Depuis quelques jours déjà, c’est une véritable armada d’enquêteurs du Fonds mondial qui est à pied d’œuvre dans les différentes structures du département en charge de la Santé. Cela en vue de déceler d’éventuels cas de malversations ou de délinquance financière sur le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Constituée, entre autres, de six auditeurs, d’un expert comptable et d’enquêteurs, cette mission, conduite par l’Algérien Bourassa, séjournera durant deux à trois mois dans notre pays, dans le but de voir clair dans la gestion des importantes sommes d’argent mises à la disposition de notre pays dans le cadre de la lutte contre ces trois pandémies les plus dévastatrices de la planète.
Depuis l’intervention du Procureur anticorruption, Sombé Théra, sur les antennes de la télévision nationale, les 3 et 4 septembre 2010, l’affaire dite du Fonds mondial est en train d’entrer dans une phase beaucoup plus active. En effet, après cette intervention, l’opinion nationale et internationale a été mieux éclairée quant à la volonté des plus hautes autorités de ne laisser aucun point d’ombre subsister à la perspicacité des limiers tant nationaux qu’étrangers. Surtout qu’il semblerait que certaines personnes, actuellement en prison, ne comprennent toujours pas que leurs chefs hiérarchiques soient en liberté alors qu’ils devraient eux-aussi, selon eux, être entendus et pourquoi pas interpellés.
C’est dire que les langues ont commencé à se délier car,certaines personnes écrouées ne veulent pas être les seules victimes d’une affaire qui n’a pas, encore, fini de livrer tous ses secrets. Selon des personnes incriminées, leurs directeurs et autres chefs hiérarchiques devraient être avec eux, en prison. De l’avis des observateurs, il est difficilement concevable que des directeurs n’aient pu être au courant des malversations portant sur des dizaines, voire des centaines de millions de FCFA dont sont suspectés leurs agents.
Avec l’arrivée des limiers du Fonds mondial, il y aura infailliblement une évolution allant dans le sens de l’éclaircissement de cet aspect de la question. Surtout que la mission est constituée d’enquêteurs de la Police judiciaire qui peuvent directement remettre leurs rapports à la justice malienne.
Le retour en force des enquêteurs du Fonds mondial en vue d’éplucher, en commission rogatoire, l’ensemble des pièces justificatives, sur la période allant de 2006 à maintenant, atteste du respect parfait de la procédure par la justice malienne. Comme ce fut le cas, d’ailleurs, lors de la mission précédente.
En effet, lors de cette première mission, c’est encore la très intrépide équipe conduite par le très perspicace Bourassa, le même qui a décelé, en octobre 2009, les premiers cas de détournements au niveau du Fonds mondial et qui ont conduit à l’inculpation de Ichiaka Diallo, l’ex-comptable dudit fonds au niveau du ministère de la Santé. C’est ensuite que ce dernier a été rejoint, depuis août 2010, par notamment le directeur administratif et financier du même département, Ousmane Diarra, l’ancienne coordinatrice du Programme national de lutte contre la tuberculose (PLNT), Dr Diallo Halima Nako et son adjoint Mohamed Berthé. Ils sont, en effet, aujourd’hui une dizaine de cadres et d’agents du ministère de la Santé à avoir été écroués dans le cadre de cette affaire. Un opérateur économique et un agent qui travaillerait à Graphique Industrie (nous taisons volontairement leurs noms) sont également en prison dans l’affaire des motos surfacturées et des marchés fictifs portant notamment sur la confection de supports de communication.
D’autre part, certains cadres du ministère de la Santé, fortement soupçonnés dans le cadre des marchés fictifs, seraient en train de proposer des villas à la vente en vue de pouvoir rembourser ce qui pourrait leur être reproché. Auront-ils le temps de réaliser ces opérations, avec l’évolution spectaculaire de cette affaire, que certains croyaient presque éteinte comme c’est parfois le cas dans des situations du genre au Mali?
Il s’agira, pour l’institution que dirige Michel Kazatchkine, de savoir, au vu de l’étendue des détournements et des malversations, s’il faudra toujours continuer à accorder des subventions à notre pays ou bien s’il faudra se retirer définitivement.
En un mot, il s’agira de décider, au terme de cette mission, du sort du Mali. Le mot n’est pas trop fort. Car, sans le financement du Fonds mondial, notre pays rencontrera d’énormes difficultés à exécuter son programme de santé et particulièrement de lutte contre les trois maladies les plus dévastatrices de la planète que sont précisément le Sida, la tuberculose et le paludisme.
En vue d’éclairer amplement et de manière professionnelle la lanterne des décideurs du Fonds mondial, la mission séjournera, durant deux à trois mois, dans nos murs, afin de recueillir l’ensemble des informations concernant quelque 600 000 pièces justificatives au niveau du ministère de la Santé et du Haut conseil national de lutte contre le Sida (HCNLS), une structure rattachée à la présidence de la République.
Déjà, la mission serait passée au niveau de certaines ONG bénéficiant des subventions du Fonds mondial. C’est le contenu de l’ensemble des Round (du 4ème jusqu’au 8ème en cours actuellement) qui sera épluché sur la période allant de 2006 à 2010. C’est donc la gestion de plusieurs milliards de FCFA, par les différents bénéficiaires principaux et secondaires de notre pays, qui est concernée par cette mission de très haut niveau.
En attendant de voir clair dans cette gestion, le Fonds mondial a notifié, la semaine dernière, le gel total des décaissements au profit des programmes du ministère de la Santé. Sont concernés par cette décision radicale, le Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) et le Programme national de lutte contre la tuberculose (PLNT). Quelle sera l’incidence de cette mesure sur la vie des malades ? En tout cas, avec ce gel des décaissements, c’est comme si des malades venaient de donner rendez-vous directement avec la mort. La part du budget national dans la prise en charge des patients tuberculeux, par exemple, étant presque insignifiante.
C’est dire que le gouvernement, en attendant la levée du blocus du Fonds mondial, devra prendre toutes ses responsabilités pour ne pas laisser les malades à leur triste sort.
Mamadou FOFANA