Outrepassant souvent les prérogatives que leur confèrent les textes régissant l’organisation et le fonctionnement des départements ministériels, dans notre pays, nombre de Directeurs Administratifs et Financiers (DAF) s’érigent aujourd’hui en véritables patrons de ministères.
Dans le cadre du renouveau de l’action publique prôné par le chef du Gouvernement, le Premier ministre Modibo Sidibé, un axe de la réforme des directions administratives et financières (des départements ministériels) a été ébauché. Cela, dans le souci de renforcer la bonne gouvernance et lutter contre la délinquance financière.
Des réformes qui tardent à se concrétiser, quand bien même, lors de la récente cérémonie de présentation des vœux des membres du Gouvernement au Premier Ministre, Modibo Sidibé en faisait mention, comme étant un “chantier” imminent.
C’est dans ce sens qu’avec la réforme des marchés publics, tout semble avoir été mis en œuvre pour « avoir plus à l’œil les DAF… », comme le soufflait dernièrement un haut fonctionnaire de la primature.
Seulement, cette réforme qui apparaît d’ores et déjà comme une réduction de la marge de manœuvre du DAF, dans la passation des marchés publics, semble lui avoir plutôt donné du zèle dans sa volonté de… “régner” .
Etant par excellence les “argentiers” des départements ministériels, la plupart des Directeurs Administratifs et Financiers en font voir de toutes les couleurs aux cocontractants de l’administration ; et boudent souvent les instructions de leurs supérieurs hiérarchiques, … les ministres.
Selon nos investigations, récemment, un particulier (patron d’une entreprise de prestation de services), créancier de l’Etat, a eu, après plusieurs démarches infructueuses au niveau de la DAF du département concerné (dont nous taisons volontairement le nom), à rencontrer monsieur le ministre.
Celui-ci a donné ferme instruction pour que le créancier soit intéressé avec diligence, illico presto. Le DAF, plus royaliste que le roi, a estimé avoir des priorités que le département devrait satisfaire en toutes urgences. Conséquence : deux mois plus tard, la situation est restée en l’état.
Ce qui dénote d’une volonté délibérée du “tout puissant DAF” à “n’obéir à aucune consigne” de son chef.
Cette situation n’a rien d’atypique.
Selon les témoignages récemment recoupés, au sein de plusieurs ministères, on vit la situation de “deux capitaines dans le même bateau”. Toute chose qui donne bien raison à Montesquieu qui affirmait que : “toute personne qui a un pouvoir, est porté à en abuser”.
Par ailleurs, selon nos informations, il y a quelque temps, un autre département ministériel avait programmé une activité qui, du fait du quasi veto du DAF, a été reportée sine die ; pour, disait-il, des difficultés de trésorerie.
Cette situation a failli déboucher sur une crise gouvernementale lorsque, le ministre de tutelle, n’ayant point été préalablement informé de ces fameuses difficultés de trésorerie, avait estimé que son DAF venait de commettre une “faute lourde”, un crime de lèse-majesté, en sorte. Le chef de ce département aurait exprimé d’ailleurs son désir de se séparer de son encombrant et puissant DAF ; mais il s’est heurté au mur d’hostilité de certains cercles hauts placés, qui soutiennent urbi orbi l’incommodant DAF.
Pour des questions de sensibilité politique et de renvoi d’ascenseur évident, le DAF frondeur a ainsi été maintenu à son poste, au grand désarroi de son ministre.
Aux dernières nouvelles, le DAF en question aurait été finalement, après moult conciliabules, muté dans… un autre département ministériel.
Malick Camara