Les fouilles « archélogico-financières » réalisées sur les opérations de recettes et de dépenses de la commune urbaine de Koulikoro est sans appel : surfacturations à la pelle, vols et détournements de fonds. Auxquels s’ajoutent des dépenses injustifiées et le changement des règles de la comptabilisation, d’une année à l’autre. Autant de pratiques qui selon nos sources ont précipité la Mairie de la commune urbaine de Koulikoro dans l’abîme. Avec à la clé, plus de 267 millions (267.955.195 FCFA) qui ont pris une destination, jusque-là, encore inconnue. L’ex Maire de la commune urbaine de Koulikoro, Youssouf Papa Camara et son Régisseur de recettes risquent gros. Leurs complices aussi. Accablant.
C’est sans appel : l’enquête sur la gestion des périodes 2013, 2014, 2015 et le premier trimestre 2016 de la commune urbaine de Koulikoro, a mis en exergue des dysfonctionnements et des irrégularités financières qui se sont caractérisés par des manquements graves dans le dispositif de contrôle interne ainsi que dans la gestion financière.
La Commune Urbaine de Koulikoro ne dispose pas de fichier «Fournisseurs ». Or, le manuel de procédures des dépenses publiques exige ce fichier qui recense l’ensemble des fournisseurs et prestataires de services avec qui l’ordonnateur traite ou est susceptible de traiter. L’absence de fichier « Fournisseurs » remet en cause la transparence dans les procédures de sélection des fournisseurs. Non plus, la Commune Urbaine de Koulikoro n’établit pas de fiches d’expression de besoins, comme l’exigent les dispositions du manuel d’exécution des procédures de dépenses publiques relatives aux achats directs de biens et prestations de service. La mairie a engagé, liquidé et mandaté toutes ses dépenses de la période sous revue sans matérialisation des expressions de besoins par ses Services. Le non-établissement de fiche d’expression de besoin affecte la réalité du besoin pour lequel la dépense a été faite.
Simulations d’appel d’offres et achats fictifs
La Commune Urbaine de Koulikoro n’a pas procédé à une mise en concurrence lors des achats effectués. En effet, elle n’établit ni de dossier sommaire de consultation ni de demande de prix à l’intention de trois fournisseurs au moins. Elle se contente plutôt de contacter le seul et même fournisseur lors de ses acquisitions de biens et services. La violation des dispositions relatives à la mise en concurrence entre les fournisseurs ne favorise pas le libre accès à la commande publique et la transparence des procédures d’acquisition de biens et services.
La Commune Urbaine de Koulikoro a admis des factures ne comportant pas des mentions obligatoires. Ainsi, elle a admis 12 factures, se rapportant à l’exercice 2013, ne portant pas des mentions obligatoires comme le numéro et le mode de paiement. L’acceptation de factures ne renfermant pas toutes les mentions obligatoires peut favoriser des achats fictifs.
Par ailleurs, la Commune Urbaine de Koulikoro ne tient pas une comptabilité matières régulière. Des documents, comme le journal des ordres d’entrée et de sortie de matériel, les ordres de mouvement et les bordereaux d’affectation de matériel, ne sont pas tenus et des biens en service ne sont pas codifiés. La non-tenue des documents de la comptabilité-matières entraîne des pertes ou détournements de biens du patrimoine de la Commune Urbaine du Méguétan.
Toutefois, la Mairie de la Commune Urbaine de Koulikoro dispose d’une régie d’avances non conforme aux dispositions du Code des Collectivités Territoriales.
En effet, l’acte de création pris par l’ancien Maire, Youssouf Papa Traoré, ne détermine pas la nature des dépenses à effectuer et ne fixe pas non plus le montant maximum autorisé à être payé sur la régie. En outre, la régie a été créée par un arrêté du Maire qui n’est adossé à aucune délibération du Conseil communal, en violation de la réglementation en vigueur. Cette situation est de nature à favoriser le paiement de dépenses irrégulières sur la régie.
Plus grave, la Commune Urbaine de Koulikoro n’a pas exigé de cautionnement au Régisseur d’avances (ou de dépenses). Elle n’a pas fixé dans la décision de nomination du régisseur le montant du cautionnement. Le non-respect de cette disposition expose la Commune à un risque de non-couverture en cas de perte financière sur la régie. Et ce n’est pas tout. Loin s’en faut.
