Démission forcée ou pas, le départ du gouvernement Cheick Modibo Diarra, ouvre une nouvelle page d’incertitudes dans l’imbroglio sociopolitique et sécuritaire dans lequel le Mali est plongé depuis le 22 mars 2012.
Les jours se suivent et semblent se ressembler pour les pauvres populations du Mali, contraintes d’assister impuissantes à la déliquescence de leur Etat. En effet, depuis cette triste journée du 17 janvier 2012, le peuple malien semble abonné définitivement à vivre un cauchemar sans fin.
Humilié par la déroute sans précédent de son armée face à des groupes de narcotrafiquants et de terroristes, blessé jusqu’au tréfonds de son âme par les multiples trahisons dont il a été victime de la part de ceux-là à qui son destin avait été temporairement confié, la nation malienne n’en finit plus de se donner en spectacle et à s’exposer ainsi à la risée du monde entier.
Après un coup d’Etat militaire dont les auteurs auront toutes les peines du monde à justifier logiquement, ce fut l’agression que d’aucuns n’ont pas hésité à qualifier de tentative d’assassinat sur la personne du président de la République extrait à cet effet de ses propres bureaux et livré à la vindicte populaire. Que les faits et actes d’extrême humiliation ont été si nombreux en cette année 2012 pour le peuple laborieux du Mali. Aurions-nous tous subitement perdu la raison jusqu’à perdre notre âme ?
Nommé le 17 avril 2012 au poste de Premier ministre “de pleins pouvoirs” suite à l’accord-cadre du 6 avril intervenu entre le CNRDRE et le représentant du médiateur de la Cédéao dans la crise malienne, Cheick Modibo Diarra a réussi en si peu de temps à créer une sorte d’unanimité contre sa méthode de gestion des affaires publiques.
Choix des militaires à ce poste malgré les réserves d’une partie de la classe politique et de certains chefs d’Etat de la sous-région mais soutenu par une autre frange non négligeable de la classe politique nationale et de la société civile pendant les premiers mois de sa Primature, l’homme a multiplié “les ratés” lors de ses multiples sorties médiatiques, contribuant ainsi à créer les conditions de sa propre déchéance.
La cerise sur le gâteau a été le bicéphalisme qu’il était parvenu à installer de façon délibérée au sommet de l’Etat entre lui et le président de la République par intérim, dont il semblait de plus en plus défier l’autorité sur des questions importantes de la vie nationale, notamment l’organisation des concertations nationales et l’ouverture de négociation avec les mouvements rebelles maliens. La coupe était si pleine désormais qu’il fallait trancher entre les deux pouvoirs dans l’intérêt supérieur du pays.
Malgré que l’on puisse dénoncer les méthodes utilisées pour l’obliger à cette démission, mais s’il fallait en arriver là pour que le Mali puisse enfin parler d’une même voix comme l’exigeait depuis quelque temps la communauté internationale, alors on peut dire tant mieux. Mais également cela ne résout pas tous les problèmes du Mali d’aujourd’hui.
Au contraire, si l’on ne prend pas garde, cette démission risque de compliquer davantage une situation déjà plus que complexe et compliquée, tant au plan national qu’international. En effet, quelle image retiendra les partenaires techniques et financiers de notre pays avec cette autre irruption des militaires sur la scène nationale ? C’est vrai que depuis le coup d’Etat du 22 mars, l’ombre de Kati a toujours planée sur la gestion des grands dossiers de la nation. Mais, l’opinion publique nationale commençait à s’adapter à une situation inédite à elle imposée par le contexte du moment.
A présent, une nouvelle urgence vient s’ajouter aux deux principales missions des autorités de la transition, à savoir en plus de la résolution de l’occupation des régions du Nord et de l’organisation d’élections libres, transparentes, crédibles et démocratiques, il s’agit, pour le président de la République par intérim, de procéder immédiatement à la nomination d’un nouveau Premier ministre neutre et consensuel qui aura très peu de temps pour constituer lui aussi son gouvernement.
Ainsi, les priorités s’accumulent pour le Mali sans que les unes et les autres ne connaissent un début de solution. Face à cette situation d’un pas en avant et deux pas en arrière, on est en droit de dire “que de temps perdu et d’énergie gâchée à faire du sur place sans aucune avancée concrète et avec des perspectives de plus en plus sombres !”
Neuf longs mois pour en arriver à ce résultat, que fait-on du drame des populations ?
