Jamais, depuis la récente visite du FMI, le gouvernement du Mali n’a été aussi muet sur de véritables réponses à apporter aux diverses dénonciations relatives au marché de l’avion présidentiel et des contrats de matériels militaires. C’est dire que la communication gouvernementale est grippée et peine à trouver ses marques. Peut-être est-ce dû à toutes ces dérives communicationnelles observées jusqu’à présent. La dernière en date est ce communiqué qui situe Intillit dans le cercle d’Ansongo, alors qu’il se trouve dans le Ghourma, à Gao. Méprise qui en dit long sur la carence des communicateurs. Le pouvoir se méfie-t-il de sa propre communication ? Il faut aussi reconnaitre que les explications sur le dossier des surfacturations et du Boeing présidentiel sont particulièrement sensibles du fait qu’elles peuvent contredire les griefs du FMI qui a finalement décidé d’ouvrir le robinet financier, après avoir tenu une ultime réunion sur la question. La déclaration du FMI, au terme de sa mission dans notre pays n’a pas, non plus, trouvé d’écho gouvernemental si ce n’est pour faire dire au ministre de l’Economie et des finances, Mme Bouaré Fily Sissoko, que tout va bien désormais entre le Mali et le FMI. Les observations contenues dans le rapport provisoire de la section des comptes de la cour suprême ont été superbement ignorées par l’Etat, cela pourrait évidemment s’expliquer par son caractère provisoire. D’ailleurs, le président IBK ne manque pas d’occasion pour fustiger les faiblesses du système de communication qui l’entoure. Comme exemple, il avait parlé des évènements du 17 et 21 mai derniers à Kidal et de la demande d’audience de l’Untm après la mise en place de son bureau. Quant au ministre de l’Economie numérique, de la Communication et des nouvelles technologies de l’information, après avoir décrié la communication de la cellule concernée sise à Koulouba, qui avait confondu le Parena avec son président, Mahamadou Camara s’est empêtré dans des propos vexants, via tweeter et autres réseaux sociaux, comme un enfant qui s’amuse devant les merveilles des outils technologiques. S’il est vrai qu’il a présenté ses excuses, cela ne lui a pas servi de leçon pour éviter un autre dérapage, notamment en plaçant la charrue avant les bœufs, à propos de la nomination des membres de la Haute autorité de la communication, sans l’aval des députés, ce qui n’est pas de nature à honorer les élus du peuple. Toujours est-il que, dans ce silence complice des autorités et des bailleurs de fonds, l’ancien ministre de la Défense et des anciens combattants, Soumeylou Boubèye Maïga, ne tient pas à être sacrifié sur l’autel des surfacturations. En fait, on attendait sa réaction. Il a pris pour son compte toute la communication chargée de mettre les points sur les i. En effet, après avoir mis en cause la qualité du Vegal pour le contrôle du marché des équipements militaires, par le biais de l’article 8 du code des marchés publics, à cause du secret-défense, il a attaqué le rapport provisoire du Vegal – qui circule sous le manteau- notamment sur la question des surfacturations. A cet effet, il indique : « Le Vérificateur Général fait état d’un montant important de surfacturation sans preuve.
Le rapport indique des surfacturations de FCFA 29 311 069 068 sur la fourniture de matériel HCCA, de véhicule et pièces de rechange uniquement en procédant par une simple soustraction entre des factures proformas des fabricants et les factures définitives du fournisseur détenteur du marché.
Il importe en premier lieu de souligner qu’au Mali, il n’existe pas une mercuriale des prix pour ce qui est des matériels et équipements militaires. Autrement dit, aucun texte législatif ou règlementaire n’impose des prix, plancher et plafond, à pratiquer en matière de fourniture des matériels et équipements militaires. Dès lors, en l’absence d’un tel référentiel, on ne saurait conclure à une surfacturation, d’une part, et, de l’autre, les fournisseurs sont libres de pratiquer les prix qu’ils veulent ou qu’ils peuvent.
