Ouvert le jeudi 2 novembre 2017, le procès des 14 travailleurs du Pari mutuel urbain « Pmu-Mali » accusés d’atteinte aux biens publics par fraude et autres malversations, de complicités d’atteintes aux biens publics soit par manquement aux devoirs de leurs charges, soit par aide et assistance, continue son petit bonhomme de chemin. Mais d’emblée, ce procès annonce un véritable feuilleton judiciaire avec 4 principaux accusés (qui sont en prison), 5 coaccusés et 18 témoins actuellement en liberté.
Après son ouverture, le procès a fait l’objet d’un premier renvoi au vendredi 3 novembre 2017, à la suite des exceptions soulevées par les avocats de la défense. En effet, à l’ouverture de l’audience, le ministère public a proposé à la Cour de se déclarer incompétente pour juger l’affaire. Ce qui n’a pas été du goût des avocats des accusés qui se sont opposés à cette proposition du ministère public, car, à leurs dires, avec cette incompétente de la Cour, leurs clients retourneront en prison et leurs infractions seront criminalisées.
Ensuite, un désaccord persiste entre les avocats des accusés et la Cour en ce qui concerne les montants reprochés aux prévenus car dans l’acte d’accusation les montants reprochés aux 14 accusés s’élèvent au total à 14 835 000 F cfa. Alors que, pour les avocats, la Cour était en train de confondre deux affaires. Une première affaire de 4 730 000 Fcfa (B.K.80) relative à la course du 30 avril 2015 reprochée à Souleymane Diarra et une 2e affaire de plus de 10 105 500 Fcfa (P.B. 122) relative à la course du 4 novembre 2014 reprochée à un autre groupe de travailleurs (lire les faits en encadré).
Selon les avocats, l’affaire Souleymane Diarra avait été jugée avec une ordonnance de non-lieu. Mais à la surprise générale, le Pmu-Mali est revenu sur ce dossier parce qu’en portant plainte contre des travailleurs sur l’affaire des 10 105 500 Fcfa, il a introduit en même temps une plainte contre X pour la course du 30 avril 2015. Les avocats du Pmu-Mali et le juge se perdront dans les chiffres. Ils parlaient tantôt de 9 4660 000 Fcfa, de 1 500 000 Fcfa, de 3 227 500 Fcfa. Ce qui créera une confusion totale dans la salle. Les débats autour de ces chiffres ont été très houleux. Par la suite, les avocats de la défense ont soulevé leurs exceptions et demandé que les deux affaires soient scindées et jugées à part car les infractions reprochées à Souleymane ne doivent pas concerner les autres accusés. Ensuite, les avocats ont voulu savoir ce qui est reproché à chacun des accusés car, à leurs dires, les infractions reprochées aux prévenus doivent être personnelles parce que les peines seront personnelles. N’arrivant plus à se comprendre, les avocats de la partie civile proposeront de renvoyer le procès. Ce qui a été accepté par les avocats de la défense et la Cour. Les audiences seront renvoyées au vendredi 3 novembre 2017.
A la reprise des audiences, le vendredi 3 novembre 2017, la Cour a pu écouter les 4 accusés qui sont Mamadou Traoré, Safiatou Coulibaly (aide revendeuse de tickets), Baba Kouyaté, Souleymane Diarra (chef de groupe) et leurs 5 coaccusés : Abou Magassa, Modibo Kotié Doumbia, Alioune Oumar Traoré, Mamadou Guissé et Idrissa Dem. Tous ces accusés plaideront non couples des faits à eux reprochés.
Interrogé à son tour, Mamadou Traoré (directeur technique au moment des faits) s’est porté en faux contre les accusations portées sur lui, avant d’expliquer le circuit de traitement des tickets Pmu-Mali. Après le dépouillement, les tickets gagnants sont enregistrés avec des références. Et les gains sont mentionnés en chiffres et en lettres. Après ce dépouillement, les tickets gagnants sont soumis à l’appréciation des contrôleurs. A la fin du contrôle, l’état de paiement est signé et envoyé à la Direction générale, puis à la comptabilité pour établir le chèque des gagnants si le montant est égal ou supérieur à 250 000 Fcfa. Et si le montant est inférieur à 250 000 Fcfa, le gain est payé au niveau des kiosques par les revendeurs. Il dira qu’en tant que directeur technique, son rôle consiste à proclamer les résultats de la course.
