Crise politique malienne : Le nouveau visage du débat politique

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Koulouba : Le Président de la République rencontre les leaders de la CMA et de la Plateforme (samedi, le 27 février 2016)

Au lendemain du vote, à l’Assemblée nationale, de la loi relative à l’instauration des autorités intérimaires sous le boycott de l’opposition, la crise politique qui jadis opposait les politiques du Nord à ceux du Sud, est en passe de muer en une crise entre les seuls politiques du Sud. Pour le meilleur ou pour le pire ?

Bien qu’étant la résultante d’une chaîne d’évènements, certains faits sont vus comme le départ d’un tournant décisif dans la vie d’une nation. En ceci qu’ils marquent au fer rouge le changement très prononcé entre une situation paisible et une autre violente. Ou vice-versa. C’est en l’occurrence dans cette catégorie de faits marquants qu’il sied de ranger le vote de la loi sur les autorités intérimaires de notre pays.

Comment ce vote a redessiné les axes politiques

Née, selon les gouvernants maliens, de la volonté de doter le Nord du Mali d’autorités administratives légales en vue d’accélérer l’application de l’Accord de paix et de réconciliation issu du processus d’Alger, cette loi n’a pas bénéficié de l’onction de toute la classe politique. En effet, l’opposition, par sa représentation à l’hémicycle, n’a pas voulu s’associer à sa naissance au motif qu’elle serait anticonstitutionnelle et qu’elle marque le bradage de notre pays aux bandes armées du Nord. Ce qui a donc pour conséquence immédiate l’inversion des axes de confiance et de méfiance.

Avant cette loi, les suspicions étaient beaucoup plus entre l’ensemble de la classe politique malienne et les mouvements armés. Mais aujourd’hui, après ce vote, la confiance s’établie crescendo entre Koulouba et les mouvements armés du Nord. Si on en juge par les déplacements d’hommes et de fonds qui se sont signalés ces derniers temps à la faveur des rencontres de Kidal, bien que ratées, et celles de Ménaka mieux orchestrées. Sans oublier que la fissure causée par les derniers évènements de Kidal contre les forces de maintien de la paix, ont entamé le rognage de l’image que les Français se faisaient des leaders locaux, les obligeant de facto à rejoindre franchement le camp de la paix s’ils veulent éviter l’isolement, alors que certains d’entre eux sont en perte de vitesse avérée.

S’il a donc réussi à attendrir les cœurs et rétablir un soupçon de connivence entre les leaders politiques des groupes armés du Nord et les locataires du palais surplombant la colline la plus prestigieuse du Mali, ce vote a d’une toute autre manière, scellé la division entre les deux familles politiques de notre démocratie; le pouvoir et l’opposition.

C’est une loi née d’un seul parent et dans des conditions de vote calamiteuses, pourrait-on dire. Puisque ni l’opposition ni le pouvoir n’a daigné engager le débat de fond pour déboucher sur un consensus. C’était du genre « nous on s’en va » et « nous on peut se passer de vous ». Ainsi, pendant que les premiers saisissent la Cour constitutionnelle pour faire annuler la loi, les derniers affichent leur satisfaction d’un texte devenu loi. Et chaque partie campe sur sa position sans donner aucune chance à la situation de prendre une voie moins encline à la confrontation. Ni officiellement ni officieusement. Ce qui n’est pas sans dangers si nos hommes politiques persistent dans cet entêtement visant à négliger ou à maudire l’autre en face de soi.

Ce qui risque de se produire

Autant il était malséant d’être en porte-à-faux avec les leaders politiques des mouvements du Nord, autant il est dangereux que s’installe la confrontation entre le pouvoir en place et l’opposition. Car on ne peut présager ce que décidera de faire notre opposition en cas de confirmation de la loi relative aux autorités intérimaires par la Cour constitutionnelle. S’en contentera-t-elle ? Quel recours lui resterait-il, si la procédure légale est épuisée et qu’elle n’a pas gain de cause, sinon de prendre la rue avec les conséquences qui peuvent en découler. La situation actuelle entre le pouvoir et l’opposition présage donc beaucoup de dangers à l’horizon.