Les factures proformas auxquelles le Vérificateur fait allusion sont partie intégrante du protocole d’accord, ce qui démontre qu’il n’y a aucune intention de dissimuler des informations quant-à-la détermination des prix des fabricants et ceux du fournisseur.
Il convient de préciser que le Protocole d’Accord a été signé avec le fournisseur et non avec les fabricants.
En conséquence, il n’est pas logique de procéder à une comparaison entre les factures des Fabricants et celles du Fournisseur.
Les prix usine et les prix livraison ne sont les mêmes nulle part et sur aucun produit, même si c’est le fabricant qui livre.
A ce propos, il y avait lieu pour l’équipe de vérification de prendre en compte toute l’information disponible et de constater que les paiements en question ne sont pas effectués à vue, notamment parce que :
Si le fabricant est réglé au comptant, le fournisseur quant à lui assume toutes les charges liées à la mobilisation immédiate des ressources nécessaires au paiement du fabricant.
Le protocole prévoyait un paiement étalé sur trois ans. A charge pour le fournisseur de s’endetter à ses frais sur la durée de règlement.
Le règlement du fournisseur devant être effectués sur TROIS (3) ANS dont UN (1) AN DE DIFFERE, il lui fallait intégrer à son prix de vente les frais financiers, les frais d’assurance et autres charges qu’il avait à supporter du fait des conditions de règlement conclues avec lui.
Le Vérificateur Général n’indique aucunement dans ses travaux, le rapprochement entre les factures, les bordereaux de prix unitaires, le montant inscrit au protocole ou les bons de commandes.
De plus, le Vérificateur Général n’émet pas de preuves relatives à une circularisation des fournisseurs pour justifier qu’il s’agit réellement de surfacturation.
Il n’est également fait aucune référence à un entretien avec le fournisseur pour expliquer ces écarts. Un écart peut, il est vrai, être constaté, mais il devait obligatoirement être l’objet d’investigations sérieuses par le Vérificateur Général, avant de conclure à une éventuelle surfacturation.
Cette façon d’accuser à tort démontre une défaillance notoire du respect par le Vérificateur Général de son obligation de moyens dans la mise en œuvre de ses investigations.
L’annexe 9 du rapport de vérification indique la liste des personnes rencontrées par la mission. Il est surprenant de constater qu’il n’y a aucune mention faite d’une rencontre avec le fournisseur des équipements militaires, de l’aéronef et de tous les intermédiaires dans les deux acquisitions objet du rapport provisoire
L’équipe de vérification a-t-elle la connaissance et l’expertise suffisante pour mener une mission de conformité dans le cadre de l’acquisition de l’aéronef et des équipements militaires ?
L’article 23 de la Loi n°2012-009 du 08 février 2012 instituant le Vérificateur Général énonce le recours à des Experts dans le cadre de ses missions, or, la composition de l’équipe de vérification n’indique pas la présence d’experts en passation de marché publics, en finances publiques, en commerce international ainsi que dans le domaine de l’aéronautique. »
Comme on le constate, l’ancien ministre de la Défense et des anciens combattants, Soumeylou Boubèye Maïga, a bien préparé sa défense. Il s’agit désormais d’entrer dans le champ de la communication et de toute la communication, s’il le faut. Pour ne pas être le bouc émissaire de tous ceux qui ont créé cette cacophonie et qui refusent toujours de parler : ni des dysfonctionnements de la communication militaire à Kidal, les 17 et 21 mai derniers, ni de la véracité des surfacturations. Sur ce dernier point, le Premier ministre, Moussa Mara, avait juste fait des allusions, du genre : « pour ce qu’on considère comme des surfacturations. » il est manifestement très difficile de prendre toutes ses responsabilités dans notre pays, mais, il faut maintenant compter avec Boubèye qui ne se laissera sûrement pas faire.
B.D.