Même la Mairie de la commune urbaine de Koulikoro n’applique pas des délibérations du Conseil Communal relatives à la perception de recettes. Elle applique des tarifs différents de ceux fixés par le Conseil. En effet, elle perçoit 500 FCFA par voyage au lieu de 300 FCFA par m3 dans le cadre de l’exploitation de sable et gravier et 2 000 FCFA par jour et par Camion benne au lieu de 1 000 FCFA par sortie par véhicule. L’application de tarifs supérieurs à ceux fixés par délibérations du Conseil communal affecte de façon considérable le niveau de mobilisation des ressources de la Commune Urbaine.
Des manquements graves dans la gestion des fonds
La gestion financière de la municipalité de Koulikoro est un fiasco. Le Régisseur des recettes n’a pas recouvré la totalité des loyers des magasins conformément à la délibération du Conseil Municipal portant adoption de la révision du taux des taxes communales. En effet, sur une recette attendue de 7,74 millions de FCFA représentant les frais de location de 11 magasins de la gare routière de Souban et 7416 magasins du marché de Koulikoro gare, le Régisseur n’a recouvré et reversé qu’un montant de 2,98 millions de FCFA, soit un écart non reversé de 4,75 millions de FCFA.
Et comme si cela ne suffisait pas, notre Régisseur de recettes n’a pas reversé la totalité des montants dus au titre des vignettes. La Commune Urbaine a reçu, par bon de sortie, 30 carnets de vignettes au titre de l’exercice 2013 pour une valeur totale de 3 ,65 millions de FCFA. Suivant les procès-verbaux de remise de tickets non vendus, 13 carnets ont été retournés au Trésor Public pour une valeur de 1,11 millions de FCFA. Il en résulte donc que 17 carnets ont été vendus pour un montant de 2,53 millions de FCFA. La part de la Commune Urbaine correspondant à 60% du montant total des ventes est de 1,52 million de FCFA. Cependant, la situation retracée dans le compte administratif, dans les bordereaux de versement au Trésor et dans les déclarations de recettes donne un montant de 1,21 million de FCFA, soit un écart non reversé de 306 000
FCFA.
Concernant l’exercice 2014, la Commune Urbaine de Koulikoro a reçu, par bon de sortie 30 carnets de vignettes d’une valeur totale de 4,25 millions de FCFA, alors qu’aucun procès-verbal de remise de tickets non vendus au titre de 2014 n’a été fourni. La part de la Commune Urbaine correspondant à 60% du montant total des ventes est de 2,55 millions de FCFA. Cependant, la situation retracée dans le compte administratif, dans les bordereaux de versement au Trésor Public et dans les déclarations de recettes donne un montant de 1,99 million de FCFA effectivement reversé au Trésor. L’écart non reversé est donc de 564.000 FCFA. Le montant total des vignettes vendues mais non reversées au Trésor, au titre des années 2013 et 2014, est de 870.000 FCFA.
Non plus, le Régisseur de recettes n’a pas reversé la totalité des sommes perçues au titre des carnets de légalisation et signature. Ainsi, il ressort des bons de sortie que 19 carnets de légalisation et signature ont été reçus en 2014 pour un montant de 3,10 millions de FCFA sur lesquels trois carnets, d’un montant de 454.500 FCFA, n’ont pas été vendus. Le montant des carnets vendus est donc de 2,64 millions de FCFA. Toutefois, la situation retracée dans le compte administratif, dans les bordereaux de versement au Trésor et dans les déclarations de recettes fait ressortir un montant reversé au Trésor Public de 1,26 millions de FCFA, soit un écart non reversé de 1,39 millions de FCFA.
Il en est de même pour l’exercice 2015, où il ressort un écart non reversé de 6,99 millions de FCFA. Le montant total des carnets de légalisation et signature vendus mais non reversés pendant la sous revue s’élève à 8,38 millions de FCFA.
Plus grave encore, le Régisseur de recettes n’a pas reversé l’intégralité des montants dus au titre de l’exploitation de sable et gravier. Les bons de sortie font état de 100 carnets d’une valeur de 5 millions de FCFA sur lesquels 3,73 millions de FCFA ont été effectivement reversés au Trésor Public. Or, aucune situation de carnets invendus n’a été fournie. Ainsi, l’écart non reversé s’élève à 265 500 FCFA.
