Crise au sommet de l’Etat : Les vrais motifs des représailles d’ATT

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A quelques mois seulement de la fin de son dernier mandat, le président Amadou Toumani Touré est entré dans une colère noire contre certains cadres de la haute administration, supposés appartenir au pré carré présidentiel. Les représailles qui s’en suivent sont proportionnelles à la nature des crimes commis, et qui ont pour nom principalement : Abus de confiance, insubordination et trahison.

La rumeur d’une descente musclée des services de sécurité à la résidence de l’ex-Ministre des Mines Abou Bakar Traoré, a couru tout le week-end dernier dans plusieurs état-majors politiques et dans les salons huppés de Bamako. Les services que nous avons contactés ne confirment ni n’infirment l’information. L’ex-Ministre lui-même est resté injoignable malgré nos multiples tentatives.

Pourtant, en toute vraisemblance, le torchon qui a commencé à brûler entre Abou et le président de la République, est loin d’être éteint. En tout cas, d’après certaines sources proches du palais présidentiel, ATT aurait décidé de sévir, sans complaisance contre tous ceux qui tenterait de remettre en cause ses efforts et d’écorner son honneur et sa dignité. «Je ne pardonnerais à personne de compromettre ma retraite présidentielle». Un diplomate français affirme avoir entendu ces propos de la bouche du chef de l’Etat lui-même.

Dans le cas précis de l’ex-patron de l’Hôtel des finances, Abou Bakar Traoré, le pestilentiel dossier qui a sonné le tocsin d’une collaboration devenue tumultueuse ces derniers temps avec ATT, est relatif à un douteux contrat qu’il a signé avec une société dénommée Alex STEWARD International LLC, pour l’audit des activités de production et d’exploitation des sociétés minières au Mali. En effet, mi 2007, M. Abou Bakar Traoré, alors Ministre de l’Economie et des Finances, entreprend une initiative rocambolesque. Un projet de contrat avec la société Alex STEWARD International LLC pour l’audit des activités de production et d’exploitation des sociétés minières au Mali. Deux choses frappent à l’œil. D’abord, la société choisie est plutôt une société de certification des exportations et non un bureau d’expertise en audit. Ensuite, le processus de sélection de cette société est douteux au plan de la réglementation des passations des marchés publics dans notre pays. A ceci s’ajoutent beaucoup d’autres irrégularités qui auraient été révélées au président de la République ATT par un expert européen en poste au Mali. ATT, selon nos sources, aurait aussi tôt demandé à voir plus clair. Sa surprise est grande. Selon nos sources, le président découvre tout ahuri trois documents plus compromettant les uns que les autres.

En premier lieu, il se rend compte que le Ministre des Mines de l’Energie et de l’Eau avait été impliqué dans la délictueuse affaire. Dans une correspondance en date du 21 novembre 2006, Abou écrivait ceci à son homologue : «Par lettre ci-dessus référencée, la société Alex STEWART International, dans le cadre de la mise en œuvre du contrat d’audit des activités de production et d’exploitation des sociétés minières du Mali, a proposé de nouvelles modalités de paiement de l’avance de démarrage de ses activités au Mali. Ces propositions sont :

1- Le versement de l’avance de démarrage 20% du montant des honoraires fixes tel que stipulé dans le contrat en deux tranches : la première, soit 50%, courant novembre 2006 ; la deuxième courant décembre 2006.

2- L’installation des laboratoires, du matériel et de l’infrastructure à Bamako et dans les localités abritant les sociétés minières.

3- Le début des activités dès avril 2007.

4- La première facturation au gouvernement de la République du Mali dès mai 2007.

Je donne mon accord aux présentes propositions et la société Alex Stewart devra en retour ses engagements tels que stipulés ci-dessus. Toutefois, je voudrais faire remarquer que le montant global du contrat fera l’objet d’une dernière discussion à l’occasion de la signature du contrat».

Remarques. La correspondance est sans ampliation, ensuite elle est frappée du sceau de l’extrême confidentialité. La réaction du destinataire de la suspecte correspondance, ne se fera jamais savoir.

Le 11 juin 2007, le chef de la délégation de la Commission Européenne reçoit à son tour une autre lettre avec les mêmes caractéristiques, c’est-à-dire sans ampliation, frappée du même sceau de confidentialité. A la différence de la première, celle-ci lançait un appel à financement. La requête est poliment mais fermement rejetée.

Le chef de la délégation Irène HOREJS écrit : «Bien que consciente de l’importance de cette mission d’audit visant à mieux contrôler l’exploitation de l’or et à certifier les quantités exportées par les sociétés minières, je ne suis malheureusement pas en mesure de répondre favorablement à votre requête. En effet, nos procédures ne nous permettent pas de financer un contrat avec une société déjà présélectionnée. De plus, il semble que l’activité de cette société, assimilable pour faire partie à une société de certification des exportations, pourrait être financée sur la base d’un intéressement aux redressements liés à ses contrats et/ou à l’augmentation des quantités d’or exportées déclarées après contrôle». Cette correspondance date du 13 Aout 2007.

D’après nos sources, le pot aux roses qui venait d’être découvert par le président de la République, suscita un climat de méfiance et un sentiment de trahison chez le président ATT qui visiblement semble tenir à son engagement qui consiste à ne pas humilier les cadres.

Ainsi donc, profitant du remaniement ministériel, ATT a, fait d’une pierre deux coups. Limoger les personnalités impliquées dans cette affaire et ouvrir des enquêtes sur tous les dossiers relatifs à la production et à l’exploitation des ressources minières. En attendant, le nouveau Vérificateur et ses hommes, ont de la matière. Affaire à suivre !
Abdoulaye Niangaly

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