Avec la création du PDES, l’on devait pouvoir sans risque de se tromper déclarer que la démocratie malienne est entrée dans une phase de clarification. Mais, tel n’est pas le cas. La transformation du Mouvement citoyen en parti politique, loin d’aider à la clarification du jeu politique, ouvre assurément pour notre pays la voie d’une nouvelle expérience dans le dur et laborieux processus de construction d’une véritable démocratie.
Le Mouvement citoyen, association unique en son genre dans l’histoire politique du Mali, vient de se transformer en parti politique. Du moment que tous ses principaux animateurs sont des responsables du PDES, la disparition du Mouvement Citoyen n’est qu’une question de jours.
Et le PDES qui va naître de ses cendres aura pour seul mérite de clarifier la scène politique au Mali, en ce qui concerne les acteurs du jeu politique. Les indépendants ont décidé de se jeter dans le marigot politique en portant, désormais, les couleurs d’un parti. Mais, cela suscite un certain nombre de questions : Pourquoi, ATT longtemps opposé à la création d’un parti politique par ses proches, s’est enfin décidé à leur accorder sa bénédiction ? Et que dire de Djibril Tangara, de Ousmane Ben Fana Traoré et de tous leurs camarades ? N’avaient-t-ils pas eu raison avant l’heure ?
Des responsables particuliers
En attendant d’avoir des explications claires à ces questions, nous constatons que le PDES est bel et bien là, avec ses responsables particuliers : ministres en activité, anciens ministres, membres du cabinet de la Présidence de la République, des conseillers techniques, des chargés de mission, des directeurs nationaux, des avocats, des députés, des maires, des opérateurs économiques…. Cette particularité exceptionnelle a contraint certains de nos concitoyens à dire que le PDES est né avec un tare congénitale : « ses responsables, pour la plupart sans passé politique véritable, arrivés au sommet de l’Etat à la faveur de l’accession du Président ATT à la magistrature suprême, donnent l’impression de gens qui refusent de perdre leurs privilèges et veulent se donner une longévité, même éphémère, après le départ de leur mentor », indiquaient-ils. Mais, ce qu’ils se refusent de dire c’est que le risque est plus que jamais grand de voir les moyens de l’Etat se mettre au service d’un parti politique. Aussi, en devenant des militants du PDES, donc politiquement colorés, les indépendants d’hier auront tendance à installer la démocratie malienne dans une ploutocratie.
Regroupés dans une formation politique pour la conquête du pouvoir, sans véritable ancrage politique et filant le parfait amour avec des opérateurs économiques qui ont décidé de s’afficher aux couleurs d’une formation politique, les responsables du PDES auront tendance à combler leurs handicaps par ce qui ne leur fait pas défaut : l’argent et les moyens d’Etat. Et, comme deux crocodiles males ne peuvent pas prospérer dans la même mare, la compétition sera âpre entre le PDES et les grands partis déjà existants, dont la plupart, dans des calculs stratégiques, n’ont pas hésité à mouiller le maillot dans l’accompagnement du Président ATT. Une question est la création d’un parti politique, une autre est sa gestion au quotidien et son implantation sur le territoire national.
Le PDES, un parti né avec ses trente deux dents, à la lumière de la position stratégique de ses premiers responsables au sommet de l’Etat, aura tendance à bousculer l’ordre des choses sur le terrain dans son processus d’implantation. Et, comme la plupart des leaders communautaires dans le Mali profond sont politiquement colorés, le PDES n’aura recours qu’à la politique de débauchage pour s’assurer un quadrillage du pays. Et, pour cela, il n’y a aucun doute, toutes les méthodes seront les bienvenues. Achat de conscience, corruption politique, chantages et autres menaces de perte de poste, donc d’avantages sont autant d’armes redoutables que Ahmed Diane Séméga et ses camarades ne tarderont pas à expérimenter pour s’imposer à la force des muscles.
Surtout que le PDES a été créé avec la bénédiction d’ATT, ils pourront compter sur des décrets présidentiels ou ministériels de nomination ou de perte de poste, pour se rallier l’affection des résistants et autres opposants peu convaincus.
Assane Koné