés. Ses défenseurs n’ont jamais voulu aussi parler de leur relation à Kidal (lui et ses amis) avec Sidiki Konaté, le bourreau prestidigitateur. Seul, le doyen maître Demba Diallo (Paix à son âme !) avait parlé de cette fameuse rencontre de Fily et ses amis et ce prestidigitateur depuis 1995 dans un entretien qu’il avait accordé au journal "L’Indépendant" (Septembre 1995). Maître Demba Diallo avait aussi refusé de défendre Sidiki devant la Cour d’assises du Mali à Gao en fin d’année 1971 et début janvier 1972. Sidiki a été condamné à mort et fusillé en septembre 1972. Le Président Modibo et ses camarades n’ont jamais été présentés devant une juridiction. Toutes les enquêtes faites sur eux, de novembre 1968 et après, n’ont prouvé nulle part qu’ils avaient détourné l’argent du peuple.
Pour ceux qui avaient suivi le procès d’octobre 1978 sur Kissima et ses camarades, Tiécoro avait dit ceci: " Vingt-quatre heures après le coup d’Etat, chaque membre du CMLN a pris UN MILLION à la banque. " Lorsque le colonel DEMBELE a écrit dans son livre que Tiécoro avait demandé la libération des policiers car l’ordre émane de lui, (c’est vrai et j’ai été un témoin) il aurait dû parler dans son livre de cette somme qui venait d’être volée par des officiers subalternes qui n’avaient aucune compétence juridique si ce n’est le fusil. C’est ça " l’heure de liberté a sonné " comme le clamait Moussa Traoré. Quel serment ont des officiers de la République qui renversent un régime pour aller le lendemain casser leur banque! Ils valent moins que le général Batista de Cuba.
Qui a donné l’ordre de décaissement des quatorze millions? Et comment Tiécoro demande à son "tonton" Hacimi de le rendre propre du côté de l’argent pour ne pas déshonorer sa famille?
Ceux qui disent aussi " que tout prisonnier finira par mourir " doivent comprendre aussi qu’on a le droit de savoir comment le prisonnier est mort. Ils doivent comprendre aussi que chacun a droit à une justice. Comment un comité militaire qui n’a aucun fondement juridique, prend le pouvoir et enferme les autorités d’un pays et les garde en prison pendant sept et dix ans sans jugement?
Le Mali n’est la propriété de personne
Personne n’est contre que les héritiers de Fily Dabo demandent comment leur père est mort. Tout le monde a le droit, même les enfants des événements de 1978. " Là où une zone d’ombre échappe au regard du peuple, il n’ y a pas de république "(François Mitterrand). Le secret d’Etat est une atteinte à la démocratie. Nulle part, il n’est écrit dans une constitution que le président de la République peut tuer un citoyen sans raison fondamentale. On doit savoir de quoi est mort le Président Modibo Kéita qui a fait de beaucoup de fils de paysans de ce pays de hauts fonctionnaires civils et militaires avec sa politique socialiste de l’enseignement.
Le Mali n’est la propriété de personne. Personne n’a le droit de tuer son prochain et aller dormir tranquillement. Savoir la vérité n’empêche jamais le pardon et la réconciliation nationale. Comprenez aussi que le CMLN n’a jamais mené une politique de réconciliation nationale. C’est la mosquée (milieu de culte) qui peut réconcilier les gens. Mais quand un membre du CMLN va jusqu’à voler une partie de l’or destiné à construire la grande mosquée de Bamako, où doit-on parler de réconciliation? Les voleurs ne peuvent pas réconcilier des citoyens.
Le CMLN n’a pas été sincère et tous ceux qui ont été membres doivent être considérés comme des putschistes. Diby et son camp de Kidal n’ont pas cautionné le coup d’Etat et n’ont jamais envoyé une motion de soutien au CMLN. Dans le n° 654 du Challenger du 08/11/10, le journaliste Bacary Camara se pose la question de savoir si Yoro Diakité " savait réellement qu’un coup d’Etat se tramait contre le président Modibo? ".
