Cour constitutionnelle : la difficile récusation de l’un des neufs sages

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17 candidats à l’élection présidentielle mettent en cause l’impartialité des 6 conseillers de la cour constitutionnelle  pour apprécier la régularité du scrutin en  demandant  leur récusation.  Mais selon certains spécialistes, «  aucune   loi ne l’autorise ».

Après le premier tour de l’élection présidentielle, 17 candidats  réclament la tête de 6 conseillers au sein de la Cour constitutionnelle.  Pour en savoir les contours de cette demande de récusation, on a rapproché certains spécialistes en la matière.

« Aucun texte ne prévoit la récusation des membres de la Cour constitutionnelle », prévient  Dr Dianguina Tounkara, avocat au barreau  du Mali  et  chargé de cours des Institutions  juridictionnelles  à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako (USJPB).

La récusation est connue devant les juridictions administratives et judicaires, mais impossible  au Mali devant la cour  constitutionnelle.  Et pourtant les 17 candidats doutent de l’impartialité de 6 juges constitutionnels dont la présidente.

La loi portant statut de  la magistrature  en République du Mali autorise la récusation de tout juge. Cependant pour le chercheur Tounkara : « les juges de la  Cour constitutionnelle ont une particularité, c’est pourquoi, on les  appelle,  les membres de la Cour constitutionnelle,  cette loi ne leur est pas applicable ».

A contrario, pour Dr  Mahamadou Bekaye Dembélé, chargé aussi des cours d’Institutions juridictionnelles, les  neufs sages peuvent être récusés. La source de leur récusation se trouve dans la loi portant Statut de la magistrature et la déontologie dans son annexe. “Comment peut-on trancher un litige et ne pas être soumis à la loi applicable au magistrat”, s’interroge-t-il  en citant la loi portant Statut de la magistrature.

« Stratégie  politique que  juridique ou juridictionnelle »

“Un juge constitutionnel peut se déporter c’est-à-dire peut s’abstenir   pour défaut d’impartialité,”  note  l’universitaire Tounkara. “En général pour des raisons tenant au fait que le juge a déjà été amené à intervenir dans l’affaire, de telle sorte qu’il a pu se faire une opinion sur celle-ci.” Et de l’illustrer ” tel est le cas des anciens parlementaires devenus membres de la cour constitutionnelle, en cas d’examen d’un texte qu’ils ont eu à connaitre dans leurs fonctions antérieures “.

Selon l’avocat,  ni la constitution, ni la Loi organique portant création, organisation, fonctionnement de la cour constitutionnelle et le règlement intérieur de la cour  n’admettent la récusation de l’un de ses  membres.  Pour lui, “ils ne visent qu’à délégitimer la décision de la Cour constitutionnelle, c’est une stratégie politique que juridique”.

La suspicion  sur les membres de la cour constitutionnelle trouve son origine dans leur  mode de désignation : les neuf membres de la Cour Constitutionnelle sont désignés comme-ci : trois sont nommés par le président de la République, trois autres par le président de l’Assemblée Nationale et les trois derniers sont  désignés par le Conseil Supérieur de la Magistrature, présidé par le président de la République.

Mais l’avocat évoque une raison qui peut justifier le doute sur l’impartialité des juges constitutionnels. “On accuse souvent les Cours constitutionnelles africaines d’être toujours au service du pouvoir”.

Au Mali, seule la Cour constitutionnelle est habilitée à  apprécier la régularité et la sincérité de l’élection présidentielle.  Aujourd’hui, jour de proclamation des résultats définitifs de la présidentielle est un  grand  test pour les neufs sages  pour ne pas donner raison à Gérard Conac qui soutient que “le juge constitutionnel est un juge fragile et vulnérable”.

Yehia Mahmoud

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