Dans l’euphorie de mars 1991 et de
Le Président américain a 50 Etats et le reste du Monde à gérer, à surveiller et à gendarmer. Il a une partie de notre sommeil entre ses mains. Il fait face, tous les jours que Dieu fait, à un vrai débat, à de vrais opposants, aussi puissants que redoutables et déterminés. Il a des électeurs qui votent et ne badinent pas avec leurs suffrages. Il est le Commander in Chief de l’armée la plus puissante et la plus belliqueuse de la planète, le régisseur de studieuses agences de renseignement. Il envoie des appareils pour sonder les profondeurs des cieux en haut et des abîmes plus bas que la terre, il est le garant de réserves énergétiques et minières incomptables et infinis, le détenteur des codes de mise à feu de terribles engins nucléaires. Il pense, il réfléchit, il reçoit, il travaille et se dépense physiquement et intellectuellement à la limite du surhumain. Il n’a pas le temps. Même un seul mandat suffit à le vieillir et à l’user comme une loque. Pour sa santé il lui est plus judicieux de se retirer et,
Nos Présidents africains, au contraire, sont tranquilles comme des copieurs colleurs. Ils ont beaucoup moins de travail. Un verre de thé entre deux audiences accordées à des gens, qui viennent leur dire ce qu’ils savent déjà, ou entendre un prétendant au poste, mentir sur celui qui l’occupe, les amuser à recueillir quelques leçons additives sur la nature humaine. Inaugurer quelques infrastructures, plaisanter un peu, faire un peu de sport, s’ennuyer un peu, voilà qui ne vieillit pas un homme et qui ne l’use pas autant qu’on puisse le penser. Ce n’est pas Houphouët Boigny, Hassan II, Omar Bongo, paix à leurs âmes, Moussa Traoré, Hosni Moubarak ou Kadhafi, longue vie à eux, qui nous démentiront. La limitation des mandats est donc, comme qui dirait, une vérité au-delà de l’Atlantique et une erreur en deçà.
Car, ce qui est important et objectif ce sont des élections transparentes qui reflètent honnêtement le choix du peuple, et le moyen absolu d’y parvenir. Que personne ne puisse par des moyens détournés s’adjuger le suffrage universel. Voilà ce que nous devrions chercher par tous les moyens. En ce moment, le jour où le Peuple ne voudra pas d’un homme, il le lui fera savoir par les urnes, même si il n’a accomplit qu’un mandat. L’interview accordée par ATT aux médias français, vendredi dernier, a effleuré la question sans y aller en profondeur. Ce qu’il nous faut ce sont des électeurs conscients qui savent à quoi ils s’engagent, qui ont compris absolument ce qui leur est proposé et qui y adhèrent ou le rejettent de façon tout à fait responsable et lucide. Ce qu’il nous faut c’est d’obtenir grâce au RAVEC et nos volontés, un système électoral fiable, dussions- nous y dépenser toute une fortune, pour que les résultats reflètent effectivement la volonté des électeurs. Ce qu’il nous faut c’est un nombre illimité de mandats afin de pouvoir continuer avec les bons tant que le peuple le veuille et stopper sans procès les méchants, si leurs résultats le recommandent. Parce que après tout, il n’est pas légitime et bienséant de refuser, fusse-t-il par voie constitutionnelle, au peuple de pouvoir choisir celui qu’il désire et c’est tricher aussi avec lui que de lui imposer un choix, même entre plusieurs personnes à l’exclusion d’autres. Car au-delà de la limitation des mandats, c’est la limitation du pouvoir de choix du peuple, sensé être souverain, que
Le constituant de 1992, naïf, pensait pouvoir prémunir le peuple contre d’éventuels dérapages par la limitation du nombre des mandats, mais c’est comme s’il offre un blanc-seing de 10 longues années à celui qui arrive au pouvoir et à qui il tient à peu près cet inaudible discours : « Monsieur le Président, te voilà au pouvoir grâce aux méthodes que tu sais, au premier plan de la conduite de notre destinée commune, tu peux piller notre économie, tu peux nous affamer, nous brimer pendant dix ans, tu peux faire fructifier la corruption en faveur de tes proches et de ton clan, tu peux tuer l’école, la santé, tu peux nous mentir et faire tout ce que tu veux mais, seulement pendant dix ans. Tu n’iras pas au-delà, ici s’arrête ton manège destructeur et l’orgueil de tes ambitions Mais, profite des dix ans pour faire ce que tu veux, pour ou contre le peuple. » Ainsi pendant dix ans on peut s’amuser en toute légalité à détruire un peuple et son avenir, pourvu qu’on achète les consciences, le vote et les cartes d’électeurs pour une journée de dimanche. 1000 ans ne suffisent pas pour réparer le tort fait pendant 10 ans à tout un peuple. Où est donc notre protection si pendant dix ans on peut nous détruire.