Bréhima Sidibé
Moussa Tangara, professeur d’enseignement secondaire
“Nous ne savons plus à quel saint se vouer”
“Cet acte m’a beaucoup déçu très honnêtement, parce que ça ne fait pas avancer le pays. Nous faisons un pas en avant et 5 pas en arrière. Depuis plus d’une année, le pays est dans ce chaos et nous ne savons plus à quel saint nous vouer et nous ne savons en qui faire confiance. Nous savons tous qu’à ce niveau d’instruction et de responsabilité ne peut pas amener le pays à bon port. Moi, je pense qu’ils devraient être à mesure de s’entendre, il s’agit du Premier ministre, du président de la République et de la junte. En réalité, cet acte nous montre qu’ils ont un sentiment pour le pouvoir, sinon la junte ne devrait plus être là. Quel rôle joue-t-elle ? Elle a fait le coup de force pour libérer le pays et remettre normalement le pouvoir à ceux qui doivent prendre les destinées de la nation. Le rôle de la junte n’est pas la gestion du pays, ni de semer la terreur comme elle le fait, mais pour récupérer l’intégrité du territoire. Avec ce coup, on peut s’attendre à un chaos, mais nous souhaiterions que Dieu nous donne la chance de tomber sur des gens plus patriotes que ceux-là. Peut-être le départ de ce PM peut être une porte de sortie de crise, on ne le sait pas”.
N. I
Sortie de crise en cause: Les putschistes gardent les commandes
Le Premier ministre malien Cheik Modibo Diarra a été arrêté dans la nuit sur ordre du capitaine Amadou Sanogo, contraint à la démission et placé en résidence surveillé.
Brutal retour sur terre pour l’astrophysicien. Naguère aux commandes de missions spatiales de la Nasa, le Premier ministre malien Cheik Modibo Diarra a été arrêté au cœur de la nuit sur ordre du patron de l’ex-junte Amadou Sanogo, “cerveau” du coup d’Etat du 22 mars fatal au pouvoir chancelant du président élu Amadou Toumani Touré (ATT), puis placé en résidence surveillée. Alors qu’il s’apprêtait à s’envoler pour Paris, où il devait suivre des examens médicaux, “CMD” a appris que ses bagages avaient été débarqués de l’avion.
Peu après, une vingtaine de soldats venus du camp Kati, fief des putschistes, ont enfoncé la porte de sa résidence avant de l’acheminer manu militari jusqu’au QG de Sanogo. Après une entrevue orageuse avec le maître de céans, Diarra a enregistré un bref message bientôt diffusé par l’ORTM, la télévision nationale. En 21 secondes chrono, il y annonce d’une voix éteinte sa démission ainsi que celle de son gouvernement et présente des “excuses” à ses compatriotes déboussolés.
Putschiste un jour, putschiste toujours
Cet épisode survient à l’aube du jour où aurait dû s’ouvrir une “concertation nationale” réunissant les acteurs politiques, sociaux et militaires du pays, ainsi que les acteurs de la société civile, censés établir la “feuille de route” balisant le dénouement d’une impasse institutionnelle dans laquelle Bamako n’en finit plus de s’enliser, tandis que les milices djihadistes, maîtresses des deux-tiers nord de la patrie, consolident jour après jour leur emprise. Rendez-vous d’ailleurs reporté sine die avant même ce coup de théâtre, du fait de l’acuité des divergences sur l’échiquier local.
Cheik Modibo Diarra, 60 ans, paye à coup sûr son plaidoyer en faveur du déploiement rapide d’une force interafricaine appelée à restaurer l’intégrité territoriale du Mali. Formule que récusent farouchement le capitaine Sanogo et les siens. Putschiste un jour, putschiste toujours… Même s’il a formellement remis le pouvoir en avril aux civils, l’ancien prof d’anglais du prytanée de Kati n’a jamais renoncé à l’exercer dans la coulisse.
Profitant pour ce faire de la bienveillance du médiateur burkinabé Blaise Compaoré – lui-même parvenu au pouvoir par la grâce d’un coup d’Etat – et de ses pairs ouest-africains, qui lui ont un temps consenti un statut “d’ancien chef de l’Etat” ; et des fissures du trépied bancal qu’il formait avec le président par intérim Dioncounda Traoré et le Premier ministre provisoire. Deux “partenaires” traités en intermittents du spectacle.
Congédié comme un domestique
Le premier, violemment agressé en mai dernier en son palais de Koulouba par le fan-club de Sanogo, n’a jamais vraiment surmonté le traumatisme physique et moral laissé par une telle épreuve. Quant au second, il vient d’être congédié comme un domestique. Déjà, la pompier-pyromane Sanogo, dont l’aventurisme avait précipité la marche triomphale des séparatistes touareg, bientôt balayés par leurs “alliés” islamistes, avait exigé et obtenu de diriger le Comité militaire de suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité.
