L’Agence Malienne pour le Développement de l’Électrification Rurale (AMADER) n’a pas fait l’objet d’un appel d’offres, en vue de sa privatisation. Du moins, pas à notre connaissance. Mais tout porte à croire qu’elle est victime depuis des ans d’une Offre Publique d’Achat (OPA) qui ne dit pas son nom : elle est au service exclusif de sa Direction et de ses parrains : gestion clanique des ressources humaines et financières, détournement à la pelle, achat de conscience et de silence, magouille et affairisme à ciel ouvert… Tout y passe sans que cela n’offusque personne. Décidément, le secteur de l’électrification rurale dans notre pays porte les germes de sa propre destruction.
Face à la gabegie ambiante à l’AMADER et à l’affairisme du clan qui la dirige, doit-on s’emmurer dans un silence pour éviter les foudres de sa colère ? Heureux, ceux qui se posent, encore, ces questions. Car, il y a longtemps que l’oligarchie de L’Agence Malienne pour le Développement de l’Électrification Rurale a anesthésié les convictions. Avec espèces qui sonnent en trébuchant. Et partout, le même constat, l’amer constat : motus et bouche cousus. Personne pour dénoncer ces détournements à la pelle. On reste de marbre, face à la gestion clanique de l’AMDER, face à cette gabegie ambiante qui hypothèque l’avenir des maliens.
Partout, le même silence assourdissant. Parce que les responsables de l’AMADER versent des liasses dans leur escarcelle. Donc, il faut applaudir leurs faiblesses, tolérer ses fantasmes.
L’AMADER ou une société privée ?
La gestion financière des périodes 2015, 2016 et 2017 de l’AMADER n’a pas échappé à l’appétit vorace de ses responsables. Par petite touche, ils ont sucé les caisses, érigés le népotisme en mode de gestion. L’espoir tant suscité auprès des populations rurales a viré au cauchemar. Un flot magistral.
En effet, le Contrôle général des services publics a relevé plusieurs dysfonctionnements et irrégularités financières, dont des dépenses non autorisées, notamment le dépassement des prévisions au titre de l’entretien et la réparation des véhicules et motos. S’y ajoute, l’ouverture de 4 comptes bancaires sans l’autorisation du ministre de l’Économie et des Finances.
Concernant la vérification de l’existence et de l’application des conventions, accords internationaux, des textes législatifs et réglementaires à l’AMADER, l’audit a relevé l‘ouverture de 4 comptes bancaires sans l’autorisation du ministre de l’Économie et des Finances, en violation des dispositions de l’article 61 du décret n°2014- 0349/P-RM du 22 mai 2014. Le même document révèle que les ressources propres ont été minorées d’un montant de 7 100 000 FCFA. Ce montant correspond à la somme des versements de 600 000 F CFA, 3 400 000 F CFA et 3 100 000 F CFA effectués respectivement en 2015, 2016 et 2017 sur le compte n°002001200514-04 BNDA, comme ressources propres, et qui n’ont pas été comptabilisés.
S’agissant de la vérification de l’achat des biens et services (contrats simplifiés), les enquêtes démontrent que l’AMADER ne respecte pas systématiquement les dispositions du Code des marchés publics et de ses textes d‘application relatifs à: l’expression de besoins; la demande de cotation écrite; la notification des contrats d’un montant; l’établissement de contrats simplifiés; l’absence de PV de réception relatif à l’achat des fournitures de bureau pour un montant de 4 039 140 FCFA (contrat n°04/ME/Amader du 03/11/14).
En outre, le Contrôle indique qu’en 2015, l’AMADER a, dans un premier temps, procédé à l’achat de consommables de bureau pour un montant de 1 165 545 FCFA en dépit du marché à la clientèle F15-01/Amader signé le 18 juin 2015 à cet effet. Dans un second temps, les enquêtes précisent que courant l’année 2015, l’Amader n’a pas respecté les prévisions budgétaires relatives à l’entretien et réparations de véhicules. En effet, les dépenses sur ce poste se sont élevées à 35 877 310 FCFA, contre une prévision budgétaire de 20 750 000 FCFA, soit un dépassement de 15 127 310 FCFA.