L’erreur fatale reconnue par Mamadou Traoré (directeur technique)
A la question pourquoi a-t-il signé l’état de paiement de la course du 4 novembre 2014 alors que des irrégularités avaient été constatées, Mamadou Traoré reconnaîtra que cette signature a été une erreur de sa part. Il dira qu’il a commis l’erreur en établissant l’ordre de paiement des tickets gagnants. Mais il s’est dit victime de l’irresponsabilité de son chef de Division traitement, Kamissoko, qui n’a pas voulu jouer son rôle. Il laissera entendre qu’il a signé l’état de paiement sous la pression et en référence au règlement afin que les parieurs ne soient pas pénalisés par le retard de paiement de leur gain. Et cette signature a été fatale pour lui.
Par rapport à la course du 30 avril 2015, Mamadou Traoré expliquera à la Cour que c’est suite à des irrégularités constatées dans le traitement des carnets BK 80 que son adjoint a adressé au Président directeur général du Pmu-Mali un rapport sur la situation sans son aval et qu’il a laissé faire pour ne pas être suspecté de complicité. Et son avocat de se demander pourquoi Mamadou Traoré est-il le seul à se retrouver en prison alors qu’il n’est qu’un maillon d’une chaîne quand on sait que le Pmu-Mali est une société organisée. Le président répondra que Mamadou Traoré est en prison parce qu’il y a eu une plainte contre lui.
Safiatou Coulibaly : celle par qui le scandale arriva
Deuxième à se présenter à la barre, Safiatou Coulibaly, aide revendeuse par qui l’affaire du PB 122 de la course du 4 novembre 2014 est arrivée. Devant la barre, elle n’a pas reconnu les faits à elle reprochés, mais a expliqué qu’en tant que revendeuse de tickets d’Aminata Konandji, elle s’est chargée de la remontée des carnets et des souches qui étaient à sa disposition. Dans cette remontée, elle a oublié un carnet de souche dans son sac. C’est le lendemain qu’elle a ramené ledit carnet. Et elle ne sait plus rien de l’affaire. Mais il se trouve que Baba Kouyaté (agent de traitement au Pmu-Mali), le 3e à comparaître à la barre, est celui qui a découvert le lot de carnets suspects. Il indiquera que le jour du traitement des tickets, en cherchant à s’installer, il a aperçu un lot de carnets abandonnés qu’il a montré à Alioune Oumar Traoré. Mais auparavant, il avait demandé au chef du groupe 15, Sidi Yaya Traoré, si lesdits carnets étaient destinés à son groupe. Il dira que les faits se sont déroulés avant le départ de la course. Mais ce qui est paradoxal, il se trouve que Baba Kouyaté est l’ex-fiancé de Safiatou Coulibaly et c’est lui qui a découvert les carnets de cette dernière. Et au juge de lui demander pourquoi s’est-il tant intéressé aux carnets ? Il répondra qu’il s’est intéressé aux carnets parce qu’il ne voulait pas que des sanctions tombent en cas de non traitement des carnets. Il démentira le fait d’être traité d’ex-fiancé de Safiatou Coulibaly. Il dira qu’étant griot, il blaguait souvent à appeler Safiatou sa fiancée. Il soulignera qu’il est en prison parce qu’il s’est tout simplement intéressé aux carnets. Sinon qu’il ne sait rien de cette affaire.
Souleymane Diarra : l’homme qui introduisit le carnet litigieux BK 80 dans la salle de traitement
Dernier des accusés à comparaître, Souleymane Diarra est à la base de l’introduction dans la salle de traitement des carnets du BK 80 de la course du 30 avril 2015. A la barre, Souleymane Diarra ne reconnaîtra pas les faits qui lui sont reprochés, c’est-à-dire le fait d’avoir introduit dans la salle de traitement, après le début des opérations de traitement, un carnet et dont il n’a pas pu établir la provenance. Il a déclaré avoir reçu le carnet de quelqu’un qu’il n’a pas dévisagé et qu’il ne peut pas reconnaître. Sans se référer à sa hiérarchie, il a remis le carnet douteux à un agent d’un autre groupe chargé du traitement de BK 80. Dans l’acte d’accusation, il est dit qu’après dépouillement, il s’est avéré que les seuls tickets gagnants, soit 2 ordres et 23 désordres sur les 237 carnets traités du BK 80 provenaient du carnet incriminé. A la barre, Souleymane Diarra refusa d’endosser cette responsabilité. Et le ministère public de demander si l’inconnu lui avait remis une arme est ce qu’il n’allait pas tout faire pour chercher à identifier cet inconnu ? Souleymane resta bouche bée. Et toujours le ministère public de dire qu’il couvre quelqu’un ou qu’il a transmis le carnet suspect dans la salle de traitement dans une intention précise. « Vous refusez de reconnaître que le lait est blanc », a-t-il annoncé.