En clair, on confiait au syndic de faillite d’une armée impuissante la refonte de celle-ci. Pourvu d’un ego pour le coup galactique, Sanogo a osé publier voilà peu dans Le Monde une tribune, rédigée pour l’essentiel par un politologue sénégalais, dans laquelle il se compare à Charles de Gaulle et au légendaire chef de guerre afghan Ahmed Shah Massoud. “ATT, écrit-il, a été ce que le maréchal Pétain fut pour la France de 1940, et je n’ai été pour le Mali que ce que de Gaulle a été pour la France”.
Nul doute que Cheik Modibo Diarra acquitte aussi, au prix fort, la rançon de la complaisance évoquée plus haut, mais aussi d’une certaine forme de candeur politique. En avril, au lendemain de sa nomination à la primature, j’avais émis en ces termes dans mon blog de sérieuses réserves quant à la pertinence d’un tel choix : “Dans la conjonction astrale du moment, Bamako a besoin, non d’un Oncle d’Amérique, mais d’un stratège aguerri et pugnace, suffisamment roué pour réunifier la patrie et tenir à bout de gaffe une junte avide d’honneurs et de prébendes”. Malgré ses efforts, l’enfant de Nioro-du-Sahel et de Ségou, astrophysicien propulsé sur la planète primature, n’était hélas pas taillé pour cette course-là.
Mais qui le serait? Gendre de Moussa Traoré – autocrate renversé en 1991 après avoir régenté le Mali à la cravache durant 23 ans – CMD n’a bien sûr rien d’un perdreau de l’année. Pour autant, ni sa formidable success story transatlantique, ni son parcours à la tête de campus virtuels et numériques continentaux ou sa qualité de boss de Microsoft-Afrique ne l’avaient préparé à déjouer les pièges du bourbier maison.
Un porte-parole de la junte a jugé utile de préciser que le raid nocturne relaté ici ne constitue nullement un coup d’Etat, et qu’un nouveau Premier ministre serait nommé “dans les prochaines heures”. “Diarra, accuse Bakary Mariko, n’a pas agi en homme de devoir, mais en fonction de son agenda personnel”.
Qu’un fidèle du roitelet de Kati, fut-il doté d’un culot d’acier, se permette un tel verdict, voilà qui a de quoi laisser pantois. La feuille de route d’un Mali asservi reste à écrire. Sanogo, quant à lui, vient d’ajouter une ligne à sa feuille de déroute.
Vincent Hugeux
Le lièvre et la tortue
Lancé sur orbite le 17 avril 2012 après signature d’un accord cadre entre la junte militaire de Kati et la Cedeao devant permettre le retour à l’ordre constitutionnel normal au Mali après le coup d’état du 22 mars, l’ancien premier ministre Cheick Modibo Diarra, a été forcé de démissionner dans la nuit du 11 au 12 décembre 2012.
Cette malheureuse et rocambolesque épisode du feuilleton malien est l’épilogue d’un bras de fer inutile et inopportun au sommet d’un état malade, souvent polissé mais réel et permanent entre un premier ministre “pleins pouvoirs” anticonstitutionnellement nommé, et un président par intérim particulièrement impopulaire d’un retour difficile à l’ordre constitutionnel dans un pays très pauvre, illettré, attaqué de partout et presque sans défense.
Dur dur d’être le Mali!
“Libérer les régions nord du pays et organiser les élections générales” voilà les deux missions assignées à CMD et à son gouvernement, mais ni l’une ni l’autre n’a jamais eu le début de solution, pourquoi?
Tout d’abord le couple exécutif malien (Dioncounda, CMD) n’a jamais reçu à danser le Tango malien de sortie de crise.
CMD, au début, très proche de la junte dont il s’accommodait parfaitement les agissements d’empiètements sur sa transition “pleins pouvoirs”, n’a pas été assez ferme non seulement lors du passage à tabac du Président Dioncounda, mais aussi pendant les multiples arrestations extrajudiciaires voire des agressions injustifiées et intolérables de la Gestapo de Kati sur les politiques, les journalistes et d’autres citoyens ordinaires.
Cette stratégie d’endossement de ses “pleins pouvoirs” aux caprices d’une junte militaire avide de pouvoir, dans le but de les voir consolider, a permis, à CMD, d’être aux petits soins de Kati (loi d’amnistie, loi de transformation du Cnrdre et non sa dissolution comme réclamée par la communauté internationale et la Cedeao, confiance renouvelée à l’armée malienne quand cette même Cedeao veut sécuriser les institutions à Bamako par les troupes étrangères ).
Ce rapprochement avec la junte, destiné, à court terme, à consolider son pouvoir dans la transition face à un Dioncounda affaibli à l’extrême, va par contre fragiliser CMD sur le plan international, au fil des mois, où il est désormais vu dans les chancelleries occidentales comme un problème et un blocage aux efforts de la Cedeao pour la restauration de la démocratie et pour une éventuelle intervention militaire étrangère.