Il se peut que Dieu, dans sa mansuétude, envoie un jour à ce brave peuple qui le mérite bien, un bon président, un président jaloux du bonheur de son peuple et de l’image de son pays. Alors il entendrait à peu près ce langage après dix ans de bons et loyaux services : « Te voilà Monsieur le Développeur au terme de ton dernier mandat. Tu nous as tout donné, de l’eau à boire en abondance, de la nourriture à satiété, des hôpitaux et des routes, des salles de classes, un toit et un bon salaire, de l’emploi et de la dignité. Les étrangers se pressent pour entrer dans l’Eldorado qu’est devenu notre pays, dix milles de nos ennemis tremblent devant un seul de nos soldats. Nos jeunes filles sont belles et désirables et nos garçons pleins de vigueur et d’initiative Le peuple te réclame mais nos lois te rejettent. Nous ne voulons plus de toi, place maintenant à cet Inconnu qui nous promets monts et merveilles, même si nous avons la certitude qu’il ne fera pas comme toi. Tu t’en iras et tu ne nous laisses aucun regret, bon débarras ! »
Dans ce pays, le débat sur la limitation des mandats est bêtement devenu un tabou. D’abord, parce que Daba Diawara et sa commission, pour ne pas être critiqués ou ayant mal compris ce qu’on peut attendre d’eux, sont tombés dans l’enfantillage de ne pas le toucher, pour plaire à qui, on se le demande ? ATT et ses partisans se gênent de le faire pour ne pas être soupçonnés de vouloir chercher un troisième mandat. Ensuite parce que ceux qui doivent faire le débat, les intellectuels du camp présidentiel en premier chef, se sont tous cloîtrés dans une couardise sans nom et enfin parce que quelques ambitions personnelles veulent prendre le destin de tout un pays en otage sur des critères vides et douteux, promettant une opposition vigoureuse. A-t-on interrogé le peuple des villes et campagnes, les maliens qui n’ont pas la chance de s’exprimer dans les médias et qui ne font ni trompettes ni tintamarres et qui sont la majorité électorale véritable ? Doit-on tuer le débat sur la limitation des mandats parce que quelques politiciens qui ne se plaisent pas aujourd’hui s’y opposent sans arguments véritables ? A quoi voudrait-on s’opposer, au référendum ou au déverrouillage du nombre de mandats ? Les mandats des députés et des maires doivent-ils aussi être limités ? Quelle est donc cette réforme qui ne suscite pas de débats ? Après tout c’est au peuple que la question sera posée et si les politiciens sont autant forts qu’ils le prétendent qu’ils se battent donc à faire échec au projet de constitution par les urnes et non à vouloir finir le débat avant que ça ne commence. Kennedy ne disait-il pas qu’il ne faut jamais négocier sous l’emprise de la peur, mais qu’il ne faut jamais avoir peur de négocier.
Ce dont le peuple a besoin ce n’est pas forcément un parti politique au pouvoir, mais une gouvernance dynamique qui lui offre des conditions de vie meilleure et une paix durable, gage de tout développement. Un parti peut crever que le peuple s’en fiche gaillardement. Le peuple ce n’est pas ceux qui font du bruit en français, c’est surtout ceux qui constatent la qualité de la gouvernance à l’aune de la marmite et de l’écuelle.