Par la suite, l’avocat du Pmu-Mali prouvera que Souleymane Diarra n’était pas sur la liste de présence des agents chargés du dispatching du 30 avril 2015. Ce qui veut dire qu’il ne devait pas travailler ce jour-là. Il demandera si Souleymane Diarra était habilité à recevoir et à introduire des carnets dans la salle de traitement ? L’accusé se contentera de dire qu’il ne savait pas que le carnet était frauduleux.
Idrissa Dem (directeur de contrôle) coaccusé
Idrissa Dem n’a pas reconnu les faits qui sont reprochés. Pour sa version des faits, il dira qu’en tant que contrôleur, son rôle au Pmu-Mali consiste à contrôler la conformité des tickets agents par rapport aux tickets souches. Il soutiendra que le paiement des gains n’est pas de son ressort. A la question pourquoi a-t-il signé l’ordre de paiement des gagnants ? Il répondra qu’ils ont exécuté un ordre oral. « Si le chef ordonne, j’exécute », a-t-il réagi. Et le ministère public de poursuivre « vous avez exécuté un ordre du chef, est-ce qu’il est à la barre aujourd’hui ? ». Le prévenu ne dira pas mot.
Au moment de notre bouclage ce jeudi, l’interrogatoire des coaccusés se poursuivait.
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Les faits incriminés
Affaire PB 122 : En 2014, dans des circonstances douteuses, 9 tickets, tous issus du kiosque P.B. 122 sont sortis gagnants de la course du 4 novembre 2014. Mais durant le processus de prise en charge et de traitement des tickets gagnants, certaines anomalies ont été constatées et dénoncées par les agents. Malgré ces constats de nature à remettre en cause la validité des paris, ces tickets gagnants ont fini par être payés. Ainsi, sur la base d’une suspicion de fraude, favorisée par la violation des procédures de remontée, de traitement et de contrôle des tickets, une plainte a été formulée contre X afin d’apporter toute la lumière sur la question. Et l’examen des pièces a révélé une incohérence entre le nombre de carnets remontés et le nombre de carnets traités. Aussi, malgré la non centralisation des volets souche-contrôle des tickets, les carnets du kiosque PB 122 sont parvenus au service de traitement de façon parcellaire en deux temps.
Paradoxalement, des volets agence d’un carnet souche non centralisé ont été retrouvés abandonnés sur une table isolée dans la salle de traitement alors que ledit carnet n’a été ramené que le lendemain de la course au niveau du service contrôle, après interpellation de l’aide revendeuse du kiosque en cause. Quelle coïncidence que les volets agence égarés soient retrouvés par l’ex-fiancé de l’aide revendeuse supposée avoir fait la remontée des carnets incriminés ! Aussi, en l’absence de toute instruction hiérarchique, un agent a précipitamment enlevé et remis lesdits volets au groupe initialement chargé du traitement des carnets du kiosque PB 122. C’est alors que le chef dudit groupe s’est chargé du traitement après le refus d’un premier agent saisi. Face à la situation, l’agent chargé du bureau des écarts et des omissions, Mamadou Simbo Diakité, a informé la Direction du contrôle des anomalies constatées. Ainsi, se fondant sur une violation du règlement des jeux du Pmu-Mali suivant lequel les souches doivent être acheminées et centralisées avant le dépouillement, la Direction du Pmu-Mali conclut à un préjudice de 10 105 500 Fcfa.
Affaire BK 80 : Cette affaire remonte à la course du 30 avril 2015. A la course du 30 avril 2015, des dénonciations de fraude ont été faites relativement à la prise en compte du carnet numéro 9180157 après le début des opérations de traitement et en dépit des observations d’un agent de traitement. Curieusement, les seuls tickets gagnants de cette course dont 2 ordres et 23 désordres sont issus de ce carnet litigieux. En effet, dans des circonstances douteuses, un agent du Pmu-Mali dénommé Souleymane Diarra, soutient avoir reçu ledit carnet dans la salle de traitement alors qu’il procédait au dispatching des carnets centralisés aux différents groupes pour le traitement. Aussi, il s’avère que l’état de paiement des gains du jour a été établi par le directeur technique, Mamadou Traoré, alors que cette formalité relève de la compétence du bureau des écarts. A ce niveau, la société Pmu-Mali estime une perte de 4 730 000 Fcfa au profit de faux parieurs. C’est donc suite à ces cas de fraudes signalées portant sur un montant total de 14 835 500 Fcfa sur les kiosques PB 122 et BK 80 que la 46e session ordinaire du Conseil d’administration du Pmu-Mali, tenue le 10 juin 2017, a instruit à la Direction générale de ladite société d’engager des poursuites judiciaires. C’est ainsi que les accusés et les coaccusés se sont retrouvés devant le juge.
S D.