CMD était tellement perçu comme l’homme de Kati à tel point il était carrément ignoré dans les sommets à répétition de la Cedeao qui lui préférerait Dioncounda.
Flanqué des ministres régaliens Cnrdre (défense, sécurité, administration territoriale), CMD était constamment à porte à faux avec Dioncounda (durée de transition, intervention militaire étrangère, négociation, concertations nationales…) à point que le Tango malien faisait plutôt “coupé décalé”.
Les prémisses de la fragilisation internationale, amènent au contraire CMD à s’accrocher et à s’affirmer davantage (son gouvernement travaille à mettre le Mali à l’abris de la cessation des paiements malgré la suspension de la coopération internationale, il envisage de faire l’audit des services publics, traque les faux diplômes de la fonction publique, multiplie les voyages hors du Mali, les nominations, les communiqués de condamnation…)
La politique d’affirmation va jusqu’à planer le doute sur sa participation personnelle comme candidat aux futures élections que son gouvernement peine plutôt à organiser.
Le ministre Cnrdre de l’administration territoriale, le Colonelissime Moussa Sinko Coulibaly, a du mal à cacher son embarras quand à la candidature de CMD aux futures élections.
Ça sent la fissure avec la junte, auparavant prise au dépourvu parce que CMD ne sait pas à qui “donner sa démission”, Kati se sent de plus en plus petit face l’astrophysicien.
De l’autre côté Dioncounda, qui a bien réfléchi au Pullman Montparnasse Hôtel à Paris pendant sa convalescence, sait qu’il n’a pas été trop aidé par le mouvement démocratique et son FDR, alors de retour au bercail, il tend la main à l’armée et à la junte, et lui réitère sa confiance au grand dam de la Cedeao qui ne comprend pas pourquoi quelqu’un avec une sécurité quasi nulle ne veut pas de troupes Cedeao à Bamako pour “sécuriser la transition”.
Mais face à un CMD quelque peu agité, affirmé et rapide, Dionconda joue la tortue et assure ses arrières.
Il n’hésite pas à proposer un haut conseil d’état pour bien intégrer la junte à un moment où son alliance avec CMD se fissure.
Il n’hésite pas à proposer une négociation triple choix pour rester proche de la médiation Cedeao menée de main de fer par le très controversé president burkinabé, Blaise Compaoré.
Il n’hésite pas à adhérer aux concertations nationales du Copam et du Mp22 à conditions qu’elles soient inclusives et constitutionnelles pour rester équidistant avec la classe politique et la société civile.
Au même moment CMD n’hésite même pas à Paris de proposer une consultation de l’assemblée nationale sur l’approbation d’une feuille de route de la transition (réclamée par la communauté internationale) apparemment sans en avoir parlé avec le président.
Et quand CMD va à Djamena pour parler intervention militaire avec fermeté et contrer Dioncounda parti à Niamey et qui adhère aux pourparlers de Ouaga, son directeur de cabinet ne reconnaît même pas Tieman Coulibaly, pourtant ministre des affaires étrangères du Mali, comme représentant du gouvernement malien, il représente plutôt Bamako.
Le “coupé décalé” bamakois bat donc son plein: “Calmement, calmement, on va s’envolement”.
Et en aucun moment CMD n’a pu croire que ces anciens alliés de la junte militaire qu’il a aidé à se légaliser dans un comité militaire de réforme…, vont aider son partenaire de Tango (Dioncounda) à gagner cette première course de la transition malienne contre lui, lui le lièvre interplanétaire.
Rien ne sert de courir, il faut partir à point disait le poète!
Actuellement, l’Etat malien ne peut même pas payer du papier rame ou de l’encre pour les ministères (soyez sûr que ce n’est pas une mauvaise farce). Que ce soit CMD, Django, un dieu ou un diable, n’importe qui fera bien l’affaire. Quelque soit la personne proposée, le Mali n’a pas la solution qui ne viendra que de la résolution des Nations Unies pour financer la mobilisation des soldats de la CEDEAO. Puisque les maliens se comportent en moutons pour le moment. AYA ayant dit hier qu’il sera toujours prêt à botter les fesses de n’importe quel malien (désarmé bien sûr, il n’est pas fou d’aller s’attaquer à des hommes armés), et à être Président au besoin…
ah bon ? il n’a donc même pas été foutu de trouver de la compétence locale pour lui rédiger sa délirante tribune, alors ? lui qui n’a que “Maliba, Maliba…” sur ses lèvres.
par ailleurs, Vincent Hugeux est trop fort tellement il tape si justement dans la cible… et sans ménagement aucun ! 😆
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