Aussi, la gestion des ressources humaines laisse à désirer. À ce titre, les enquêteurs ont décelé d’une part l’inexistence de contrats de travail entre l’AMADER et deux fonctionnaires en disponibilité. Il s’agit du chef de la Cellule suivi-évaluation et informatique et du chef de service Gestion durable des ressources bois, énergie. Leurs contrats ont pris fin en 2015. D’autre part, les auditeurs ont pu découvrir le non-reversement des prélèvements obligatoires (Inps et AMO) portant sur la somme de 1 837 443 F.CFA sur les prestations du consultant, M. Aliou Maïga. « En effet, 5 729 622 FCFA ont été versés contre 6 635 400 FCFA au titre des mois de novembre, décembre 2015, janvier, février, mars 2016 et 8 357 895 FCFA ont été versés contre 9 289 560 FCFA au titre des mois de janvier à juillet 2017 », indique l’enquête.
Face à cette situation, les enquêteurs ont formulé des recommandations. À l’attention du Président-directeur général de l’Amader, le Contrôle général des services publics recommande de régulariser en demandant l’autorisation préalable du ministre de l’Économie et des Finances l’ouverture des différents comptes bancaires de l’Amader; établir les contrats de travail entre l’Amader et les fonctionnaires en détachement; justifier les dépenses non autorisées d’un montant total de 15 127 310FCFA à savoir le dépassement des prévisions au titre de l’entretien et réparation des véhicules et motos en 2015; justifier le montant de 1 165 545 FCFA au titre des consommables de bureau alors qu’un marché à la clientèle a été conclu; établir les expressions de besoin, les bordereaux de livraison ou d’attestation de services faits; établir des contrats simplifiés pour toutes les acquisitions de biens et services dont le montant est supérieur à 500 000 FCFA et inférieur au seuil de passation des marchés conformément au Code des marchés publics.
À l’agent comptable ils recommandent de recouvrir et reverser le montant de 1 837 443 FCFA concernant les prélèvements obligatoires (Inps et AMO) pour le consultant M. Aliou Maïga et enfin procéder à l’enregistrement de toutes les ressources propres.
L’AMADER, victime de sa hiérarchie
En bloc, l’AMADER est malade. Malade de ces responsables, qui n’en font qu’à leur guise.
« C’est fini, l’AMADER est morte ! Elle n’existe que pour une poignée de cadres, de la Direction », nous confie un travailleur de cette structure. Mais, à en croire certains responsables, les prochains jours seront compliqués à l’AMADER. Et si cette situation se poursuit, le gouvernement risque de faire le deuil du projet d’électrification rurale. Et son collègue d’ajouter l’air visiblement déçu : « si l’AMADER est censé être le fer de lance de la politique d’électrification rurale de l’État, sa gestion, aujourd’hui est d’une opacité sans équivalent ». Avant de conclure : « si des changements ne sont pas apportés au sein de ce service, les prochains jours seront durs pour l’État, les maliens… »
Certes, l’a Direction de l’AMADER vaut mieux que rien. Mais elle reste la pire en ce qui concerne la gestion du projet d’électrification rurale. Et pendant que la structure saigne, les cadres roulent dans de luxueuses bagnoles tout en hissant des bâtisses dans les quartiers huppés de la capitale. Mieux, selon certaines indiscrétions, ils se taillent des périples en Occident. Voilà, tout le sens à donner à l’hémorragie financière que connaît, aujourd’hui, l’AMADER.
Pour recouper nos informations, nous avons tenté de rencontrer la Direction de l’AMADER à travers son Secrétariat. En vain. Que se reproche-t-elle au juste ?
Par ailleurs quel est le sort actuel des populations du cercle de Sadiola, dans le cadre de l’électrification rurale ? Une situation sur laquelle nous donnerons des détails dans nos prochaines éditions.
Cyrille Coulibaly