"Oui" selon le colonel Joseph Mara dans LE REPUBLICAIN n°20 du 27/01/1993. Mara a dit ceci: " …Moussa n’a pas été le seul à préparer ce coup d’Etat. Nous avons tous préparé, de façon minutieuse, ce coup d’Etat. Je ne pense pas que l’initiative soit venue de lui. Feu le capitaine Yoro Diakité était un élément démocrate, qui ne souffrait pas la domination, la dictature. Il faut le reconnaître, je pense que ça vient de lui, parce que déjà en 1965, Yoro Diakité a eu à me contacter pour perpétrer un coup d’Etat."
Mara poursuit dans cette longue et si riche interview que "Pour moi, Yoro est l’auteur intellectuel de ce coup d’Etat- là. Depuis 1965, Yoro m’en avait parlé. Je venais de terminer l’Ecole des officiers de Kati (l’EMIA). Pour moi, Yoro est le premier à m’en avoir parlé. De par son caractère, sa trempe, son état d’âme d’alors, il ne pouvait accepter le régime. Il faut être honnête………… Mais comme on le dit en bambara, chez nous: " ni djougoukèra sossaniyé, i ka son ko à koulo kadian". "Tu as beau détester le lièvre, tu ne peux ne pas reconnaître qu’il possède de longues oreilles."
Dans un de ses livres, l’éminent intellectuel malien, Toumani Djimé Diallo, écrivait que le coup d’état de 1968 a été une "liesse populaire ". "Il oublie que le peuple est lâche et versatile. " (Leconte de Lisle, parnassien français). C’est le même peuple qui a demandé le retour de Modibo en 1977. Au lieu de l’amener, on le tue.
M. Amadou Seydou Traoré est un homme de conviction et d’idéal pour la liberté et la justice. Même au fond de sa prison à Intadénit (Kidal) pendant les années de plomb du CMLN, il n’a pas été paniqué. Il a voté NON au référendum de 1958. Il a perdu son métier d’enseignant et son salaire pendant deux ans. Il n’a jamais courbé l’échine. Celui qui n’a pas peur à 40 ans, ce n’est pas à 82 ans qu’il va paniquer. C’est un homme sincère et de conviction.
Tout homme peut dire la vérité sans mentir et sans prendre le salaire de la trahison en empruntant ce terme au Président Sékou Touré (Paix à son âme !). "Toutes les réponses du monde ne justifient pas qu’on ait jeté aux chiens l’honneur d’un homme." (François Mitterrand).
Donc, laissez le doyen Amadou S.TRAORE en paix. Ce n’est pas en laissant des zones d’ombre sur les questions d’intérêt national qu’un gouvernement peut mener une politique de réconciliation nationale. Une réconciliation nationale se prépare avec minutie. Dire la vérité n’empêche pas la réconciliation. Ce travail sur la recherche de la mort du Président Modibo, devait s’inscrire dans le carnet du Président Alpha mais, malheureusement, il a une épine dans son pied: ancien ministre de la Jeunesse et des sports de Moussa. La partie la plus positive du Président Alpha, c’est de laisser Moussa en vie et il voit le pouvoir pour lequel il disait qu’il va mettre une couronne d’enfer sur le cou des Bamakois.
Moussa Traoré a un problème fondamental: l’orgueil. Je dis que c’est mauvais. Le pardon au peuple doit venir de lui. Le Président ATT aussi ne doit pas nous imposer Moussa même s’il a gouverné le Mali pendant 23 ans. Le capitaine Sounkalo Samaké mérite le pardon car il a reconnu toutes ses fautes. Voilà que son livre a été même préfacé par le doyen Amadou Seydou Traoré ! C’est ça la vraie réconciliation.
Moussa Traoré et Youssouf Traoré ne peuvent- ils pas écrire ? Déjà en 1978, lors d’une conférence de presse tenue à Koulouba (sans bic ni papier d’après le journaliste Lamine Coulibaly), Moussa Traoré avait fait savoir que le colonel Youssouf pourrait écrire dans ses mémoires son rôle qu’il a joué dans le coup d’Etat de 1968 qui a "été déterminant" selon lui.
Je vous remercie.
Yacouba Aliou