Et comble de la « mangecratie » à la Mairie de la commune urbaine de Koulikoro, le Régisseur de recettes n’a pas reversé l’intégralité des montants dus au titre des taxes de sortie de véhicule. L’analyse des bons de sortie et des procès-verbaux de remise, au titre de l’exercice 2014,fait état de 164 carnets de sortie de véhicule d’une valeur de 26,20 millions de FCFA et de 96 carnets non vendus correspondant à la somme de 8,70 millions de FCFA. Le montant des carnets vendus est de 17,50 millions sur lesquels un montant de 16,35 millions de FCFA a été reversé au Trésor Public. L’écart non reversé se chiffre à 1,15 million de FCFA.
Par ailleurs, l’ex Maire Youssouf Papa Traoré, a illégalement attribué des lots à usage d’habitation. Contrairement aux dispositions de la Délibération portant adoption de la révision du taux des taxes communales, qui fixe les frais d’attribution de lot à usage d’habitation sans frais de viabilisation à 80.000 F CFA, le Maire Traoré, a attribué des lots à usage d’habitation sans contrepartie financière. Le nombre total des lots à usage d’habitation concerné est de 34 pour un montant non perçu s’élevant à 2,72 millions de FCFA.
En outre, l’ancien Maire Youssouf Papa Traoré, a minoré les frais d’édilité de 31 concessions qui ont totalisé en recettes pour la Mairie la somme de 1 million de FCFA au lieu de 2,48 millions de FCFA, soit une perte de recettes non justifiée d’un montant de 1,48 million de FCFA. De plus, le Maire Traoré n’a pas perçu des propriétaires de 360 lots, ayant fait l’objet de recasement, les frais d’édilités afférentes d’un montant total de 28,80 millions de FCFA.
Par ailleurs, le Maire sortant, Youssouf Papa Traoré, a procédé à une compensation fictive en dispensant les bénéficiaires de 166 Concessions Urbaines d’Habitation du paiement des frais d’édilité au motif de compensation de purge sans que leurs lots ne figurent sur les bordereaux des purges. Le montant total de ces frais non perçus par le Maire Traoré se chiffre à 13,28 millions pour la période sous revue. Le montant total de frais d’édilité non perçus par le Maire s’élève à 46,28 millions de FCA.
L’ancien Maire, Youssouf Papa Traoré, a accordé des subventions irrégulières. Il a accordé des subventions totalisant un montant de 7,10 millions de FCFA à des personnes physiques et à des services publics ayant pour vocation d’apporter leurs appuis techniques à la Commune Urbaine, au titre des exercices 2013, 2014 et 2015. Selon la réglementation en vigueur ces structures et personnes n’étant pas des ONG ni des structures créées par la Mairie, elles ne sont pas éligibles pour bénéficier de telles subventions. Des enseignants non répertoriés ont perçu des salaires. En effet, ces enseignants dont les noms figurent sur les états de paiement ne sont pas répertoriés dans les tableaux de bord qui donnent la situation de l’effectif annuel des enseignants de chaque établissement. Le montant total des salaires payés en 2013, 2014 et 2015 pour ces enseignants s’élève à 199,16 millions de FCFA.
Au tant d’entorses occasionnées à l’orthodoxie financière de la commune urbaine de Koulikoro par l’ancien Maire Youssouf Papa Traoré et son Régisseur de recettes et qui ont entraîné un trou béat de 267,95 millions de francs CFA dans la caisse de la municipalité du Méguétan.
La Municipalité de la commune urbaine de Koulikoro n’a pas seulement perdu de sa superbe. Elle a été vidée de son âme, vendue au diable. Et jusqu’aujourd’hui, les responsables de cette gestion scabreuse, n’affichent qu’une image de ruine et de désolation. Et ce n’est qu’un début.
En réalité, cette mauvaise gestion est le fruit d’un système bien huilé, mis en place par le « prince » de la mairie urbaine de Koulikoro. Selon ce système, les responsables de la municipalité veillent aux « bons soins » de leurs pots et de leur propre personne: enveloppes de fin du mois, marchés de gré à gré, bons de carburant à gogo, voyages sur la Côte d’azur et autres cadeaux en nature. Du moins, s’ils veulent éviter les « ennuis ».
En attendant, c’est le sauve-qui-peut dans la commune urbaine de Koulikoro. Du coup, le maire sortant Youssouf Papa Traoré et son complice de régisseur, ne dorment plus qu’un d’un œil.
Affaire à suivre et poursuivre donc !
Jean Pierre James