La surfacturation a littéralement envahi le discours quotidien des Maliens depuis que certains contrats donnent le vertige à la république et du grain à moudre aux « grins ». De quoi s’agit-il exactement? De ce que les Anglais appellent « overinvoicing » ou « overcharging », c’est-à-dire une facturation excessive qui intervient lorsque, dans une intention frauduleuse le prix facturé pour un bien ou un service est nettement plus élevé que son coût réel. Il faut donc écarter la notion classique de marge commerciale car c’est moins la marge du vendeur qui pose problème que la volonté de dissimuler une partie convenue de celle-ci afin de la rétrocéder totalement ou partiellement à l’acheteur. De façon pratique, le client passe une commande à un fournisseur de biens ou de services. Le fournisseur livre effectivement le bien ou effectue la prestation. Sur la facture de vente, le prix est délibérément gonflé en accord avec le fournisseur qui rétrocède à l’acheteur une part identifiée de la marge. En principe la vente est parfaite dès qu’il y a accord sur la chose et le prix. Mais ici l’une des parties, en l’occurrence l’acheteur est un intermédiaire de l’Etat qui signe et engage son mandant sur des montants volontairement grossis aux fins de détournements. Fournisseur et client participent ainsi à la production et à la sortie discrète d’argent au noir en fabriquant de faux documents (factures, contrats, bilans).
L’intention frauduleuse découle de l’entente préalable entre les parties pour que la marge rétrocédée échappe à toute déclaration, donc à toute imposition. L’article 8 du code des marchés publics abondamment évoqué ne doit pas être sorti de son contexte qui est le souci de protéger le pays et notre armée. Il n’a pas vocation d’enrichir des délinquants à col blanc. En réalité, la notion de secret de défense est liée à la survivance d’une certaine « raison d’Etat » qui a un contour généralement flou et extensible. C’est une prérogative qui commence heureusement à être encadrée par le droit. Le secret – défense suppose en fait la combinaison de deux conditions :
- Une condition formelle qui veut que les informations et documents concernés aient «fait l’objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion » ;
- Une condition matérielle car seuls peuvent faire l’objet d’un secret les éléments dont la divulgation est de nature à nuire à la défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d’un secret de défense nationale.
Manifestement, c’est loin d’être le cas. Le lièvre a été levé en interne puis pourchassé par les bailleurs de fonds étrangers qui sont restés insensibles au somnifère. Résultat, tout le monde a dû obtempérer parce que les opérations décriées n’ont rien à voir avec la défense nationale et, on ne saurait non plus parler de droits acquis pour un dol aussi clairement établi. L’Etat malien est victime. Des documents ont été établis et signés. Il y a un commencement d’exécution. Les faits de délinquance financière sont patents et, même l’annulation de certains des contrats ne saurait faire disparaître l’infraction. Comme dans le cadre du financement illégal des partis politiques, les moyens les plus couramment utilisés sont les emplois fictifs auprès des collectivités locales et la surfacturation des marchés publics, il est important de savoir qui a fait quoi et à quelle fin ? Que ce serait-il passé si des « trouble-fête » ne s’en étaient pas mêlés ? En vertu du droit inaliénable des citoyens à l’information, nous avons besoin de savoir pour ne pas mourir idiots.
Mahamadou CAMARA
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