Selon les informations qui nous sont parvenues en fin de semaine dernière, le PDG de Gnoumani SA, la société qui réclame à l’Etat, sur du faux, plus de 2 milliards de FCFA, Diadié Bah, sera bientôt devant la justice. Son fils et ses autres collaborateurs impliqués dans la magouille sont dans la même situation.
Et pour cause. Deux agents des services agricoles de la Direction régionale de Koulikoro ont déjà été déférés à la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako en milieu de semaine dernière. Suite à cette incarcération, les autorités, jusque dans la plus haute sphère de l’Etat, auraient demandé à la justice d’interpeller soit Diadié Bah soit son fils, non moins DG de la société Gnoumani SA, ou encore les travailleurs chargés de ravitailler les différentes zones agricoles incriminées.
Selon les explications qui nous ont été fournies, les travailleurs de la société, qui devaient exécuter le marché de livraison d’engrais, étaient bien au courant que plus des deux tiers des cautions étaient fausses. Ils savaient aussi que les informations y figurant (superficies, tonnages d’engrais, d’urée…, dates de livraisons et de réceptions…) étaient incorrectes. Malgré cela, ces travailleurs ont acheminé les documents jusqu’à la Direction de Gnoumani SA. Laquelle n’a pas hésité à présenter les cautions aux ministères de l’Agriculture et des Finances pour être payée par le Trésor public. Pour résumer la thèse des techniciens, si certains agents des services agricoles ont fauté, c’est naturellement avec la complicité des travailleurs de Gnoumani SA, y compris la Direction.
Rappelons que le scandale financier a été évité de justesse, grâce à la vigilance de la Direction nationale de l’agriculture, à quelques encablures de la tenue du Conseil Supérieur de l’Agriculture. Depuis, on sait que c’est sur le cercle de Kati que Diadié Bah et ses acolytes avaient jeté leur dévolu. D’ailleurs, c’est dans la même zone que la suspension de Gnoumani SA court toujours, pour ce qui concerne la livraison d’engrais.
On se souvient aussi des différentes démarches de l’opérateur économique et baron du PDES à Niono (c’est certainement cette deuxième casquette qui lui vaut d’être toujours en liberté) a entreprises après l’éclatement de l’affaire. Tout d’abord, devant les siens, à Niono, puis à l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture du Mali (APCAM). Mais Bakary Togola, avec le franc parler qui le caractérise, avait laissé entendre que «si le ministère de l’Agriculture se montre très intransigeant sur ce dossier, c’est qu’il a des arguments solides».
Diadié Bah avait fait ensuite intervenir son parti, le PDES. Le Président de cette formation politique, et non moins ministre de l’Equipement et des Transports, Ahmed Diane Séméga, s’était déplacé en personne pour rencontrer son collègue de l’Agriculture, Aghatam Ag Alhassane. A la fin de leur entretien, le verdict de Séméga était clair: le dossier était indéfendable.
L’ultime démarche de l’opérateur économique-magouilleur fut en direction de Koulouba. Le Président de la République, Amadou Toumani Touré, très conciliateur, mais bien informé de la gravité du dossier, a fermé sa porte à Diadié Bah. Dans les jours qui suivirent cette rencontre avortée, ATT a démontré qu’il voulait faire jaillir la lumière dans cette sale affaire, en limogeant le Chef de le Brigade du Pôle économique et financier de Bamako. Celui-là même qui, selon nos sources, aurait tenu des propos «partiaux», lors des interrogatoires dans ce dossier. Il serait revenu aux oreilles du Chef de l’Etat que cet Officier – enquêteur voulait étouffer l’affaire, en faveur, bien sûr, de Diadié Bah.
Il y a quelques jours, des indiscrétions ont laissé penser que cette option n’aurait pas totalement disparu des locaux du Juge anti-corruption. «On vous pose des questions qui laissent apparaitre que les personnes qui vous interrogent prennent partie. Des questions qui n’ont rien à voir avec ce pourquoi l’on vous a fait venir. On a souvent l’impression que les cadres du Pôle ne maîtrisent aucun mécanisme du fonctionnement de l’administration. De plus, on reçoit souvent de leur part, en pleine figure, des commentaires qui ne souffrent d’aucun doute de partialité. Pire, on vous traite comme un vulgaire bandit. On vous fait asseoir pendant des heures, comme pour vous intimider, alors que nous sommes tous à des postes de responsabilité. Je crois qu’au Pôle économique ils ont déjà des préjugés quand ils reçoivent des dossiers. Il faut qu’une enquête de moralité soit menée sur les cadres qui composent ce service» a commenté avec dépit un proche du dossier.
Comme nous le soulignions dans l’une de nos précédentes parutions, le gouvernement malien et, partant, la justice, ont désormais l’œil sur Diadié Bah. Espérons que les autorités compétentes ne nous ferons pas le coup d’une justice à géométrie variable. Elles qui ont reçu, il y a quelques jours, des instructions fermes du Chef de l’Etat pour effectuer un nettoyage à sec dans le domaine de la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Surtout qu’à en croire les derniers développements, les cautions de Diadié Bah authentifiées par les services techniques du ministère de l’Agriculture, ne totalisent qu’un montant d’un peu plus de 122 millions de FCFA.
A suivre.
Paul Mben