Car après tout, l’élection de ATT, candidat sans parti en 2002, malgré l’existence d’une myriade d’entre ceux-ci, a été un vote sanction du peuple souverain. Et, bien que huit ans se soient écoulés, les partis politiques maliens, qui s’opposent à l’ouverture politique, loin d’évoluer, conservent toujours leurs tares et leur puérilité. Absence de programmes adéquats, absence de conviction, mal assurés contre les divisions internes et les transhumances, recherche effrénée de postes ministériels, égocentrisme exacerbé. Le parti politique malien s’est avachi et discrédité aux yeux de son peuple qui ne voit en lui que des promesses vaines et la volonté continu de vivre et de faire vivre ses militants sur son dos. C’est donc bien quelque chose que le peuple attendait d’ATT en 2002. C’est dire que le contexte aujourd’hui ne se prête pas à l’arrivée au pouvoir dans les quatre ans à venir de partis politiques tel qu’ils se présentent aujourd’hui, tant aucune réforme institutionnelle significative n’ a eu lieu pour nous préserver des bévues partisanes créées de par le passé. Les plus costauds d’entre les partis politiques, que semblent l’URD, l’ADEMA et le RPM n’ont pas terminé avec leurs crises d’adolescence et leurs interrogations. En leur sein émergent désespérément des ambitions inconciliables, des rancunes indétrônables et des rêveries suicidaires dont le pays, déjà fragilisé, n’a nullement besoin. Mais ces partis sont aussi ceux qu’ATT doit s’efforcer de convaincre de voter largement en faveur de la nouvelle constitution. Parce qu’ils existent quand même et que s’ils inscrivent leur existence dans la durée et au-delà des ambitions des leaders de l’heure, qui semblent dans une course contre le temps, ils auront la modestie de penser un peu plus au pays. Et il est évident que de « vrais démocrates », « anciens combattants sincères pour la liberté » ne peuvent refuser la parole au peuple à travers un référendum. A moins de renier leurs convictions et de dire : « il faut que cela nous arrange d’abord, s’en fout le bonheur du peuple. »
Quant à ATT s’il n’inspirait pas confiance, alors, tous ces partis à l’appétit aiguisé aujourd’hui, n’allaient pas, tous, les uns après les autres, se battre pour être avec lui, à un moment donné. Et pour peu qu’il veuille abandonner sa réserve, pesante même pour ses amis, sa position sur la défensive et de sa bonté qu’on ne lui reconnaît guère, le peuple ne lui dira pas non. Il est le mieux placé pour connaître tout ce beau monde dans leur morale profonde. Il sait donc pourquoi il veut une réforme pour le Mali et, personne de bonne foi, ne peut lui en vouloir, de vouloir interroger le peuple sur notre avenir constitutionnel, y compris sur la limitation des mandats. Il sait aussi que s’il ne se présente pas en 2012, il décevrait les millions de maliennes et de maliens qui ont mis leur espoir en lui et en sa politique impartiale et consensuelle. Surtout que, la possibilité pour Alpha Oumar KONARE (première victime de cette mesure), de se porter candidat en 2012 pourrait, sur un plan, harmoniser et équilibrer le débat. On sait aujourd’hui que pour pouvoir réunir les maliens autour de quelque chose, il faudrait dire « politiki ko tè, yèrè ko dé do », sinon on vous tourne le dos dès que vous dites que c’est tel ou tel parti qui nous envoie. Ceci traduit bien le fossé creusé entre des partis politique et la majorité de nos concitoyens qui cette foi-ci ne resteront pas silencieux.
Le référendum c’est le droit du peuple, que tous les partis réunis ne peuvent lui confisquer. Et ce qui n’est pas touchable dans la constitution est bien connu et spécifié. Le refus de quitter la limitation des mandats est donc une caduque vue de l’esprit, qui n’a aucune valeur légitime. C’est aux partisans d’ATT, aujourd’hui disparus et méconnaissables, au peuple reconnaissant des efforts gigantesques de construction nationale, à la jeunesse qui lui est restée attentive et fidèle, de reposer le débat et de convaincre l’Electeur souverain qui n’a rien à avoir avec des partis politiques qui sont plutôt des retrouvailles insignifiantes d’amis et de copains qui, saisis de je ne sais quelle panique, jouent à faire peur au Général et à ses troupes. Si Alpha accepte le deal, ce n’est déjà pas mal, il a tout le temps de se préparer.
C’est un débat entre maliens pour le devenir du Mali démocratique. C’est l’avenir du Mali qui est en jeu. Et pour l’avenir de notre pays aucun débat n’est de trop. Tout le monde y a sa place. N’ayons pas peur du débat et cessons de nous confiner dans des sentiers battus, car après tout, le Mali, c’est nous qui le ferons et tôt ou tard, il va falloir revisiter
Karim FOMBA