Affaire Fonds Mondial : Le deux poids, deux mesures d’ATT

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Y a-t-il eu des malversations financières ou pas au niveau des sommes allouées à notre pays par le Fonds Mondial de lutte contre le Sida, le paludisme et la tuberculose? La réponse est positive. Il y a eu bel et bien un détournement de fonds, portant sur 140 millions de FCFA. Cette pratique frauduleuse, découverte en octobre 2009, est consécutive à une imitation de signature, imputée par le département de la Santé à Issiaka Diallo, le comptable gestionnaire du Fonds Mondial.

 

Depuis, les investigations se sont poursuivies. Le Fonds Mondial a lui-même dépêché des enquêteurs à Bamako et a produit un rapport «invisible», puisque jamais communiqué au ministère concerné. Le principe, élémentaire en matière de justice, du contradictoire en matière de contrôle n’a pas été observé par les vérificateurs du Fonds Mondial, conduits par le désormais célèbre Guy Bourassa.

A l’époque, nous avions dénoncé cette méthode cavalière, sinon porteuse de relents colonialistes du Fonds Mondial. Ainsi la précipitation avec laquelle le pouvoir avait mis le Procureur Sombé Théra sur ce dossier, alors que ceux du Vérificateur Général, qui respectent toutes les procédures en matière de contrôle, dorment dans les tiroirs.

 

Sur la base des éléments contenus dans ce rapport du Canadien Guy Bourassa, le Procureur Sombé Théra a procédé à des arrestations tous azimuts. Ainsi, la Direction Administrative et Financière du ministère de la Santé a-t-elle été décapitée, avec l’arrestation de son Directeur, Ousmane Diarra, suivie de celles de la Coordinatrice du Programme national de lutte contre la tuberculose (PNLT), le Dr Halima Naco et de plusieurs agents financiers du département.

Ulcéré par cette vague d’arrestations, le ministre de la Santé, Oumar Ibrahim Touré, avait écrit à ses partenaires pour leur demander de lui transmettre le fameux rapport, afin d’être au fait de leurs récriminations et de leur apporter les réponses idoines. Celles-ci auraient pu être explicatives ou administratives, voire judiciaires. En vain. Le ministre Touré a été complètement écarté de la gestion du dossier, transmis directement au Procureur anti-corruption. C’est le trio ATT – Modibo Sidibé – Sombé Théra qui coordonnait les actions à mener. Les nombreuses investigations ont même conduit le juge d’instruction sur le chemin du ministre Touré. Heureusement pour celui-ci, le magistrat compétent a laissé entendre qu’il ne pouvait être concerné, car il ne gérait pas les fonds, n’avait aucune délégation de signature et n’avait jamais signé de marché, fictif ou réel.

 

Il avait donc été bien établi que le ministre n’avait qu’un devoir de conseils et d’orientation. C’est pourquoi toutes les insinuations tendant à le mouiller n’ont pu rien donné. Ce qui explique aussi son maintien au gouvernement, malgré toutes les manœuvres politico-médiatiques dont il a été l’objet.   

Aujourd’hui, les contrôles et audits d’ l’inspecteur Bourassa comptaient s’étendre à l’aspect SIDA logé à la Présidence de la République,  à travers le Haut Conseil National de Lutte contre le SIDA (HCNLS),  structure rattachée à la Présidence et dirigée par Malick Sène, réputé être un proche d’ATT. Conséquence immédiate: le chef de l’Etat s’est rendu compte de la «procédure biaisée des enquêteurs du Fonds Mondial, qui ne respectent ni les contrôlés ni le pays, encore moins les procédures classiques de la vérification financière».  ATT a laissé éclater sa colère le jeudi 25 novembre dernier, lors de la rencontre du Comité Exécutif du SIDA, remettant clairement en cause les méthodes de contrôle du Fonds Mondial. Il reconnait donc que le DAF de la Santé et les autres ont été inculpés sur le base d’un rapport non conforme aux procédures.

 

ATT doit donc être maintenant cohérent avec lui-même et demander au Procureur Théra d’annuler les documents du Fonds Mondial sur lesquels il continue de travailler et, par conséquent, de libérer, ne serait-ce que provisoirement, tous ceux qui ont été incarcérés sur leur base. En ne le faisant pas, ATT ferait une politique de deux poids, deux mesures, puisque ceux qui sont aujourd’hui accusés par le même Guy Bourassa pour la composante HCNLS ne sont pas inquiétés. De deux choses l’une, en effet: soit le rapport est bon pour tout le monde, soit il est mauvais pour tout le monde.

Dans une République, tous les citoyens sont égaux en droits et en devoirs. Le rapport ne peut pas être acceptable pour les cadres de la Santé et inadmissible pour ceux de la Présidence. Affaire à suivre.

Chahana Takiou

 

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