D’abord parce que cela sonne le glas des complots et autres coups fourrés dans lesquels l’une et l’autre des parties tentera de piéger l’adversaire. On ne recherchera plus que les manigances en mettant en avant les vautours et autres fossoyeurs qui ne feront que causer l’escalade entre les états-majors. On en serait à qui porterait le coup fatal. Déjà, le ton de cette guéguerre est donné avec le désormais dossier « Soumaïla Cissé a détourné 27 milliards de l’Uemoa » dont le Rassemblement pour le Mali (RPM), au pouvoir, semble bien décidé à remuer jusqu’au bout. On ne tardera sûrement pas à voir l’opposition brandir un dossier de son côté contre le pouvoir. Ainsi, les vrais problèmes du Mali seront ramenés à des planchers inférieurs.

Ensuite, il y a l’ébullition du front social pour réclamer de meilleures conditions de vie et de travail. Des combats très nobles qui pourraient tomber dans la bassesse si l’opposition politique s’en servait pour couper le souffle au pouvoir d’Etat, ou encore si le pouvoir lui-même, refusant de les régler, les banalisait en les taxant  de manipulation de l’opposition visant à nuire au fonctionnement du pays. Ce qui consacrerait, dans un cas comme dans l’autre, le sacrifice des droits légitimes des travailleurs sur l’autel des intérêts politiciens.

La plus grave des conséquences serait le remue-ménage qui résulterait des mouvements de marches, sit-in et autres grèves. Les risques de débordement étant les plus forts, on pourrait se retrouver avec des dégâts matériels et même des pertes en vie humaines. Pire, l’ennemie rodant parmi nous, ces terroristes sans scrupule n’hésiteraient pas à nous réduire à l’état de simple chair en se faisant exploser lors de ces manifestations comme c’est le cas en Turquie depuis plusieurs années maintenant.

On en serait à se rejeter la faute entre pouvoir et opposition alors que les familles éplorées tourneront du regard pour sentir le réconfort autour d’elles. Et pourtant ceci n’est pas notre destin encore moins l’un de nos projets pour ce pays que nos pères nous ont laissé et que nous devons laisser en retour à nos enfants dans le même état à défaut d’avoir réussi à l’améliorer.

Le débat s’impose au nom du peuple et pour le peuple

Le Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des opérations de maintien de paix, Hervé Ladsous a presqu’imploré les parties maliennes engagées dans le débat sur l’instauration des autorités intérimaires à accorder leurs violons en allant aux plus pressés. C’était lors de la conférence de presse qu’il a tenue ce 2 mai à Bamako sur les trois jours de travail qu’il a effectué sur notre sol. Si nous accordons notre opinion à la sienne au sujet de la représentation du pouvoir d’Etat à travers les autorités intérimaires dans la zone septentrionale du Mali, nous insisteront sans le langage de la diplomatie pour dire que les discussions entre le pouvoir et l’opposition seraient les seules à même de nous tirer de cette bataille juridique engagée. Le débat, les compromis dans le respect de l’autre et de ses propres engagements sont la seule bouée de sauvetage pour éviter de noyer le peuple dans des lendemains incertains.

Mais, c’est au pouvoir, bien plus qu’à l’opposition que revient l’initiative des discussions. Car si la situation se bloque, il sera le premier mis en cause. S’il a fait des concessions qui commencent à porter des fruits au Nord, il ne devrait pas rester rigide face à l’opposition démocratique qui, à dire vrai, a plus de légitimité que les groupes armés nordistes. Pire, leurs contre-actions seraient porteuses de doutes sur notre fébrile paix. Il faut qu’on comprenne cela pour le « vivre ensemble. »

Abdoulaye KONATE

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